Freaks Out : Du cinéma avec du cœur

Remarqué en 2017 avec l’étonnant On l’appelle Jeeg Robot, film de super-héros baignant dans son jus italien et réalisé avec une énergie aussi décapante que salvatrice, le réalisateur Gabriele Mainetti est un cinéaste dont l’ambition détonne dans le paysage cinématographique italien (voire mondial) actuel. Avec Freaks Out, il décide de faire plus fou, plus ambitieux, plus épique et semble ne s’imposer aucune limite. Imaginez un peu : nous sommes à Rome en 1943. La ville est occupée par les nazis et le cirque où travaillent Matilde, Fulvio, Cencio et Mario comme phénomènes de foire est détruit. Israel, le propriétaire du cirque, figure paternelle de ces quatre freaks en déroute, disparaît alors qu’il tentait d’organiser leur fuite en Amérique. Livrés à eux-mêmes, les quatre compères aux étranges pouvoirs (le corps de Matilde émane de l’électricité, Fulvio est recouvert de poils et possède une force surhumaine, Cencio contrôle les insectes, Mario possède des pouvoirs magnétiques) se retrouvent sur la route, traqués par Franz, un nazi propriétaire d’un cirque pianiste de génie (il a six doigts à chaque main) et assailli par des visions du futur, persuadé que ce petit groupe aux côtés d’Hitler pourra assurer la victoire au Reich…

Vaste programme que Mainetti et son co-scénariste Nicola Guaglianone maîtrisent de bout en bout. Il y a dans Freaks Out une véritable gourmandise de cinéma mais jamais parasitée par les nombreuses influences convoquées ici, allant de Guillermo Del Toro à Alex de la Iglesia en passant par l’incontournable Tod Browning. Mainetti partage avec Del Toro et de la Iglesia un amour pur du cinéma, qu’aucune référence ne pourra venir parasiter : la foi dans le récit qui se déroule sous nos yeux est inébranlable et tout le film est réalisé avec le cœur, sans recul ni ironie dessus. On ne s’étonnera donc pas de voir autant de genres se télescoper avec autant de fluidité : film fantastique, film de guerre, film de super-héros, film d’aventure, épopée romanesque, tragédie sur la violence que se font subir les êtres humains, récit tendre sur l’importance de se composer sa propre famille, Freaks Out tient autant de la grande fresque populaire que de la série B, allant jusqu’à flirter avec la nazisploitation.

Un tel mélange aurait pu s’avérer indigeste mais c’est un véritable miracle qui se produit sous nos yeux. S’imposant comme un magicien du cinéma, Gabriele Mainetti impose sa cadence et la tonalité dès le début, son ambition narrative (le film dure 2h21 et on en redemande) étant parfaitement alignée avec son ambition visuelle, celle-ci ne se faisant d’ailleurs jamais au détriment de la narration. D’après nos informations, le film aurait coûté entre 12 et 14 millions d’euros et devrait donner de la graine à 95% des productions mondiales. Quand pour 200 millions, Marvel pond un film aux fonds verts bâclés ou pour 31 millions, Dany Boon filme un hypocondriaque insupportable dans des appartements, Mainetti nous offre un grand spectacle à la générosité abondante et débordant de chaque côté du cadre jusqu’à un final parfaitement spectaculaire. Impossible de ne pas prendre un pied monstre devant le film, véritable roller-coaster convoquant bon nombre de cinémas différents (on pense également à Terry Gilliam, Quentin Tarantino ou encore Kim Jee-woon) pour un fabuleux tour de piste que Mainetti gère avec un bonheur évident, tel un Monsieur Loyal ravi de nous présenter son spectacle, parvenant systématiquement à s’affranchir de ses références.

Devant tant de générosité, d’ambition et de maîtrise, on ne peut que rester admiratif. De fait, il n’y a pas grand-chose en soi à reprocher à Freaks Out dès que la sauce prend : Mainetti met tout son petit monde au diapason et bichonne autant ses acteurs que sa direction artistique. Un film salvateur en somme, d’une gourmandise de cinéma comme on en voit que trop rarement et qu’on ne peut que vous encourager à foncer voir en salles, vous allez voir ça fait un bien fou !

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