Tom : Rencontre avec Nadia Tereszkiewicz

A l’occasion de la sortie de Tom (cinquième long métrage de la talentueuse et très humaine Fabienne Berthaud) ce mercredi 11 mai dans nos salles obscures nous avons eu la chance de rencontrer la jeune et pétillante Nadia Tereszkiewicz dans l’intimité de l’hôtel 25hours situé aux abords de la Gare du Nord. Échange bref mais passionné autour du film et du rôle interprété par cette jeune femme à la simplicité à la fois éloquente, charmante et communicative.

Bonjour Nadia, pour commencer peux-tu nous raconter comment tu en es arrivée à devenir actrice ; selon certaines sources tu étais en classe libre au Cours Florent il y a quelques années : peux-tu nous en dire davantage ?

J’ai fait danse-études durant toute mon enfance et mon adolescence, jusqu’à l’âge de 18 ans. J’ai ensuite effectué une prépa littéraire pendant laquelle j’ai découvert le théâtre ; j’ai par la suite passé la classe libre du Cours Florent en 2018, et ai commencé à tourner en parallèle sous la direction de Denis Berry dans un petit film tourné au Portugal intitulé Sauvages. Cette expérience m’a fait prendre pour la première fois conscience des réalités d’un plateau de cinéma ce qui – mine de rien – est autre chose que le théâtre. Je me suis sentie épanouie, mise en danger, un peu tout à la fois d’une certaine façon (enjouée). Le désir de jouer s’est alors définitivement imposé comme une évidence…

Pour parler de Tom : qu’est-ce qui t’as attiré dans ce projet mettant les personnages au coeur du propos ? Avais-tu déjà vu d’autres films de Fabienne Berthaud ?

J’avais vu Pieds Nus sur les Limaces que j’avais adoré, qui témoigne de la manière très libre qu’a Fabienne de filmer les situations : elle lance l’action, ne se préoccupe que très peu du découpage, crée des moments de vie ainsi qu’un rapport très fort avec la nature, notamment dans ce film. Du coup j’ai lu le scénario de Tom en ayant en tête l’ambiance et le fait qu’elle explore des personnages souvent en marge du système, un peu exclus, assez seuls et qui ont besoin des autres ; j’ai trouvé le film très lumineux, avec un sentiment de besoin d’amour très prononcé. Explorant des sujets compliqués tels que la solitude, la précarité et la vieillesse le film porte également en lui une part importante d’enchantement et d’onirisme, ce qui le rapproche du conte ou de la fable. L’idée de travailler sur la relation liant une jeune mère à son fils m’a également rapidement séduite…

Ta palette d’actrice semble, malgré ton jeune âge, déjà très large ; en effet ton rôle dans Tom est très différent de celui, un peu déluré et exubérant, que tu campes dans le récent Babysitter de Monia Chokri. Comment fais-tu pour travailler des caractères aussi différents ? T’inspires-tu d’une méthode particulière, héritée peut-être de ton expérience théâtrale…?

J’avoue être un peu courte en matière de classique, ayant eu une brève expérience dans ce domaine puisque j’ai commencé à tourner très peu de temps après… Ce ne sont pas forcément des méthodes, il me semble plus juste de prendre chaque projet pour ce qu’il est, chaque film est à aborder différemment. Par exemple Monia Chokri appréhende le cinéma comme une chorégraphie, avec un style, un rythme et un univers propres à elle : j’ai accepté de me plonger avec elle dans ce monde là, tout comme avec Fabienne qui possède elle aussi sa singularité de réalisatrice. Autant tout est très découpé, organisé chez Monia autant le processus de création du film passe par des moments de vie laissant libre cours aux instants de pause et de relâchement chez Fabienne. Je pense que chaque film, avec le style qu’il développe et propose permet de rencontrer la vision d’un réalisateur, et c’est d’ailleurs ce dont j’ai eu la chance de bénéficier jusqu’à présent.

De ce point de vue y aurait-il des réalisateurs actuels avec lesquels tu aimerais travailler dans un futur proche ?

