Le Secret de la Cité perdue : Miroir du diamant vert

Au premier coup d’oeil, Le Secret de la Cité perdue apparaît comme un remake déguisé d’À la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis. Les deux films mettent en scène une écrivaine en manque d’inspiration, embarquée malgré elle dans une aventure proche de celles de ses livres. Néanmoins, là où le film de Zemeckis s’assumait comme un pur film d’aventures romantique post-Indiana Jones, Le Secret de la Cité perdue s’érige plutôt comme une déconstruction de ce mythe en pleine mouvance woke du cinéma américain grand public. Si le terme finesse serait plutôt galvaudé, il faut reconnaître une certaine intelligence dans la manière dont les réalisateurs exploitent ce concept.

Tout se joue dans le personnage du phénoménal Brad Pitt, ancien force spéciale et coach fitness, chargé d’aller chercher Sandra Bullock au milieu d’une île tropicale inconnue et de la ramener chez elle. Pas de quoi perdre son cool pour cet expert au charisme flamboyant introduit au ralenti par la musique du générique de la première saison de True Detective. Il va, à lui tout seul, neutraliser tous les gardes du camp dans des séquences d’action plutôt bien chorégraphiées, rappelant certains films de Jackie Chan dans sa capacité à jouer avec le décor dans ce qu’il a de plus inopportun. On pense tout de suite au personnage viril et ultra-qualifié de Michael Douglas dans À la poursuite du diamant vert sauf qu’ici cette figure est très vite écartée, nous abandonnant à un Channing Tatum peureux, douillet et incapable de se battre dans la continuité de sa persona favorite d’idiot musclé au bon cœur, digne successeur de notre cher Marky Mark (la conscience de soi en plus). 

De même, le personnage de Sandra Bullock se place en contrepoint de l’écrivaine un peu cruche d’À la poursuite du diamant vert. Elle réagit souvent mieux que son comparse et garde toujours un haut degré d’intelligence, qualité qu’elle tient en haute estime puisqu’elle est ouvertement sapiosexuelle. Son personnage n’est cependant pas non plus idéalisé, comme en témoigne la robe beaucoup trop serrée qu’elle porte pendant une bonne partie du film, l’empêchant d’avoir la moindre crédibilité dans ses actions. Les deux protagonistes sont donc obligés de mettre en commun leurs compétences pour s’en sortir et trouver un équilibre : lui est le corps, elle est la tête. Cette séparation binaire est elle-même mise à mal lorsque la tentative finale de sauvetage par Channing Tatum échoue ou lorsque l’on force Sandra Bullock à entrer dans un trou potentiellement dangereux en le braquant lui. 

Il n’en reste pas moins que le côté pulp/aventure est complètement sous-exploité. Le méchant gosse de riche tout droit sorti d’un Uncharted est absolument inexistant et l’interprétation outrée de Daniel Radcliffe n’aide pas à lui donner plus de consistance. Ce manquement se fait surtout ressentir pendant le climax du film où tout est expédié assez vite dans des décors qui sentent le budget réduit et le manque de talent. C’est d’autant plus dommage que toute la première partie du film tenait très bien la route avec des personnages réellement écrits et humains (on a même le droit à la présence d’Oscar de The Office) ainsi que des scènes particulièrement drôles comme celle où Sandra Bullock doit retirer les sangsues qui prennent le cul de Channing Tatum pour un “Smoothie” ou lorsque les deux personnages principaux essayent de se justifier d’avoir tué “accidentellement” deux gardes à moto. Il est d’ailleurs agréable de voir un film de ce genre ne pas prendre à la légère le meurtre, là où d’autres auraient pu rapidement se terminer en bain de sang.

Le Secret de la Cité perdue est donc une comédie rafraîchissante malgré des défauts inhérents au formatage des scénarios hollywoodiens. Les prestations investies de Channing Tatum et Sandra Bullock parvient à donner ce semblant d’âme dont beaucoup de productions américaines actuelles manquent. Et même si le film ne marquera pas les esprits puisqu’il n’est finalement qu’un patchwork d’idées vues dans d’autres œuvres bien plus réussies, il n’en demeure pas moins qu’on passe un bon moment devant et c’est déjà beaucoup.

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