Les Pirates du Métro : Le braquage du siècle

Pourquoi aimons-nous tant notre travail de chroniqueur ? C’est une question récurrente à laquelle il est difficile d’apporter une réponse universelle tant la sensibilité du critique derrière son ordinateur est directement engagée. Au sein de notre équipe, un même film pourrait se retrouver avec un avis défavorable quand un autre confrère l’encenserait bec et ongle. Il suffit de vous tourner vers nos podcasts pour vous rendre compte que certains débats peuvent vite devenir enflammés lorsque les avis divergent. Outre l’évidente passion pour le cinéma qui nous anime, pourquoi nous accrochons-nous à l’exercice qui consiste à vous délivrer notre avis sur les films ? Pour les plus assidus d’entre vous, il ne vous est pas étranger que nous sommes affiliés à tout ce qui concerne le marché vidéo et numérique. Ainsi, s’il fallait apporter un élément de réponse à la question soulevée ci-dessus, nous aimons notre travail pour l’émerveillement que nous procurent les éditeurs vidéos. Les passionnés à la tête de médias comme Rimini Éditions parviennent sans cesse à ressusciter des pépites méconnues et/ou oubliées et forcent l’admiration du consommateur avec lequel la relation de confiance demeure la base de tout. Acheter un blu-ray est devenu une activité à la limite de la fossilisation. A l’heure de la SVOD et où l’éducation des jeunes générations ne se fait plus via les vidéos-clubs, où l’attente d’un film à la vue de sa simple bande-annonce au cinéma ou encore via le prisme de la presse spécialisée n’existe preque plus, donner un regain à l’édition vidéo relève d’un combat de l’ordre de David contre Goliath. Pourtant, en dehors du syndrome de la « collectionite » qui rend notre « vidéophagie » incurable, c’est bel et bien grâce aux éditeurs s’il perdure la transmission d’un cinéma de patrimoine qui n’a de cesse de nous casser les dents lors de ses (re)découvertes. C’est avec tout ce bonheur communicatif que notre coup de cœur du jour s’intitule Les Pirates du Métro. Disponible dans un blu-ray hautement qualitatif chez Rimini Éditions, le film de Joseph Sargent est à la croisée des chemins de bon nombres de films d’action contemporain. De Reservoir Dogs à Die Hard 3, Les Pirates du Métro est de ces œuvres très influentes à réhabiliter de toute urgence.

A New York, quatre hommes armés, utilisant des couleurs comme noms, prennent en otage une voiture de métro et demandent une rançon d’un million de dollars pour la libération des passagers. Le lieutenant Zachary Garber de la police du métro de New York doit gérer cette affaire alors même qu’il doit faire visiter le centre de contrôle du réseau à des responsables du métro de Tokyo.

Innovant, brillant, sur un fil tendu permanent… Les Pirates du Métro, sorti en 1974, s’inscrit au cœur du Nouvel Hollywood comme une pierre angulaire qui va cristalliser tout le cinéma d’action des années 1980 à aujourd’hui. Adapté du roman éponyme de John Godey, ce thriller renouvelle ses enjeux toutes les dix minutes. Impossible de s’ennuyer tant tout s’imbrique avec une limpidité déconcertante. Par le biais de procédés très classiques (Sargent aime les fusils de Tchekhov), le film distribue minutieusement ses cartes afin de ne jamais perdre l’attention du spectateur. Au cœur d’un quotidien ordinaire, Sargent fait survenir ses éléments perturbateurs d’entrée de jeu. Ceci lui permet d’introduire ses personnages rapidement, d’y définir leur fonction en quelques plans et d’y imprimer leur rôle tout aussi efficacement. Quatre couleurs (bleu, gris, vert et marron), quatre jobs distincts. Le plan est parfaitement huilé et tout est pensé pour palier à n’importe quelle éventualité. Le fantasme du braquage parfait alimente les histoires des plus grands films du genre depuis des décennies. Pourquoi Les Pirates du Métro possède cette aura qui l’élève au-dessus de la masse ? Tout se joue dans d’infimes détails comme l’uniformisation des braqueurs (moustache, lunettes, accoutrements sobres…). Il y a une tête pensante, un mécanicien et deux exécutants. Les rôles sont précisément définis et rien ne déborde du cadre. Avec une telle rigueur dans la tenue des antagonistes, Sargent se doit de ne jamais faillir à sa mise en scène. Il se met au même niveau d’exigences que ses braqueurs et confère à son film une tenue de route au cordeau. Par-delà son casting impérial, c’est vraiment la mise en scène qui fait briller ce film de mille feux.

Il y a une dualité dans le huis-clos que s’impose le film. Joseph Sargent opère à un miroir entre la rame du métro où se sont enfermés les braqueurs avec le centre de communication dans lequel le lieutenant tente de négocier avec les terroristes. Seulement, et c’est là que le film se montre brillant, le chaos et la suffocation ne proviennent pas du camp des vilains, mais bel et bien de celui des représentants de la loi. Dans la rame tout est quadrillé, réfléchit et l’ordre règne. Au centre de communication, le lieutenant Garber doit sans cesse réclamer le silence, doit composer avec des collègues imbus et pathétiques, dont certains racistes et misogynes, ce qui peine à le rendre crédible. Sans pour autant faire l’apologie de l’anarchisme et du désordre, Les Pirates du Métro iconise ses antagonistes là où son mépris des forces de l’ordre est dûment palpable. Voilà pourquoi le film est d’un modernisme ahurissant et pourquoi Tarantino s’en inspirera grandement pour Reservoir Dogs (et plus généralement sur la plupart de ses films). Au-delà de lui reprendre son concept des noms de couleurs, Tarantino nourrit une fascination pour la figure du gangster. Tout comme Sargent, il les rend cool, attachant et humain. La violence dont ils peuvent faire preuve passe au second plan grâce à la magnificence de leur caractérisation. Pourquoi la violence a cette saveur salvatrice chez Tarantino ? Tout simplement parce qu’il a l’art de nous faire oublier que nous sommes en présence de personnes foncièrement mauvaises. Quand tout éclate, il y a cette idée de délivrance et de retour à la réalité qu’on a bien pris soin de masquer aux spectateurs. Et cette vision du découpage, Tarantino le doit entièrement au film de Joseph Sargent. Lorsque Les Pirates du Métro entame son dernier tiers, les braqueurs dévoilent leur véritable visage et toute l’illusion ou l’admiration que nous leur portions s’efface au profit de séquences d’action sauvages et diablement orchestrées.

Si Tony Scott en fera un remake nerveux en 2009, Les Pirates du Métro est un film qui n’a rien perdu de sa superbe. Rimini Editions fait entrer dans son catalogue un monument du thriller américain. Entre le polar et le film d’action, Les Pirates du Métro a peut-être presque 50 ans, mais est toujours aussi moderne. Un uppercut de la sorte justifie bien son achat. Une pièce de collection qui nous prouve que le marché vidéo doit survivre ne serait-ce que pour saluer le travail acharné des éditeurs passionnés comme Rimini.

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