J’ai récemment vu Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, qui m’a tout simplement bouleversé. Sans savoir si j’ai réussi ou non à m’identifier au personnage une chose est sûre : le film m’a laissé dans un état mémorable, avec plein de remises en question sur le cinéma. Parfois certains films nous changent, font bouger des choses et en déclenchent d’autres, et ce fut le cas ici. Je te répondrai donc là, comme ça, Joachim Trier. Après il existe plein d’autres réalisateurs avec lesquels j’aimerai tourner, à partir du moment où l’on me propose un rôle complexe, profond et que j’ai surtout envie de défendre…

Très bien, merci. Je me demandais comment c’était passé ta rencontre avec Tanguy Mercier et Félix Maritaud. En effet tu joues à la fois le rôle d’une jeune mère avec le premier et celui d’une ex-compagne meurtrie et indépendante avec le second. Comment es-tu parvenu à concilier ses deux facettes durant le tournage ?

C’est vrai que leur personnage ramène le mien à cette double-réalité. Il faut voir en Joss (le personnage qu’interprète Nadia dans le film, ndlr) en tant que mère une figure différente que Joss en tant que femme. Elle se sent d’un côté abandonnée et meurtrie et doit de l’autre se reconstruire tout en étant une mère, une personne de pouvoir qui contrôle la situation tout en étant responsable. Ces deux facettes sont difficiles à concilier lorsque le personnage concerné traverse des difficultés liées à sa vie et son parcours : elle en apprend d’ailleurs beaucoup de Tom, son fils qui la protège et qui donne toute l’affection dont elle a besoin. Nous avons eu une grande complicité avec Tanguy qui est un enfant très mature pour son âge, avec une grande profondeur dans ses yeux, ses silences… Je me suis beaucoup appuyé sur lui de ce point de vue là. Quant à Félix c’est une personnalité tellement attachante et qui contient par ailleurs une grande part d’enfance mêlée de facettes plus sombres, plus inquiétantes et plus imprévisibles que je n’ai pas vraiment eu le sentiment de travailler avec lui : on se laissait porter par l’instant car c’est aussi quelqu’un de très instinctif, très spontané, qui correspondait bien au cinéma de Fabienne, selon moi. Il fallait donc trouver l’alchimie propre à notre trio, ce qui tombait assez bien : Félix avait une complicité avec Tanguy, qui pouvait m’exclure ; par ailleurs ma complicité avec Tanguy n’était pas la même que celle que Tanguy manifestait pour Félix, pour lequel il avait beaucoup d’admiration et auquel il s’est – en partie – identifié. Parfois la vie et le tournage se mêlent, et c’est souvent là que c’est le plus intéressant.

Oui effectivement Tom semble chercher un symbole paternel en la figure de Samy interprétée par Félix. Je voulais revenir sur la relation que tu entretenais avec ton personnage. Si tu as vu les autres films de Fabienne que sont Sky et Un monde plus grand…

Oui.

Tu as donc pu constater que ce sont également des portraits de femmes en pleine résilience, désireuse d’accéder au bonheur : dans Un monde plus grand Cécile de France cherche à outrepasser le deuil de son époux lorsque Diane Kruger cherche à tourner la page de sa relation conjugale dans Sky. T’es tu inspirée ou non de ces films en amont du tournage ?

J’avais vu ces films et m’en suis inspiré dans la mesure où ce sont des femmes libres, qui ont ce besoin de s’en sortir à tout prix, de ne pas abandonner. A la fois courageuses et très lumineuses ce sont des femmes qui se battent pour obtenir ce qu’elles veulent, et accéder à ce qu’elles sont vraiment – même si j’imagine qu’on ne peut jamais se connaître entièrement… Ce désir d’apaisement malgré les doutes, de connexion avec soi-même m’intéressait tout autant que leur combativité.

Pour finir as-tu d’autres projets en cours que tu souhaiterais évoquer avec nous ?

J’ai actuellement un film qui va être projeté à Cannes et qui s’appelle Les Amandiers, réalisé par Valeria Bruni Tedeschi, ainsi qu’un film de Romain Campillo tourné à Madagascar et qui sortira l’année prochaine. Il y a également un film algérien réalisé par Damien Ounouri, qui se déroule autour de l’an 1500 et dans lequel je joue une guerrière scandinave. Trois projets qui sont tous très chers à mon cœur auxquels s’ajoute un quatrième projet sur lequel je travaille actuellement et dont je ne peux rien vous dire mais qui me rend trop heureuse…

Propos recueillis par Thomas Chalamel le 3 mai 2022. Un grand merci à Nadia Tereszkiewicz et à Calypso Le Guen.

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