Malicia : Papa, la bonne et moi

Pourvoyeur de classiques du cinéma sous toutes ses formes, l’éditeur Sidonis Calysta a un immense catalogue ne se résumant pas seulement au western ou au film noir (deux collections majeures) mais sait également varier les plaisirs en proposant régulièrement des films que l’on (re)découvre avec gourmandise. Je me souviens avec bonheur des yeux pétillants de mon grand-père quand il parlait de Laura Antonelli. Après déjà avoir compris pourquoi en découvrant Le Sexe fou, voilà donc l’occasion de voir Malicia, le film ayant fait de l’actrice un véritable sex-symbol que Sidonis a sorti en combo Blu-ray + DVD depuis le 1er février dernier.

Tout juste veuf, devant s’occuper seul de ses trois enfants, Ignazio La Brocca (génial Turi Ferro) engage la jeune Angela comme domestique. Celle-ci n’est pas seulement très compétente, elle est également très attirante et ne tarde pas à attiser les désirs de tous les hommes de la famille, y compris celui de Nino, 14 ans, qui n’hésite pas à saboter les tentatives de séduction de son père et de son frère aîné pour tenter de la conquérir…

Avec ce pitch, on pourrait très rapidement ranger Malicia au rayon des comédies polissonnes italiennes, genre très florissant dans les années 70 et 80 où il suffisait aux scénaristes et réalisateurs de faire venir une belle actrice dans un milieu rempli d’hommes pour faire péter les hormones de ceux-ci et offrir un prétexte à déshabiller l’héroïne principale. De fait, Malicia coche allégrement certaines cases du genre, que ce soit dans certains gags (Ignazio désirant déjà Angela et effrayé à l’idée que sa femme reste à ses côtés, même décédée) et dans sa musique très légère, teintée d’humour. Mais le film de Salvatore Samperi est plus intelligent que ça et se révèle rapidement troublant et pas seulement parce que le physique de Laura Antonelli nous y est dévoilé lors de quelques scènes devenues cultes.

En effet, Malicia va très rapidement chercher plus loin que le simple prétexte érotique de son sujet et fait de la relation entre Nino et Angela le cœur du récit. Une relation dépeinte de façon carrément dérangeante puisque le jeune adolescent y apparaît comme un être froid et calculateur, prêt à tout pour arriver à ses fins. Recourant au chantage, au voyeurisme ou encore à l’intimidation et au harcèlement, Nino apparaît comme un jeune homme froid et presque sociopathe. Bien conscient que le mariage de son père avec Angela n’est qu’une question de temps, il use de divers stratagèmes pour le retarder et n’éprouve aucune honte à exercer un rapport de force sur la jeune femme. Pendant une bonne partie du film, c’est donc un jeu pervers qui s’installe, mettant le spectateur dans une situation inconfortable, lui qui était innocemment venu chercher une simple comédie polissonne et qui se retrouve mis à mal par les actes abjects de Nino, qu’incarne à la perfection le jeune Alessandro Momo (promis à une belle carrière mais tragiquement décédé d’un accident de moto à l’âge de 17 ans), ayant visiblement compris toutes les zones d’ombre de son personnage.

On se demande ainsi combien de temps cette relation de domination va durer et comment fait Angela pour ne pas balancer le sale morveux par-dessus le balcon. Le film ménage évidemment son suspense jusqu’à son audacieuse fin et offre le spectacle érotique demandé (les séquences mettant en valeur la plastique de Laura Antonelli ne manquent pas même s’il est bon de souligner le grand talent de l’actrice dans un rôle plus complexe qu’il n’y paraît), tout en proposant d’un ton beaucoup plus sérieux une réflexion assez acerbe sur la société italienne où les femmes n’ont pas voix au chapitre et sont sans cesse soumises au regard et au désir des hommes. Derrière Malicia et son argument se cachent donc un film à la tonalité plus grave, n’hésitant pas à dénoncer le comportement du jeune Nino, ne faisant finalement que reproduire ce qu’on lui a toujours appris. De quoi faire du film une œuvre intéressante sur bien des aspects, ménageant de belles zones troubles dans lesquelles il fait bon de se retrouver.

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  1. Édito – Semaine 4 -

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