Aristocrats : Visite guidée d’un Japon traditionnel

Après les mangas, le respect est probablement ce qui caractérise le plus le Japon. Respect d’autrui, des traditions, de la famille ou même de la société. Ce respect presque pesant pour la population les pousse à être très durs envers eux-mêmes. Si durs qu’aujourd’hui, la remise en question de ces décennies de principes et de traditions est un de leurs grands axes de réflexions et de philosophie contemporains. Entre The Housewife il y a quelques semaine qui remettait en question l’ultrapatriarcat japonais, ou Your Name dont les thématiques communes avec Aristocrats sont nombreuses, le Japon d’aujourd’hui se questionne profondément sur l’image qu’il renvoie de lui-même et de son incapacité à s’émanciper des ses propres dogmes dans une société internationale si rapidement changeante.

Réalisé par Yukiko Sode et mettant en scène Mugi Kadowaki, Kiko Mizuhara et Kengo Kora, Aristocrats ne parle pas que d’aristocratie au Japon. C’est un film qui explore bien plus profondément la société japonaise sous tous ses angles, beaux comme moins glorieux. Cela afin de mieux mettre en exergue ses travers et parfois la féodalité sur laquelle les mentalités les plus influentes sont endoctrinées. A 30 ans, Hanako (Mugi Kadowaki) se retrouve de nouveau célibataire. Une situation qui ne plaît guère à sa mère et pas beaucoup plus au reste de la famille qui souhaite la voir mariée. Quitte à ce qu’elle passe par le mariage arrangé, une option qui fait peu envie à Hanako. Après quelques rencontres désastreuses, Hanako finit par rencontrer l’âme soeur en la personne de Koichiro (Kengo Kora). Leur nouvelle union se passe bien jusqu’au jour où Hanako apprend que son mari la trompe avec un jeune femme de bien plus modeste condition. Un comportement qu’elle peine à comprendre jusqu’à ce qu’elle préfère rencontrer directement Miki (Kiko Mizuhara), l’amante de son mari. C’est alors qu’une relation bien inattendue entre les deux femmes s’installe.

Aristocrats n’est pas un film qui se raconte ou se juge sur un avis ou une critique. C’est un long métrage qui se vit, se ressent et s’imprègne en nous comme une véritable proposition. Yukiko Sode vous invite à une visite distancielle et temporelle d’un Japon qui ne semble plus s’accepter tel qu’il est. Contrairement à son titre, Aristocrats est bien loin de ne parler que d’aristocratie ou de certaines moeurs. C’est un film nettement plus complet sur l’analyse à faire de la société moderne du pays.

Les personnages sont vraiment touchants de sincérité. À travers eux, on peut voir différentes castes de le société actuelle, mis à nu avec beaucoup de réflexion. Ici comme avec The Housewife par exemple, on repense la place de la femme et son émancipation professionnelle au service d’une nation. Qu’il s’agisse de ces vieilles règles patriarcales ou les idéaux familiaux dans lesquelles Koichiro lui-même ne semble pas trouver son confort, chacun, à sa manière et à son rythme s’oppose aux règles institutionnelles archaïques établies. On voit un Japon empreint au doute et se remettant en question sur tout ce qui a fait jusqu’alors son identité parfois enviée, parfois dénigrée.

Attention cependant, Aristocrats n’est pas destiné à tous les public. Non seulement le rythme est lent mais le sujet en lui-même n’est pas à la destination de tout le monde. Si l’intrigue est passionnante et les plans magnifiques, il se peut qu’avec 2h05 dans les pattes, on finisse par trouver le temps un peu long. Cependant cette nouvelle mouvance de réalisatrices japonaises semble particulièrement intéressante à suivre de plus près. Après l’oscar de Drive My Car, il va falloir s’attendre à ce que d’autres statuettes soient obtenues par de jeunes talents de cet acabit, des rêves et une vision de l’avenir plein les yeux. La poésie qui s’en dégage est particulièrement belle et la légèreté avec laquelle l’héroïne principale subit pour mieux s’opposer à la société est une image sacrément impressionnante.

Il y a en fin de compte peu de choses à dire sur ce film tant son visionnage est complet, clair et artistiquement convaincant pour comprendre sa profondeur. Une véritable balade semi-éveillée dans un monde réel. C’est un film qui vous transporte, nous n’avons pas peur de le dire, faites attention quand même de ne pas faire une petite sieste pendant la traversée.

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