Pam & Tommy : Justice pour Pamela !

Quiconque ayant grandit dans les années 1990 a déjà entendu parler de l’affaire liée à la sex-tape volée de Pamela Anderson et Tommy Lee. Considéré comme l’un des premiers scandales du début d’internet, la vidéo est devenue aussi virale qu’elle a considérablement contribué à ruiner la réputation et la carrière de ses protagonistes (Pamela Anderson particulièrement). Comment une telle vidéo a-t-elle pu sortir de l’intimité du couple ? Jusqu’où la curiosité malsaine des gens peut-elle être poussée ? Comment, aux yeux de la loi, se défendre d’une telle exposition médiatique ? Quel inconfort génère cette exposition quand on essaie de casser une image faussée par la télévision ? Toutes ces questions, et plus encore, viennent d’être décortiquées au sein de la mini-série événement de ce début d’année sur Disney +. La plate-forme, via son catalogue Star, tente d’appâter le chaland dans l’idée de faire grossir un nombre d’abonnés qui stagne vu la pauvreté éditoriale de son catalogue qui, passé l’émerveillement de retrouver des animés cultes et de sustenter le fanboy des innombrables séries du MCU et Star Wars, ne revient pas régulièrement. A l’instar du mastodonte qu’est Netflix, Disney entend asseoir sa suprématie par l’achat de programmes plus nerveux, sulfureux et/ou horrifiques. Ainsi, fort d’une campagne marketing puissante nous ayant abreuvé de publicités à toutes les sauces, Pam & Tommy vient de se conclure en ce début du mois de mars. Que retenir de ces huit épisodes ? La série est-elle à la hauteur des espérances ? A savoir aussi irrévérencieuse, impertinente et sexy qu’elle le laissait entendre.

En 1995, l’actrice Pamela Anderson et le batteur du groupe Mötley Crüe, Tommy Lee, se marient alors qu’ils ne se connaissent que depuis seulement quatre jours et deviennent instantanément le couple le plus sulfureux d’Hollywood. Alors qu’ils font réaménager leur villa, Rand Gauthier, un menuisier malmené par Lee et laissé avec plusieurs impayés, cambriole leur coffre-fort et découvre la sex-tape du couple. Dans un souci de vengeance, Gauthier va commercialiser la cassette via une annonce sur internet et va très vite se laisser déborder par la tournure des événements. Entre affaires mafieuses, scandales médiatiques et la personnalité impulsive de Tommy Lee, les affres d’internet vont changer à tout jamais la façon dont les stars auront à gérer leur vie privée.

Entièrement réalisé par Craig Gillespie (Moi, Tonya, Cruella), écrit par Robert D. Siegel (The Wrestler, Le Fondateur) qui s’est inspiré de l’article de la journaliste Amanda Chicago Lewis publié en 2014 dans le magasine Rolling Stones et intitulé Pam and Tommy : the Untold Story of the World’s Most Infamous Sex Tape, et produit par Point Grey Pictures (la société fondée par Evan Goldberg et Seth Rogen), Pam & Tommy est une mini-série absolument délicieuse. Jouant parfaitement entre diverses ruptures de ton, elle arrive, tour à tour, à rire de situations cocasses et faire verser la petite larmichette avec un soin et un respect incommensurable pour ses personnages. La volonté des créateurs n’est en aucun cas d’édulcorer les événements, mais bien de jouer avec la bêtise humaine pour raconter le plus authentiquement possible les faits tels qu’ils se sont passés. Nul besoin de connaître parfaitement la vie des stars pour comprendre la série, sa force narrative est suffisamment complète pour ne rien vous épargner des détails de l’affaire. Nous sommes projetés sans crier gare au cœur de l’intimité de ces vedettes qui brûlaient la chandelle par les deux bouts et où la drogue, l’alcool et le sexe étaient leur moteur de vie. Bien que la série occultera l’addiction à la drogue de ses personnages, il y aura quelques allusions qui permettront de ne pas douter de celle-ci. Si de prime abord on s’attend à un abattage sans foi ni loi des deux héros et une sorte de plaidoyer appuyant le fait qu’ils paient pour leurs excès, la série prendra le parti de réhabiliter entièrement Pamela. En effet, si elle s’est retrouvée malgré elle au cœur de la tourmente, la série appuiera la thèse qu’elle était bel et bien étrangère à l’histoire. Si son intimité s’est retrouvée sur la toile, ce n’est uniquement dû au comportement intolérable de son mari. En voulant se venger de Lee, Gauthier ne réalisera que trop tard qu’il aura fait plus de torts à la star d’Alerte à Malibu qu’au batteur aux multiples conquêtes du célèbre groupe de hard rock.

