Coupez ! : Romero doit mourir

17 mai 2022, aux alentours de 20h. Le 75ème Festival de Cannes projette le nouveau long métrage de Michel Hazanavicius dans la foulée de la cérémonie d’ouverture, film de genre librement inspiré d’une production bis nippone (Ne coupez pas !) dont le réalisateur français assume du reste entièrement en avoir exécuté le remake caucasien. À l’image de cette soirée inaugurale cannoise vécue en direct par une bonne partie de la cinéphilie française, européenne voire même internationale l’argument de Coupez ! (initialement titré Z (comme Z) puis renommé par l’injonction sus-citée pour des raisons d’ordre idéologique, à l’aune du conflit russo-ukrainien, ndlr) prend comme point de départ le résultat artistique d’un petit film de série Z tourné rapidement, avec peu de moyens (et surtout dans la moyenne !) et littéralement projeté en live de sa réalisation. Laconiquement un gros Z qui tâche vient estampiller ledit métrage dans le plus pur esprit récréatif à quelques secondes de l’ouverture de la projection, gros morceau de cinoche façon exploitation vintage en veux-tu, en voilà porteur de belles promesses. S’ensuivront une trentaine de minutes présentant l’intégralité du film astucieusement mis en abyme par Hazanavicius, moyen métrage tourné en plan-séquence unique et en une seule prise criblée de maladresses, accidents et autres vicissitudes et orchestré par un réalisateur semblant visiblement se mettre en scène lui-même et flanqué de comédiens et de comédiennes se demandant ce qu’ils sont allés chercher là, ici, maintenant, dans cet hénaurme film de zombies à l’organisation proprement chaotique et encline au Système D à répétition…

Pas toujours enthousiaste en ce qui concerne le cinéma de Michel Hazanavicius (Un The Artist certes très intelligemment fabriqué mais justement trop fabriqué, un diptyque OSS 117 à l’humour très écrit mais justement trop écrit, un Redoutable godardien en diable mais pastichant JLG avec une suffisance un rien dommageable…) nous avons pour le quart d’heure été totalement convaincus par ce nouvel objet iconoclaste à la dérision communicative et généralisée. Une fois encore le maître du détournement filmique connaît sa grammaire cinématographique sur le bout des doigts, transformant son esbroufe habituelle en une inédite brillance doublée d’une générosité étonnante et complètement justifiée au regard du genre et du sujet. Moins « petit malin » et plus fervent à l’égard de son projet que par le passé le cinéaste français livre un objet à la fois composite et techniquement très cohérent, jouant délibérément la carte de la parodie tout en en assumant la malice. Il faut se rappeler les premières minutes de La Cité de la Peur et du fameux Red is Dead ouvrant la comédie (et se souvenir au passage des liens fraternels unissant Les Nuls à Hazanavicius et la bande à Canal +, ndlr) : Z représente l’antichambre de Coupez ! tout en en étant le catalyseur, de la même façon que la production nanardesque grossièrement (mais délicieusement) incarné par Simon Jérémi alias Dominique Farrugia servait de moteur au gigantesque délire sur pellicule que représente le film réalisé par Alain Berbérian. Volontairement mal joué, volontairement mal filmé, savamment grotesque : Hazanavicius réalise ici un nanar au cordeau qui ménage les surprises de manière admirable et – mieux que tout – proche d’une partie de bonneteau bluffant éhontément son audience. C’est une haute et franche réussite !

Nous en resterons là en termes d’informations scénaristiques, préférant éviter de vous gâcher la fête générée par la projection de Coupez !… Si d’aventure toutefois quelques mots de notre soin pouvaient vous inciter à découvrir le dernier film de Michel Hazanavicius dans les salles obscures dès à présent nous y irions de notre petit éloge sur la pertinence du casting, avec entre autres un Romain Duris hilarant en réalisateur proche de l’apoplexie, une Bérénice Bejo impeccable en actrice badass au look tarantinien possédée par son rôle ou encore un Finnegan Oldfield étonnant en comédien imbu de lui-même et maquillé en schtroumpf (sa figure de mort-vivant peinte en bleu vif renvoie directement au Zombie de Georges A. Romero produit par Dario Argento au coeur des années 70, décennie à laquelle Hazanavicius fait régulièrement référence dans ses choix esthétiques, ndlr). Il semblerait cette fois-ci que l’auteur du Grand Détournement ait troqué son regard caustique jamais très loin du persiflage et de la finauderie pour une prodigalité plus franche et authentiquement dérisoire, conservant dans le même temps le savoir-faire technique dont il a toujours su faire preuve. Une très belle surprise.

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  1. Why don't you play in hell ? : Tout pour le cinéma ! -

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