Ma Famille Afghane : Minimalisme intime en Afghanistan

Ma Famille Afghane est un projet tout à fait étonnant. Adapté du livre de la journaliste Petra Prochazkova sur la vie d’une femme tchèque ayant tout quitté pour s’installer en Afghanistan avec son mari, Michaela Pavlátová dresse le portrait ambigu d’une femme à la fois tiraillée entre son éducation occidentale et le mode de vie afghan. Pour ce faire, la réalisatrice a fait le choix de rester dans une certaine sobriété en termes d’animation afin de se concentrer sur l’intimité de ce couple atypique (cf : son entretien). Parti-pris qui peut néanmoins laisser de marbre un public habitué à une animation beaucoup plus expressionniste.

Le premier grand problème de Ma Famille Afghane est dramaturgique. Voici le synopsis sur lequel est vendu le film : “Kaboul, Afghanistan, 2001. Herra est une jeune femme d’origine tchèque qui, par amour, décide de tout quitter pour suivre celui qui deviendra son mari, Nazir. Elle devient alors la témoin et l’actrice des bouleversements que sa nouvelle famille afghane vit au quotidien. En prêtant son regard de femme européenne, sur fond de différences culturelles et générationnelles, elle voit, dans le même temps son quotidien ébranlé par l’arrivée de Maad, un orphelin peu ordinaire qui deviendra son fils…” Les deux grandes promesses de ce synopsis se trouvent dans les “bouleversements” que connaît sa famille et par son “quotidien ébranlé” résultant de l’arrivée d’un enfant orphelin. Or, à la vision du film, on se rend compte que ces éléments ne sont que des prétextes. Les bouleversements de la famille sont finalement assez peu traités et ce nouvel enfant n’a guère de conséquences sur le personnage de Herra qui est plus accaparée par sa relation tumultueuse avec son mari Nazir que par l’éducation de son enfant. Il ne reste donc à la narration que des suites de tranches de vie où l’équilibre précaire dans lequel se trouve la famille se délite au fur et à mesure que l’intégrisme religieux se fait plus intrusif.

Même si la réalisatrice fait le choix de toujours rester relativement neutre et de ne jamais juger cette population afghane profondément rétrograde et misogyne il est compliqué pour nous, spectateurs occidentaux, de faire de même tant la violence que subissent les femmes au quotidien nous paraît aberrante. Impossible de rester seule dans la même pièce qu’un homme, interdiction de porter autre chose qu’une burka en public… Les conditions de vie d’une femme dépendent uniquement de la personne avec qui elle s’est mariée. C’est ce qu’explique très bien la belle-mère lorsque Nazir défend l’honneur de Herra en battant son beau-frère violent : “Tu as de la chance d’avoir un si bon mari !”. Avec un autre mari, c’est elle qui aurait pu être battue.

Le personnage de Nazir est sur ce point tout aussi ambigu que celui de Herra. Malgré des études d’économie en occident, il ne questionne jamais le fonctionnement de son pays d’origine et n’hésite pas à remettre sa femme sur le droit chemin lorsqu’il estime qu’elle dépasse les limites de la bienséance islamiste. Cependant, il est capable de se remettre en question et peut faire preuve d’une grande douceur lorsqu’on a besoin de lui. Il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point les personnages respectent ce mode de vie par crainte ou par habitude même s’ils se rendent compte de son absurdité. Toute la tragédie du film se trouve alors dans la scène où la venue des invités américains force les femmes à se cacher, car elles n’ont pas le droit d’être vues. Le grand-père, bien plus ouvert que sa progéniture, leur tend de vieilles photos montrant des femmes en train de se balader en jupe dans la rue, chose complètement impensable aujourd’hui, surtout depuis la prise de pouvoir des talibans.

Ma Famille Afghane est un film qui a le mérite de traiter son sujet à bras-le-corps même si sa narration trop lâche et son animation minimaliste ont du mal à convaincre sur le plan ludique. Il n’en reste pas moins qu’il est encore trop rare de voir de l’animation pour adultes sur nos écrans et c’est assez important pour soutenir cette démarche salvatrice.

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