Adam à travers le temps : On ne change pas un duo qui gagne

Netflix est décidément l’expert incontournable des relanceurs de projets morts, enterrés et oubliés. Cette histoire remonte à 2012 lorsque la Paramount avait entre les mains un script de T. S. Nowlin intitulé Our Name is Adam. Un scénario de SF parlant de voyage temporel. À l’époque, Tom Cruise était envisagé à la place de Ryan Reynolds et finalement le projet fut laissé à l’abandon jusqu’à ce que Netflix se la joue Indiana Jones à la recherche des scripts perdus. Nous voilà en juillet 2020, et le projet revient du futur. L’un des acteurs les plus bankable de l’époque fut remplacé par l’acteur le plus bankable d’aujourd’hui. Il faut croire que la complicité entre Shawn Levy et Ryan Reynolds durant le tournage de Free Guy a été un émerveillement, car les voilà qui réitèrent leur duo pour Adam à travers le temps.

On vous épargne un synopsis pompeux pour un sujet de cet acabit, le titre se suffit à lui-même pour comprendre la non subtilité du scénario. Il suffit d’ajouter à cela la présence de Mark Ruffalo, Zoe Saldana, Jennifer Garner et Catherine Keener accompagnant Ryan Reynolds pour comprendre en prime la non subtilité du casting. À l’image de Red Notice ou Don’t Look Up, le principal argument de vente de Netflix est le name-dropping. Par dessus le marché, les acteurs sont clairement appelés pour jouer un rôle dans lequel ils n’évolueront pas, ou peu. Chacun faisant ce qu’il sait faire, et heureusement, ils le font bien.

On en vient au premier problème, l’histoire. Ryan Reynolds s’est tellement enterré dans ce type de rôles comiques sans soucis qu’il tient depuis The Voices, que même lorsqu’il cherche à être dramatique, c’est le spectateur qui a du mal à le suivre. Le scénario originel se veut certainement comique. Mais l’acteur de Deadpool s’approprie tellement l’humour, que la comédie peine à se faire pleinement ressentir et il est difficile d’y voir une réelle originalité. Les univers de Shawn Levy et Ryan Reynolds se répondaient beaucoup mieux dans Free Guy. Ici on sent que l’un comme l’autre arrangent le scénario pour mieux répondre à leurs convenances. Le résultat est loin d’être ignoble, le divertissement est largement au rendez-vous, cependant l’histoire méritait sans problème d’être un film bien plus grandiose. Le drame qui se dégage de l’histoire générale est très fort et à l’époque, tout comme l’est devenu Jack Reacher, Tom Cruise aurait certainement eu les épaules pour rendre un scénario comme celui-ci aussi grandiose qu’émouvant. À croire qu’on ne peut plus se repaître de drames en ces périodes sociales troubles. Ce qui est plutôt décevant car on n’exploite jamais le plein potentiel de cette histoire et on se contente d’un produit formaté, répondant très exactement aux attentes promises sur le papier.

Après tout, quand on voit la tronche de trisomique du dernier Matrix : Resurrection, Adam à travers le temps sonne comme une promesse d’une survie alléchante des films d’actions et de SF. Pour le coup, le réalisateur n’a pas perdu la main et maîtrise parfaitement son rythme. La narration n’est pas seulement fluide, elle est soigneusement adaptée à l’histoire. Les rebondissements arrivent aux bons moments, relancent l’intrigue avec beaucoup d’élan et permettent de conserver une longévité au scénario malgré sa prévisibilité flagrante. L’écriture est étonnante, il faut bien l’admettre. Le sujet se veut complexe mais le ton est plus que léger. Il en résulte un aspect un peu bâtard, qui fonctionne contre toute attente mais laisse un arrière goût d’inachevé. Comme si le résultat aurait pu être monstrueusement plus fou mais se contente du strict minimum pour un film de SF sympathique et bien huilé, mais au budget conséquent.

Mais Shawn Levy sait y faire pour nous amadouer et nous brosser dans le sens du poil. Le film est rempli de références, dont une majorité à Star Wars, si bien qu’on va finir par se demander si le réalisateur ne va pas participer à un projet financé par Disney. Non pas que l’idée nous déplaise, mais, à terme, c’est jouer la carte de la facilité que d’appâter les fans que nous sommes avec de petites pastilles comme celles-ci. Au final, on retient avoir passé un très bon moment, mais aussitôt le film terminé, son souvenir s’évapore quasiment en même temps que lui. Les design des vaisseaux, des armes et des costumes sont bien stylisés mais manquent cruellement d’identité. Le bâton avec lequel se bat Adam est le seul objet à la fois bien designé et utilisé, mais il est une partie de ce fan-service. Tout comme les armures des soldats antagonistes, finalement assez communs si on les remet en perspective des autres productions du même style. Reste donc les chorégraphies de combats qui sortent du lot et offrent une bonne synergie avec l’arme maniée par le personnage principal. Ce qui fonctionnait dans Free Guy du fait de son sujet nécessite ici plus de travail artistique pour ne pas tomber dans une rusticité trop évidente. Les décors entre autres ne sont rien de plus que de la fainéantise artistique. De simples forêts la majeure partie du temps et l’arrière-cour de cette grande maison donne directement sur la forêt, sans même une barrière, une clôture ou ne serait-ce qu’une simple démarcation avec le jardin. Tous ces petits détails amènent à croire que Shawn Levy n’a pas réfléchi en profondeur à la crédibilité de son environnement et veut simplement faire dérouler son histoire le plus rapidement possible.

Adam à travers le temps ne truste pas actuellement la première place du classement Netflix pour rien. Le casting est incroyable et l’histoire est d’une fluidité presque orchestrale tant elle conduit la narration avec aisance. L’histoire est drôle, émouvante, globalement bien écrite et bien qu’elle ne réinvente rien, au contraire, elle se délesterait même plutôt des complications scientifiques, on prend un malin plaisir à suivre ces personnages au travers de quelques scènes particulièrement bien senties. Le seul problème vraiment imputable est ce manque d’audace et d’identité de la production, ne permettant pas au film d’imprégner les esprits bien longtemps. À l’image de Netflix, qui offre du consommable, l’emballage est beau, le contenu rempli le ventre mais les papilles gustatives restent sur leur faim. Et surtout ce sentiment désagréable de se dire qu’on passe à côté d’un potentiel grand film.

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