
Du dernier film de Catherine Corsini nous avions gardé le souvenir d’un psycho-drame amusant et divertissant, fortement enthousiasmés (influencés ?) par l’atmosphère estivale et rayonnante de la 74ème édition cannoise de juillet dernier. Présenté en Sélection Officielle La Fracture tenait du film contemporain par excellence, surfant opportunément sur les tensions humaines et sociales ayant animé l’Hexagone ces dernières années ; éminemment politique le contenu discursif du nouveau long métrage de Catherine Corsini prenait comme terreau narratif le mouvement des Gilets Jaunes afin d’y confronter deux points de vue clairement antinomiques, respectivement celui d’un prolétaire agité dit « du terrain » propulsé dans le service d’urgence d’un hôpital parisien suite à une grave blessure à la jambe provoquée par un CRS lors d’une manifestation et celui d’une bourgeoise prise dans ses déboires sentimentaux et littéralement déconnectée des réalités sociales environnantes, amenée elle aussi en catastrophe dans le même service suite à la fracture de son bras droit.

Que reste t-il, près de huit mois après l’euphorie cannoise, du mini-choc constitué par La Fracture ? Finalement rien de plus qu’un vague sentiment de médiocrité, sentiment alimenté par un film certes efficace et nullement ennuyant mais de tonalité tellement « fort de café » que l’on a bien du mal à s’attacher aux deux destinées sus-citées. Filmés presque intégralement dans un service d’urgence ultra-saturé les personnages de Yann (Pio Marmaï, pourtant bon acteur de son état, agace ici plus qu’autre chose à force de nervosité forcée, ndlr) et de Raf (Valeria Bruni Tedeschi, difficilement supportable de manières et d’apitoiements en tous genres , enchaîne les jérémiades à qui mieux mieux…) sont dépeints par Catherine Corsini dans un registre banalement caricatural, la réalisatrice tentant lourdement d’expliciter la fracture sociale intrinsèque à l’intitulé de son nouveau long métrage à renfort d’oppositions souvent faciles et réductrices. Au gré d’une symbolique conférant pratiquement au ridicule (une jambe fracturée, un bras idem, un pays itou, et cetera, et cetera…) ledit drame cherche visiblement à racoler son audience en hystérisant son propos, ce qu’il parvient d’ailleurs partiellement à accomplir. Efficace mais cruellement antipathique La Fracture est à l’image du personnage de Raphaëlle incarné par Valeria Bruni Tedeschi : un film hype entièrement à côté de la plaque et d’un sujet qu’il traite avec superficialité et non sans une certaine condescendance, faisant monter la mayonnaise en laissant pratiquement au second plan les petites gens ainsi qu’un personnel soignant particulièrement sollicité…

De ce point de vue deux actrices tirent néanmoins leur épingle du jeu : Marina Foïs d’une part, plutôt crédible en compagne exaspérée par les incessantes simagrées de son ex-conjointe (la comédienne représente en cette occasion un élégant contrepoint susceptible d’amener un soupçon de nuance à cette tambouille filmique…) et Aissatou Diallo Sagna, entièrement juste dans un rôle taillé sur mesure puisque conforme à sa véritable profession (la jeune femme, aide-soignante dans le civil, fut du reste récompensée d’un César du meilleur second rôle féminin cette année pour sa prestation, ndlr)… C’est néanmoins bien peu face à l’ambiance poussive et intempestive d’un film trop fabriqué pour nous convaincre à minima, morceau de cinéma pétri d’intentions mais résolument raté dans sa démarche. Catherine Corsini semble ici passer à côté de son sujet, privilégiant le drame petit-bourgeois au détriment d’une véritable prise de conscience sociétale voire idéologique. Décevant et convenu La Fracture sera toutefois disponible en DVD et Blu-Ray à partir du 16 mars 2022 aux éditions Le Pacte… Libre aux spectateurs de découvrir ou de re-découvrir un film moins clivant que grièvement cassé en deux, opposant assez vulgairement deux classes que rien ne semble, au bout du compte, pouvoir rapprocher de façon constructive…
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