Pamela Anderson était à un tournant de sa carrière. Elle voulait se dégager de l’image de playmate et sauveteuse sexy et écervelée que la télévision lui avait coller afin de prouver ses aspirations à vouloir devenir une comédienne respectable et respectée. Tiraillée entre l’amour profond qu’elle porte à son mari (la série ne cache rien de l’amour fou qui régnait entre les deux vedettes et est très limpide à ce sujet, ils s’aimaient comme des fous) et ses envies de cinéma, Pamela Anderson a subit moult humiliations pour un crime qu’elle n’a pas commit. Prenant parti intégrante en faveur de la starlette, Pam & Tommy devient une série aux arguments féministes portant un regard acerbe sur le male gaze. Sans compter le tacle balancé sur la (non) qualité du film Barb Wire, film pour lequel Anderson se défend d’interpréter une héroïne forte là où les critiques n’y voyaient qu’un nanar de bas étage. Sans pour autant réhabiliter Barb Wire, Pam & Tommy met en exergue le fait qu’une carrière peut intimement être brisée par la cruelle machine hollywoodienne dès lors que les médias vous renvoient une image de femme délurée et perverse. Pam & Tommy peut se targuer d’avoir trouver les interprètes idéaux. Lily James confère une profondeur inespérée à Pamela en faisant d’elle une femme avant toute chose, avec des problèmes qui concernent n’importe laquelle d’entre vous. Entre le stress d’une grossesse difficile, le regard des hommes sur sa plastique qui ne prennent jamais le temps de la connaître et un mari se transformant peu à peu en ogre, Lily James prend à bras le corps son rôle. Aussi méconnaissable que talentueuse, l’actrice offre une Pamela sensible, avec des failles et un mental d’acier. Le dernier plan de la série sera déchirant, nous ramenant, nous, simple spectateur, à vouloir lui demander pardon pour le mal que nous lui avons causé. Quelle immense interprétation !

Sebastian Stan n’est pas en reste en face de Lily James. La métamorphose est tout autant saisissante chez l’acteur qui tente d’offrir quelques nuances à un personnage qui a tout pour être détesté. Ce n’est désormais un secret pour personne, et le film The Dirt s’en est déjà chargé il y a trois ans, Tommy Lee est une incarnation littérale de la rock star qui vit pour les préceptes « sex, drug & rock’n’roll ». Sa personnalité tumultueuse a alimenté les potins les plus gratinés et les frasques avec son groupe Mötley Crüe sont rentrées dans la légende du rock. Sans nier le fait qu’il est un batteur talentueux et qu’il a séduit les plus belles femmes du showbiz, Lee n’est clairement pas un homme pour lequel on a envie d’avoir de l’empathie. Pourtant, Pam & Tommy s’attarde longuement sur la période où ce dernier avait envie de casser son image, de prouver qu’il s’était rangé parce qu’il avait rencontré la femme de sa vie. Tous les moments de couple où il se montre aux petits soins avec sa chère et tendre confèrent à Sebastian Stan l’occasion de nuancer son jeu. Et ce dernier s’en sort admirablement. Non seulement lorsqu’il s’agit de faire transpirer son amour débordant pour sa compagne que lorsqu’il est dans ses phases délirantes (la conversation avec son pénis demeurant la séquence la plus culte de la série). De plus, d’un point de vue littéralement visuel, Stan joue de la batterie en reproduisant à la perfection les mimiques de Tommy Lee, on y sent une vraie implication. Seulement, lorsqu’il se retrouve de nouveau habité par ses vieux démons, la série choisira de temporiser ces moments en occultant le point de non retour. Préférant mentionner ses violences envers Pamela via un carton de fin plutôt que de les mettre en scène, la série achève de se montrer diablement intelligente. En effet, ne pas victimiser vulgairement Pamela et tenter d’aller chercher ses blessures psychologiques rendent les propos d’autant plus forts qu’elle est la vraie héroïne de l’histoire. Au risque de nous répéter, la fin nous arrachera le cœur en nous mettant dans une posture de mea culpa cathartique. Nous nous devons de nous pardonner pour la mal causé à la starlette. Qui a le numéro de Pamela ?

Pam & Tommy est une sacré bonne découverte. L’immersion au cœur de l’intimité des deux stars est totale et les acteurs sont formidables. On rit, on frissonne et on finit totalement dévasté. Pam & Tommy est un immense pardon venu du cœur. D’autant que Pamela Anderson préparerait un documentaire avec Netflix pour exposer son point de vue sur l’affaire. Cette dernière a refusé de voir la série, et pourtant elle ne serait pas déçue de constater à quel point Lily James l’interprète avec un profond respect. D’un scandale graveleux, la série en tire une histoire féministe puissante. Placée chronologiquement avant l’affaire Weinstein, elle fait pourtant l’état des lieux d’une attitude à adopter pour changer les mentalités et accorder le respect que l’on doit à toutes les femmes de la planète. Pam & Tommy est un uppercut qui remet clairement les pendules à l’heure !

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  1. Oussekine : Aucun changement en 36 ans -

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