On ne sait plus comment nommer le film : Cani Arrabbiati; Rabid Dogs; Kidnapped; Les Chiens Enragés, le long-métrage de Mario Bava est un cas cinématographique spécial. Sorti en 1974, Les Chiens Enragés est saisi par les tribunaux durant les derniers stades de la production suite à la faillite du producteur mort dans un accident de voiture. Pendant vingt ans, le film est invisible nourrissant sa légende urbaine comme une œuvre violente et extrémiste. Ce n’est finalement qu’en 1998 que Les Chiens Enragés sort en VHS aux États-Unis, puis se voit réédité en 2007 sous une forme légèrement différente en DVD sous le titre Kidnapped. Mais le film reprend toute sa posture en Blu-Ray grâce à Arrow Films qui l’édite en exclusivité mondiale en 2014. Huit ans après, Sidonis édite enfin le film dans une superbe édition digibook pour le territoire hexagonal, une éternité que l’on attendait une telle prise d’initiative de la part d’un éditeur français, et ce, malgré la sortie il y a quelques années d’un remake français réalisé par Eric Hannezo, Enragés, avec Lambert Wilson, Franck Gastambide et Guillaume Gouix.
Outre son histoire infernale, à l’image du road trip des personnages principaux, Les Chiens Enragés narre la cavale de quatre truands masqués suite à l’attaque du convoi de la paie d’une usine. Après une course poursuite et la prise d’un otage, les malfrats s’enfuient en montant dans une voiture arrêtée à un feu de signalisation avec à son bord un homme et un enfant endormi. L’homme soutient que l’enfant est son fils et qu’il l’amène à l’hôpital, car il est fiévreux.
Après s’être forgé comme directeur de photo sur de nombreux films et être passé metteur en scène avec succès, notamment via Le Masque du Démon, il faut attendre la fin de carrière de cet artiste ayant régné plus de vingt sur le cinéma italien pour le voir se confronter au néo-réalisme alors en vogue dans le cinéma italien dans les années (de plombs) 1970. Via ce polar nihiliste, Mario Bava brave la réalité en se concentrant sur ce qui se fait de pire chez l’homme. N’humanisant jamais les protagonistes principaux du film, Mario Bava, par cette course poursuite folle, embarque le spectateur avec la pire vermine qui soit. Ledit parcours commence par le vol symbolique de la paie d’honnête travailleur, puis par l’assassinat d’une jeune femme innocente et d’une autre tombée malheureusement en panne à quelques mètres d’eux. La violence du film sera constante et asphyxiante. Dans les entrailles de cette voiture prise dans le rouge d’un feu tricolore, la folie va rejoindre la sueur tapant sur la tête comme les coups de feu brutaux échangés en introduction.
Mario Bava, par Cani Arrabbiati, se confronte à un cinéma des années de plombs traitant de l’état mélancolique, voire noir, de la société italienne. Fini les westerns et le fantastique de pacotille, le réalisateur se confronte à l’homme et ses déviances. Sans identité particulière, il les surnommera 32, Bistouri ou Docteur. Même le père de famille sera étrange, bien trop calme et organisé pour être sincère, droit dans ses bottes. Mario Bava nous envoie son manichéisme préférant endormir l’enfant confiné dans ses couvertures, comme abrité de ce qui l’entoure.
Une projection de l’oeuvre Les Chiens Enragés est un événement à lui seul. Alors savoir que dorénavant le film est enfin disponible dans une superbe édition Blu-Ray grâce à Sidonis Calysta est une fête. Estomaquant, brutal, violent et sans concession, Les Chiens Enragés est un essai à ne pas mettre devant tous les yeux. Jusqu’à son final âpre et cynique, Les Chiens Enragés s’affirme comme un choc, une épreuve de cinéma marquante en dépit de longueurs claustrophobiques insoutenables. Le long-métrage tient ses défauts de ses qualités, la pesanteur des kilomètres avec des bêtes folles entre agressivités, viol et meurtres. C’est pénible, sinueux, voire insoutenable, mais le long-métrage se voit comme être le dernier chef-d’œuvre d’un maître trop longtemps mésestimé.
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