L’autoroute de l’Enfer : Rattrape-moi si tu l’oses

Lorsqu’il s’agit de nous faire revivre nos meilleures heures de l’époque des vidéo-clubs, Rimini Éditions savent comment nous faire plaisir. D’un lointain souvenir adolescent au milieu des dizaines de VHS louées, l’éditeur fait ressurgir de belles odeurs proustiennes pour un plaisir plus que salvateur. Mis en scène par Ate De Jong, mais surtout écrit par Brian Helgeland (scénariste de L.A. Confidential, Mystic River et Man on Fire, et également réalisateur de Payback et Chevalier), L’autoroute de l’Enfer réinterprète librement le mythe d’Orphée. Œuvre hybride à mi-chemin entre la comédie absurde et le fantastique référencé mêlant moult univers artistiques de Tim Burton à Clive Barker, L’autoroute de l’Enfer n’est semblable à aucun autre film. Comment avons-nous pu oublier à ce point l’existence d’une telle pépite ? Heureusement que les équipes de chez Rimini, eux, s’en sont rappelés, sans quoi nous n’aurions pas pu savourer de nouveau cette belle et généreuse tranche du cinéma bis des années 1990. La galette est proposée dans un master hallucinant de propreté. De quoi ravir les plus sceptiques quant à la légitimité d’un tel film sur support blu-ray. On vous le dit tout net : l’achat est plus qu’indispensable !

Charlie et Rachel, deux jeunes adolescents amoureux, prennent la fuite pour aller se marier à Las Vegas contre l’avis de leurs parents. En cours de route, persuadés qu’ils sont recherchés par la police, ils décident d’emprunter un chemin de traverse. Faisant fi des avertissement d’un badaud, ils se retrouvent arrêtés par le sergent Bedlam, le chef de la police du Diable qui lui a donné la mission de lui ramener le plus de femmes vierges possible. Ce dernier kidnappe Rachel en laissant Charlie pour mort. Charlie, bien décidé à ramener sa bien-aimée, prend la route vers l’Enfer et poursuit le sergent dans le but de le rattraper avant que ce dernier ne puisse livrer sa prisonnière à bon port.

Si nous citions Burton et Barker en introduction, ce n’était pas en vain. En effet, L’autoroute de l’Enfer repose sur un fantastique enfantin et burlesque très proche d’un Beetlejuice, mais respire la sexualité torturée d’un Hellraiser. Même s’il est nettement plus proche d’un film à voir en famille que d’un vrai délire horrifique et torturé, il subsiste quelques séquences qui nous rappellent la brutalité de ses enjeux. Charlie joue avec le feu, quitte à y laisser sa peau pour sauver sa fiancée. Avec une patine très proche des films diffusés à l’époque en seconde partie de soirée sur RTL9, le film de Ate De Jong doit énormément à l’écriture de son scénariste. Bien plus malin qu’il n’y paraît, L’autoroute de l’Enfer distille une fascination pour la mythologie grecque. Brian Helgeland décortique le mythe d’Orphée descendu dans les Enfers pour sauver sa compagne. Tel Orphée, Charlie va devoir contourner le Cerbère et traverser le Styx pour retrouver Rachel.

En dépit d’un ton très second degré, L’autoroute de l’Enfer n’a absolument pas à rougir de son script. La légèreté du film se rapproche d’un épisode des Contes de la Crypte. On nous raconte une histoire fantastique tout en éduquant les plus jeunes esprits. Le but étant de susciter un amour pour le genre et il faut bien avouer que c’est exactement le type de film qui permet de rendre accro n’importe quelle jeune tête blonde. Tous les ingrédients sont réunis pour tomber amoureux : de la romance, de l’action, des zombies dans un diner (proche de la Cantina de Star Wars d’ailleurs), un antagoniste iconique et des maquillages propres et soignés. Car, sous ses airs de film fauché, L’autoroute de l’Enfer met un point d’honneur à rendre ses créatures les plus terrifiantes possibles, à l’instar de la séquence où Charlie doit affronter une sorte de succube. Cette scène, bien craspec, ne sera pas sans rappeler celle des Griffes du Cauchemar quand l’un des jeunes se retrouve suspendu au dessus des flammes de l’Enfer attaché par des langues démoniaques aux quatre coins de son lit. Les maquillages sont vraiment propres et décrocheront d’ailleurs la nomination aux Saturn Awards de 1993 dans la catégorie des meilleurs maquillages. Rajoutez à cela une grosse inspiration des courses-poursuites de Mad Max et vous aurez une petite idée du panel des idées déployées dans le film. L’autoroute de l’Enfer est un superbe état des lieux de ce qu’il s’est fait de mieux dans les blockbusters qui l’ont précédé.

Côté casting, entre les caméos de la famille Stiller (Amy, Ben et Jerry) et de la chanteuse Lita Ford qui feront sourire les plus attentifs, nous aurons droit à de belles séquences d’acting. Emmené par un jeune Chad Lowe, il incarne parfaitement cet anti-héros prêt à tenter l’impossible pour sauver sa dulcinée. Avec son physique frêle et sa tête de premier de la classe, il porte le film à bras le corps et est aidé par des seconds couteaux absolument délicieux. Patrick Bergin campe un Lucifer atypique. Beaucoup plus roublard que proprement effrayant, il tire sa force par sa gouaille et l’amadouement qu’il suscite envers ses interlocuteurs. D’autant qu’il n’est pas le véritable vilain du film. Car celui qui donnera le plus de fil à retordre n’est autre que le sergent Bedlam. Planté par un C.J. Graham mutique (il incarnait Jason dans le sixième épisode, et meilleur, épisode de la franchise Vendredi 13) qui laisse deviner un parcours de vie basé sur l’horreur au regard des scarifications sur sa peau, il est ce méchant ultime, la bête increvable qui ne renonce jamais. De fait, Kristy Swanson ne tente même pas de lui résister et entre parfaitement dans la peau de la jeune demoiselle en détresse. Le casting prend vraiment du plaisir et cela nous permet de ne jamais douter de la véracité de l’univers dépeint dans le film. Voilà la grande preuve d’une franche réussite, celle de ne pas nous faire douter de notre suspension d’incrédulité. Surtout lorsque tout se conclut sur une course-poursuite anthologique préfigurant la future saga des Fast & Furious. Il n’y a absolument rien à jeter du film, c’est du bonheur en barre.

L’autoroute de l’Enfer reprend du service chez Rimini Éditions pour un plaisir que l’on ne va certainement pas bouder tant il transpire tout le cinéma qui nous anime depuis des années. Il est le genre de projet loufoque et jusqu’au boutiste qu’on n’ose plus produire aujourd’hui. Écrit par un scénariste en pleine possession de ses moyens, il s’attribue l’une des plus grandes histoires de la mythologie grecque pour nous offrir un joyau du cinéma bis. Quand on vous répète que le cinéma bis n’est pas seulement qu’une niche de films bêtes et décérébrés, mais que ça en est tout le contraire le plus souvent, on ne vous ment pas.

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