Sonic 2 : deux hérissons et un renard sont dans un avion

Sonic premier du nom avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Entre son premier visuel douteux et son annonce bien en amont de sa sortie, le film avait suscité une hype dont il a parfaitement assouvi les attentes. Après cette belle surprise et franche réussite, il était évident que la suite arriverait rapidement. Il n’aura fallu attendre que 2 ans et de multiples confinements pour voir les amis de Sonic rejoindre l’aventure. Nous sommes fin mars 2022, Sonic 2 s’apprête à sortir dans nos salles sans aucune attente préalable et une campagne publicitaire plutôt pauvre. Le résultat est à l’image de l’engouement suscité : quasiment nul. Difficile de croire qu’une production Sonic à laquelle on a ajouté Tails et Knuckles puisse être aussi éloignée de son prédécesseur sur autant de points. La faute à une VF fragilisant le juste milieu entre live action et motion capture, certes, mais loin d’être l’unique responsable de ce fiasco.

Tandis que l’effroyable Robotnik croupi sur la planète champignon à la recherche d’un moyen de quitter cette île grâce à une épine magique du hérisson bleu, Sonic s’accommode à sa nouvelle vie à Green Hills. Tom et Maddie Wachowski s’apprêtent à assister au mariage de sa soeur, Rachel, à Hawaï et décident de faire confiance en leur nouveau locataire pour rester sage durant le week end et ne pas faire d’embrouilles. Malheureusement pour notre boule d’épine préférée, le Dr. Robotnik réussi à mettre au point sa machine le faisant tomber nez à nez avec Knuckles, l’échidné à la poigne destructrice. Après un rapide échange de bons procédés, Knuckles sauve Eggman de cet enfer mycélien pour accomplir un but commun. Leur confrontation face à Sonic arrive évidemment au plus mauvaise des moments et cela entraîne une réaction en chaîne fortement problématique pour nos héros qui laissent le Dr Ivo Robotnik s’échapper.

En préambule nous vous mentionnions une VF qui ne rend pas honneur à sa version d’origine. C’est malheureusement le cas malgré un casting voxographique de qualité. Malik Bentalha s’en sort toujours très bien pour offrir une voix singulière à Sonic et Franz Confiac assure sous les traits de Knuckles. Marie-Eugénie Maréchal, quant à elle, offre à Tails la crédibilité qu’on lui espérait depuis les séries d’animation Sonic X et Sonic Boom. Le réel problème provient surtout de l’écriture de l’histoire et des personnage qui empêche une symbiose correcte dans le doublage. Peu de choses concordent pour un résultat final approximatif. Entre l’humour propre à Jim Carrey, un montage inadéquat entre le genre premier du film et son public cible, la nature grossière de certaines péripéties et l’opposition entre acteurs en prise de vue réelle et motion capture. Ce melting polt d’intentions et choix artistiques discutables ne peuvent qu’accoucher d’un résultat bâtard en manque d’inspiration. Tout est trop lisse, et en français cela accentue ce mauvais effet.

Y compris les affrontements, l’impact des coups, les chocs et pointes de vitesse paraissent molassons. Il n’y a pas ces effets percutants donnant toute la dimension réelle et crédible de la violence. Ils tombent sur le sol comme une banale chute sur un tatami, la vitesse de Sonic n’est perceptible que par le biais de son aura bleue et les coups semblent moins provoqués par des personnages qu’un punching-ball que l’on vient de frapper. Comment peut-on, d’un premier opus à sa suite, changer à ce point d’intention ? On introduit les tant attendus Knuckles et Tails dans une histoire aussi peu inspirée et paresseusement écrite. Dès les premières minutes du film en réalité on comprend que l’histoire n’a que peu d’intérêt tant la justification de l’introduction des personnages susmentionnés est bancale. Knuckles se retrouve face à Robotnik après que ce dernier ait envoyé au tapis des soldats en armure futuristes venus d’ailleurs, visiblement envoyés en explorateur avant de laisser entrer le hérisson rouge. On ne sait ni d’où ils viennent, ni leur but, ni même ce qu’ils font avec Knuckles pour des personnages que l’on ne reverra jamais. L’arrivée de Knuckles est expliquée par le fait que l’explosion énergétique produite par l’épine de Sonic l’a alerté sur la présence de ce dernier (on résume, car le film se contente de montrer que l’épine est chargée d’une sorte d’électricité statique très puissante que Robotnik essaie d’utiliser à ses fins). Après avoir conclu que ce qu’ils recherchaient chacun se trouvait certainement au même endroit, Knuckles explique qu’il peut permettre à Robotnik d’assouvir son souhait. On apprend plus tard que le duel entre Knuckles et Sonic est bien plus ancien qu’il n’y paraît. Il semble donc incohérent que Knuckles n’ait encore jamais trouvé le moyen de percevoir les pulsions énergétiques de Sonic lorsqu’il s’amuse à briser le mur du son à chaque fois qu’il tente d’arrêter un groupe de braqueurs. En fait, sa rencontre avec Robotnik est totalement dénuée d’intérêt puisqu’elle se résume simplement à soustraire le Dr. fou de sa prison improvisée. Nous ne parlerons pas de Tails dont l’arrivée n’est tout bonnement pas expliquée. Et ce n’est pas sa semi-introduction dans une scène post-générique du premier opus qui apporte une réelle explication.

