Poupée Russe – saison 2 : Voyage à travers l’héritage familial

Agréable surprise de l’année 2019, la première saison de Poupée Russe revisitait avec malice le concept fort éculé de boucle temporelle pour se terminer sur un très bel épisode final avec un malicieux split-screen marquant une forme d’apaisement pour son héroïne et son comparse Alan. Le succès de la série avait poussé Netflix à la renouveler pour une seconde saison sans que l’on ne comprenne vraiment pourquoi tant cette première saison faisait une très bonne mini-série qui n’appelait pas forcément de suite. Repoussée à cause du Covid-19, la deuxième saison de Poupée Russe a fini par débarquer sur la plate-forme le 20 avril dernier et propose une nouvelle expérience fort réjouissante et assez vertigineuse.

Les scénaristes de la série étant conscients qu’ils ne pouvaient réitérer le concept d’une boucle temporelle, les voilà qui passent à la vitesse supérieure pour faire vivre à Nadia une nouvelle aventure métaphysique dont l’argument fantastique ne sera jamais explicité. Alors qu’elle s’apprête à fêter ses 40 ans, Nadia découvre que si elle prend une ligne spécifique du métro, cela l’emmène dans le New York des années 80 dans la peau de sa mère quand elle était enceinte ! Nadia y voit l’occasion de réparer les erreurs commises par cette mère névrosée ayant dilapidé son héritage mais ne va pas tarder à réaliser qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour modifier le passé, quand bien même ses trajets en métro l’emmènent bien plus loin que les années 80…

Difficile d’en dire plus sans déflorer tout l’attrait de cette nouvelle saison qui se montre diablement intelligente dans son approche, poursuivant l’exploration du personnage de Nadia qui va devoir apprendre à accepter son passé et à réaliser que c’est grâce à lui qu’elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. L’approche est habile même si le scénario se repose beaucoup trop sur Nadia et laisse une fois de plus le pauvre Alan de côté alors qu’il s’agit du personnage le plus attachant de la série. Mais à la barre de la série, à la fois co-créatrice, scénariste et réalisatrice de quelques épisodes, Natasha Lyonne envahit tout l’écran. La série raconte certes son histoire mais l’on aurait aimé que plus de place soit faite aux seconds rôles même si cette dévotion totale à la série et au personnage qu’elle incarne fait également sa singularité d’autant qu’elle s’inspire en partie du parcours de l’actrice qui a flirté avec l’auto-destruction pendant un moment. Avec sa présence magnétique, sa chevelure rousse, ses répliques bien senties et sa voix rauque, Lyonne donne toute sa consistance et ses nuances à un personnage peu aimable, difficilement attachant et il faut s’accrocher le temps de plusieurs épisodes pour réapprendre à l’aimer alors qu’elle s’acharne dans une quête dont le spectateur a compris depuis longtemps qu’elle est vaine.

Un poil trop longue (un épisode en moins aurait été parfait) et inégale dans son rythme, cette seconde saison de Poupée Russe emporte cependant l’adhésion par le voyage qu’elle réserve à ses personnages, questionnant carrément le sens de leur existence. Remontant son passé, Nadia espère changer la donne de son karma familial mais comme les personnages de Lost (autre série jouant brillamment sur la notion de voyage dans le temps) le disent:  »whatever happened, happened » et le passé est généralement immuable. Ce voyage va donc uniquement servir de catharsis au personnage qui devra apprendre à accepter cet héritage et à composer avec pour accepter sa propre existence et ce jusqu’aux deux derniers épisodes assez vertigineux, n’obéissant à aucune logique mais ouvrant les âmes sans avoir peur de ne pas apporter de réponse réconfortante. Une audace suffisamment rare et brillante pour être soulignée, venant clore la saison en nous laissant le souffle coupé puisqu’à travers ce voyage, il est impossible au spectateur de ne pas revisiter son propre passé et de s’interroger sur celui-ci. De quoi nous retourner le cerveau et d’achever de nous convaincre que malgré ses défauts, Poupée Russe fait preuve d’une inventivité qu’il faut décidément acclamer.

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