Alerte rouge : Les joies de l’adolescence

Malmené par Disney depuis le début de la pandémie (avec des sorties directement sur Disney+ sans passer par la case cinéma), Pixar tient bon malgré tout en continuant de proposer des œuvres profondément originales, à même de faire chavirer nos cœurs de grands enfants. Ayant enfin délaissé sa propension à délaisser des suites pas forcément attendues, le studio à la lampe a fait fort dans ses dernières propositions et l’on ne peut que regretter que des films comme Soul ou Luca n’aient pas trouvé le chemin des salles obscures, une décision on ne peut plus injuste de la part d’un studio dont la manière de faire devient de plus en plus douteuse.

Qu’importe, Alerte rouge, le dernier né de chez Pixar (disponible sur Disney+ le 11 mars) est une nouvelle pépite dont l’efficacité narrative est sans cesse pimentée par une animation dynamique et totalement appropriée à son sujet. L’histoire met en scène Meilin, jeune adolescente de 13 ans. Tiraillée entre son désir d’être une fille modèle aux yeux de sa mère très protectrice et entre le chaos de son adolescence, elle découvre avec horreur la malédiction familiale : dès qu’elle se laisse submerger par ses émotions, elle se transforme en panda roux géant ! Pour une adolescente, autant dire que la situation s’avère hautement problématique…

Ces derniers temps, Pixar permet à ses réalisateurs de puiser profondément dans leur expérience personnelle pour livrer leurs films. C’était le cas pour Enrico Casarosa avec Luca et c’est également le cas pour Domee Shi avec Alerte rouge. La réalisatrice canadienne d’origine chinoise, oscarisée pour le court métrage Bao en 2019 continue en effet d’explorer les relations qui peuvent lier une mère et sa fille et situe carrément l’action du film en 2002, l’âge où elle avait elle-même 13 ans.

Alerte rouge affirme alors sa volonté de raconter les troubles naissants de l’adolescence d’un point de vue féminin, thématique rarement abordée de façon aussi évidente dans le cinéma d’animation destiné à un jeune public. En effet, tout y passe dans Alerte rouge : mention des premières menstruations, naissance des premiers désirs adolescents, confusion des sentiments, joie immense se mélangeant à une tristesse indescriptible, sentiment de ne pas trouver sa place dans ce monde, difficulté à s’éloigner des parents et à s’affirmer comme une personnalité indépendante… Rien n’échappe à l’œil de Domee Shi et la réalisatrice s’en donne à cœur joie pour explorer tous les tourments de cette période. Et si le panda roux géant est évidemment une savoureuse métaphore de tous ces sentiments qui débordent, le récit n’en fait pas un simple gimmick destiné à vendre des peluches et à faire marrer les enfants et l’utilise avec un sens de l’écriture admirable qui fait du panda à la fois un élément déclencheur et un élément de résolution, symbole d’une adolescence où il faut savoir accepter que tout soit un joyeux bordel dans sa tête.

Domee Shi le dit elle-même, le film a connu de nombreux changements dans ses péripéties mais les personnages sont restés les même dès le début. Si l’on ne peut que se régaler du groupe de copines de Meilin et de leur admiration sans borne pour un boys band, c’est bien la relation entre Meilin et sa mère qui est au cœur d’Alerte rouge. Une relation délicatement brodée, avec un humour n’occultant jamais la profondeur des sentiments qui sont en jeu. Force est de reconnaître que dans ce registre, Pixar a toujours fait appel aux meilleurs scénaristes et réalisateurs et reste indépassable dans ce mélange subtil entre humour et émotion, chacun de leur film offrant une belle leçon de vie doublée d’une leçon de cinéma.

Si le film s’avère être un coming of age aussi réussi, c’est également parce que Domee Shi le pimente de références visuelles tout à fait personnelles. À la fois aussi admirative du style d’animation classique que des effusions des expressions et des sentiments de certaines animes japonais, s’aventurant carrément sur le terrain du kaiju eiga lors de certaines scènes, la réalisation fait preuve d’un éclectisme et d’une énergie rendant le tout très ludique et parfaitement réjouissant. En collant de plus près sa mise en scène aux sentiments de son héroïne, Domee Shi capte ainsi de fabuleux moments, d’une candeur et d’une tendresse qui vont droit au cœur, la sincérité avec laquelle le film aborde son sujet étant indéniable. C’est donc une nouvelle jolie réussite pour Pixar, à montrer à chaque parent et à chaque adolescent(e) chez qui sommeille un panda roux géant et ils sont certainement nombreux !

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