Frankenhooker : Walter White au pays des prostituées

Cette semaine, c’est l’exploitation qui est à l’honneur chez Shadowz grâce à une rétrospective du cinéma de Frank Henenlotter. Exploitation oblige, le bon goût n’est pas de mise, déversant sur nos mirettes un déluge de tout ce que la société américaine de l’époque voulait maintenir loin de nos écrans. On alterne entre gore, violence et nudité dans une atmosphère joyeusement enfantine, à la limite du burlesque. Car, là où les plus pervers se délecteront des plastiques féminines mises en valeur tout au long du film, l’intérêt réside surtout dans des scènes à effets spéciaux inventives et pleines d’un humour caustique particulièrement corrosif.

Le postulat du film est le suivant : un jeune docteur Frankenstein appelé sobrement Jeffrey Franken perd tragiquement sa fiancée, déchiquetée par une tondeuse à gazon. N’ayant pas assez de morceaux pour pouvoir lui redonner vie, Jeffrey part chasser la prostituée à New York afin de trouver le corps parfait. Les choses ne se passeront malheureusement pas comme prévu puisque de la même manière que Frankenstein est conditionné par la personnalité criminelle de ses donneurs, Frankenhooker est très vite rattrapée par son passé de femme de petite vertu. Le tout en une bonne heure et demie bien tapée qui rend le visionnage du film agréable malgré un récit un peu long à démarrer à cause de l’acteur principal pas franchement convaincant. On lui préférera amplement sa partenaire revenue d’entre les morts avec sa démarche robotique et ses grimaces hallucinées, rappelant ce que fera quelques années plus tard un certain Jim Carrey.

Deux grands actes de bravoure parcourent le film. Le premier arrive lorsque le groupe de prostituées réuni par Jeffrey se goinfre de la SuperMeth qu’il a concocté. En pleine orgie de poitrines, elles se mettent littéralement à exploser sous nos yeux ébahis par des effets de raccord si visibles qu’ils prennent une tournure humoristique. Têtes, torses et jambes virevoltent en détruisant tout sur leur passage. Jeffrey n’a maintenant plus qu’à se servir afin de créer le corps de ses rêves. Les membres restants seront les points d’orgue du deuxième acte de bravoure. Eux-aussi ramenés à la vie par l’expérience de Jeffrey, ils se seront amalgamés à l’intérieur de son frigidaire en créatures trop difformes pour pouvoir concrètement être décrites, mais rappelant le final de Society sorti un an plus tôt et le bien évident maître-étalon du genre The Thing. C’est là qu’on sent tout l’amour de Henenlotter pour ces films puisqu’il s’attarde à rendre convaincant et profondément dérangeant ce que d’autres auraient pu bâcler en se cachant derrière l’humour et le manque de budget.

Frankenhooker  a néanmoins quelque petites choses à dire sur son époque et la ville de New York, parangon de saleté et de misère humaine qui n’aurait pas dépareillé avec sa représentation dans des films comme Taxi Driver ou Maniac. Les prostituées sont présentes à tous les coins de rue. Jeffrey n’a qu’à se servir comme dans un supermarché. On sent Henenlotter travaillé par le sujet ; en témoigne cette scène au milieu du métrage où, dans un talk-show diffusé chez Jeffrey, une intervenante vient plaider pour la prise en charge des prostituées par l’état plutôt que de les laisser mourir à petit feu dans la rue. Jeffrey exprime alors immédiatement une pensée qui semble plus venir du réalisateur que du personnage : ”Elle a raison ! Elle a raison !” 

Le cinéma d’exploitation, surtout pour ceux qui n’ont pas vécu l’époque des vidéoclubs, a généralement tendance à mal vieillir. Néanmoins, Frankenhooker fait partie de ces films où le réalisateur possédait assez de talent pour rehausser le niveau de la production et offrir un spectacle réjouissant à ceux capables de débrancher leur intellect et leur logique le temps d’un voyage à travers la partie trash et décomplexée de l’Amérique.

Abonnez-vous sans crainte à
SHADOWZ – L’unique plateforme de SCREAMING !

Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*