Trois fois rien : 0+0+0= la dette aux totaux!

Allez, comme ça, tout à trac, dressons le bref éloge de l’un de nos derniers gros coups de coeur du mois : le bien-nommé Trois fois rien de la confidentielle (mais talentueuse) Nadège Loiseau, comédie sociale pur jus fièrement drolatique et amèrement douce narrant les pérégrinations de trois SDF aux horizons limités mais divers, petit trio de pieds nickelés composé du bourru Brindille, du désabusé Casquette et du trublion La Flèche…

S’appuyant sur les ficelles un rien grossières mais très efficaces des comédies françaises des années 80-90 (on pense énormément à Une époque formidable, meilleure réalisation de Gérard Jugnot à ce jour mais également au très eighties Sac de Nœuds de Josiane Balasko tourné quelques années plus tôt, ndlr) Nadège Loiseau réunit autour d’elle quelques-uns des meilleurs espoirs du cinéma francophone du moment : entre un Antoine Bertrand particulièrement frappant en ancien père de famille dépressif désireux de remonter la pente, un Philippe Rebbot désarmant de tristesse en alcoolique fataliste aux yeux de vieux loup de mer fatigué et un Côme Levin irrésistible en jeune chien fou perdu dans un jeu de quilles le casting de Trois fois rien séduit puis fascine par son élégante simplicité, son registre clairement revendiqué « humain » et gentiment « mélo ».

Nous suivrons donc les boires et les déboires (mal)heureux de Brindille (Bertrand), de Casquette (Rebbot) et de Francis « La Flèche » Courtebez (Levin, LA révélation du film), sans domicile fixe et fraîchement gagnants au tirage du loto télévisé quotidien de la modique somme de 224 000 euros et des poussières… une providence comme tombée du ciel pour nos trois marginaux titulaires, chance inespérée qui va rapidement (mais non sans quelques difficultés administratives) leur permettre d’emménager en colocation dans un appartement parisien fort éloigné de leur inconfort journalier. Ce coup de pouce du destin qui – de prime abord – suscite chez le groupe une certaine euphorie généralisée va peu à peu fissurer leur amitié, Brindille croyant bon de chercher à s’embourgeoiser à tout prix pour des raisons connues de lui-seul lorsque La Flèche met un point d’honneur à juste profiter du nouveau luxe qui se présente à lui sans forcément penser aux lendemains qui risqueraient de déchanter ; entre son raisonnable ami et le jeune punk un rien écervelé Casquette continue à écumer sa poignante tristesse en noyant de jour en jour son chagrin dans l’alcool, bien incapable de changer de mode de vie en dépit du bon sens…

Souvent drôle et peuplé de situations diablement bien trouvées mettant en valeur les caractères joliment métissés du triptyque de zéros revenus d’entre les pauvres Trois fois rien n’en est pas moins terriblement triste et désespéré à bien y regarder de plus près. Nadège Loiseau porte un regard extraordinairement lucide sur ces laissés-pour-compte se contentant le plus souvent d’accueillir ce qui s’offre à eux, montrant avec finesse et bienveillance (mais sans condescendance aucune, et c’est là son plus beau miracle…) l’impossibilité à échapper à la misère pour ses personnages. En résulte un film profondément humain renouant avec tout un pan de la comédie française des années d’avant, de la troupe du Splendid, des productions Christian Fechner et consort… Une petite pépite qui, sans payer de mine, s’annonce donc comme le coup de coeur de ce nouveau printemps. A voir absolument.

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