Petite réussite de derrière les fagots le nouveau long métrage du binôme formé par Mariano Cohn et Gastón Duprat (visible en salles dès le 1er juin prochain, ndlr) part d’un argument pour le moins rudimentaire : au beau soir de sa vie un octogénaire accessoirement grand ponte cossu de l’industrie pharmaceutique mondiale n’a pas fait ce qu’il aurait voulu ; de ce blues du businessman auquel rien ne manque exceptée une véritable raison d’être et d’avoir été les réalisateurs vont donc développer le récit d’un immense projet cinématographique auto-produit par notre fameux milliardaire bien décidé à laisser sa trace dans l’Histoire de l’humanité, convoquant pour l’heure une réalisatrice prestigieuse mais difficile et deux acteurs de renom ne l’étant pas moins afin d’adapter Rivalidad, un roman réputé narrant stricto sensu le parcours tragique de deux frères aux caractères clairement antinomiques : le premier s’avérant primaire et fanfaron sera donc interprété par le comédien de théâtre snob et académique Iván Torres lorsque le second, davantage terne et introverti, sera joué par l’arrogante et séductrice star de cinéma Félix Rivero… le tout orchestré par l’émérite Lola Cuevas, cinéaste exigeante et multi-récompensée aux méthodes de travail et de direction d’acteurs peu orthodoxes !
En un mot comme en cent cette Compétition Officielle tient véritablement de la jolie réjouissance de cinéma : souvent drôle, arborant des airs de comédie pince-sans-rire cette production ibérique se fraye un chemin caustique et superbe de justesse dans les arcanes de la création cinématographique en s’attardant essentiellement sur l’avant-tournage, là où de nombreux réalisateurs du passé et des temps présents ont davantage lorgné du côté des plateaux et des expériences propres au tournage ; tout un chacun connaît du reste au moins quelques-uns des films les plus célèbres en la matière, qu’il s’agisse de La nuit américaine de François Truffaut, de Prenez Garde à la Sainte-Putain de Rainer Werner Fassbinder ou encore de Mulholland Drive et de INLAND EMPIRE tous deux réalisés par le grand et génial David Lynch à l’orée du XXIème Siècle… Ici ce sont les laborieuses répétitions de texte, les introspections dramaturgiques et le portrait de deux acteurs en plein work in progress qui intéressent Mariano Cohn et Gastón Duprat, opérant avec ludisme par l’entremise de la figure excentrique de Lola Cuevas qui va, presque à son corps défendant, devoir composer avec l’ego de l’un et l’ego de l’autre… En ressort un film malicieux mais aucunement malveillant en paradoxe, jugeant ses personnages lorsque l’occasion se présente sans jamais totalement les condamner dans le même temps.
Le trio d’acteurs et d’actrice fonctionne merveilleusement, la caméra parvenant à sublimer une Penélope Cruz impeccable en intellectuelle perfectionniste aux airs d’artiste avant-gardiste, à capter le charisme naturel d’un Antonio Banderas impérial en bellâtre un peu trop sur de lui et à imprimer sur pellicule la suffisance un rien antipathique du personnage du comédien Iván Torres incarné par Oscar Martinez. Jouant clairement sur la compétition du titre opposant les deux célèbres acteurs tout en filant la mise en abyme d’un bout à l’autre (sans être un véritable « film dans le film » ledit métrage retranscrit parfaitement l’univers d’un tournage dans ses plus beaux prodromes ; en outre le récit de Rivalidad est en lui-même celui d’un affrontement mêlé de rancœurs et de violences fraternelles, ndlr) le film de Mariano Cohn et Gastón Duprat fait figure de satire à petite échelle mais entièrement conséquente dans le même mouvement d’ironie. Nous nous garderons de vous raconter les différentes saynètes mettant en valeur (et avec délice !) les joutes dramatiques opposant Félix à Iván pour mieux vous conseiller un film plein d’esprit et astucieusement filmé à renfort de cadrages centripètes aux allures de dispositif scénique pour le moins pertinent. Une belle surprise.
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