Sonic 2 ne s’encombre tout bonnement pas d’explication très profonde. Le public cible sont les enfants de moins de 12 ans, il est donc important de simplifier au maximum les intrigues et péripéties de tous les protagonistes. On y ajoute un humour catastrophiquement insipide et même les enfants les plus jeunes de la salle ne rigolent pas aux vannes les plus élémentaires de Jim Carrey. Du jamais vu. Même Jim Carrey finit par ne plus faire rire personne tant son génie comique est disséqué pour mieux l’utiliser. Sauf qu’aussi fade puisse-t-il être, son génie comique le sera toujours moins si on y touche pas. Le montage essaie pourtant de mettre en avant ses mimiques, ses intonations, ses grimaces, son humour débile, comme si on cherchait à l’étudier sous toutes ses coutures. Alors qu’on avait droit à un acteur en grande forme dans Sonic 1, on le retrouve ici aussi ennuyeux que gênant. Sans la moindre créativité et authenticité, on lui retire tout son charme comique naturel, et c’est pas faute de l’acteur d’y mettre du sien. A titre d’exemple, la scène du crachat de soupe de champignon sonne comme une succession de toutes les prises d’une même scène mises bout à bout. Ce serait presque un bêtisier en temps réel, à se demander si Jim Carrey lui-même savait, lors du tournage, que chaque fois qu’il crachait, ce serait pour des prises différentes. Pour être tout à fait franc, le montage semble tellement poussif sur l’humour, que c’est à se demander si l’acteur lui-même ne se serait pas fait trahir sur son propre jeu d’acteur.

Par extension, les gags ne sont pour la plupart pas drôles et l’histoire est tristement dénuée de sens dramatique. Knuckles semblait arborer un caractère solitaire à l’esprit torturé intéressant, mais ce n’était que sur la forme. Son passé narré n’est qu’une histoire sous exploitée, et son écriture ne parvient même pas à lui maintenir sa caractérisation jusqu’au bout. Finalement, on passe plus de temps à voir une succession de blagues et de situations cocasses peu inspirées qu’une véritable aventure intelligemment écrite avec ses rebondissements, ses drames, son rythme et son action, et ses moments comiques et légers pour détendre l’atmosphère. Quelques fois, on est littéralement à deux doigts du cartoon où le personnage prend une pose de départ de fuite pendant une demi-seconde avant de disparaître en laissant un nuage de fumée à sa place. L’effet visuel fonctionnait avec The Mask ou Qui veut la peau de Roger Rabbit, certes, peut-être aussi avec Deadpool, admettons, mais Sonic 2 semble être un film tout de même un peu plus sérieux. Le premier opus l’était de toutes manières.

Même visuellement ce film souffre de faute de goûts assez scandaleux. Nous acceptons avec toute la volonté du monde que certains effets 3D soient encore peu convaincant, à commencer par les poils ou cheveux dans le vent, l’eau et tout autre élément particulièrement fin et petit. Dans ce cas, évitez de modéliser des poils de hérissons mouillés avec du sable fin dessus. Le rendu est vraiment immonde, même Canal+ en crypté serait moins agressif pour les yeux. En résumé cette suite piétine avec peu de vergogne toutes les bonnes idées et réussites inattendues du premier opus. On se retrouve avec un long métrage destiné quasi exclusivement à des enfants qui ne trouveront même pas ça drôle. Et en prime on se tape un effet de mode sauce Marvel avec des scènes d’épilogue pour teaser le personnage qui fera son apparition au prochain volet alors qu’il n’y a pas besoin de s’appeler Naoto Õshima pour s’en douter. Et ce en espérant que Benoît Dupac soit toujours de la partie pour doubler celui dont on connaît trop bien le design.

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