Verdict : Que justice soit faite…

Fortement éloigné du nôtre (prenons le terme dans un sens aussi bien géographique qu’artistique) le cinéma philippin se trouve aujourd’hui essentiellement représenté par deux figures diamétralement opposées dans nos contrées hexagonales, avec d’une part le fascinant Lav Diaz enchaînant les très longs métrages aux durées conséquentes (ses plus longues créations dépassent les huit heures de pellicule) filmés en Noir et Blanc sur un mode proche de la stase et/ou de la contemplation grisante et fascinante et d’autre part par le grand Brillante Mendoza, filmeur chevronné ayant fait de Manille sa véritable muse urbaine avec des films aussi superbes que le percutant Tirador, le terrifiant et horrible Kinatay ou plus récemment encore l’oppressant Ma’ Rosa… Si Diaz tend vers une formidable maturation du réel filmé à renfort d’esthétisation rejetant l’obscurantisme idéologique de son pays (Halte, l’un de ses derniers films en date, critiquait ouvertement la politique dictatoriale de Rodrigo Duterte, ndlr) Mendoza quant à lui s’attèle à proposer un certain sensationnalisme cinématographique parfois proche du reportage nerveux voire un tantinet racoleur, rendant compte des tensions anxiogènes vécues au jour le jour par les ressortissants de son pays…

Disponible en Vod depuis le 24 mars sur la plateforme FILMO Verdict de Raymund Ribay Gutierrez est de toute évidence à ranger du côté des films du second réalisateur sus-cité, Brillante Mendoza ayant du reste assuré la production dudit film : alerte, résolument étouffant et filmé caméra à l’épaule ce drame sociétal part de la question délicate de la violence domestique, en en faisant moins un vulgaire prétexte narratif que la véritable raison d’être d’un procès juridique présenté par le réalisateur dans sa plus complète factualité. Commençant sans ambages par la fameuse scène critique (Joy et sa petite fille essuient la maltraitance de son époux Dante, fortement alcoolisé un triste soir d’anniversaire, ndlr) Verdict s’évertuera par la suite à retranscrire toute la procédure judiciaire découlant de ce drame familial désolant et particulièrement éprouvant : dépôt de plainte de Joy à l’encontre de Dante, sollicitation d’avocats de la part de la plaignante et de l’accusé puis enfin procès prenant le temps d’exposer les faits de manière voulue objective, mais paradoxalement erronée et/ou manipulée faute de preuves et – à fortiori – parfois injuste voire inique.

Si le film de Raymund Ribay Gutierrez s’avère pour le moins immersif et – de fait – efficace et réussi il demeure néanmoins assez ordinaire et/ou convenu dans son emballage, trop factuel pour dépasser son sujet et pas assez « habillé formellement » pour se démarquer de la masse filmique environnante. Le jeune réalisateur annonce pourtant la couleur dès les premières images dudit drame, s’inscrivant avec un atavisme revendiqué dans le sillage de son mentor Brillante Mendoza ; violent et pragmatique Verdict séduit en demi-teintes par son dispositif documentaire et son récit logiquement linéaire, se livrant comme un honnête film de procès tout à fait regardable mais condamné à l’immanence un rien anecdotique, et ce malgré la dimension fortement grave du propos.

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