Golden Glove : Trop de cadavres dans le placard, ça pue !

Devoir raconter les faits criminels d’un tueur en série en voulant rester le plus authentique possible n’est jamais une mince affaire. Certains dossiers demeurent tellement macabres qu’on en viendrait à se demander s’il est bien moral de faire revivre le calvaire des victimes. Il en va aussi de la question juridictionnelle que cela impose de vouloir retranscrire les événements tels qu’ils se sont déroulés. Ceci étant, certains cinéastes sont parvenus à détourner les censures par le biais d’approches significatives. Avec des films dans la veine de Henry, Portrait d’un Serial Killer qui se focalisaient sur la psyché des antagonistes, nous avions droit à des approches aussi malsaines qu’artistiquement intéressantes. C’est par l’espérance de ce prisme analytique là que nous nous sommes lancés dans Golden Glove. Le dernier film de Fatih Akin vient de faire une entrée fracassante au sein du catalogue Shadowz. Adapté du roman Der Goldene Handschuh de Heinz Strunk, Golden Glove dresse le portrait du tueur en série allemand Fritz Honka qui a été reconnu coupable du meurtre d’au moins quatre prostituées entre 1971 et 1974. Ce dernier aimait les femmes âgées et édentées à cause de ses peurs de mutilation lors des fellations. Il massacra ses victimes dans la petite chambre qu’il louait dans le grenier d’un immeuble à Hambourg et y conserva les corps. Afin d’éviter les odeurs de putréfaction, il aspergeait les corps d’eau de Cologne. Ce sont les vapeurs d’alcool qui mirent le feu à l’immeuble en 1975. Les pompiers découvrirent les corps momifiés et Honka fut condamné à perpétuité. Golden Glove revient sur l’escalade meurtrière de Honka en osant l’approche frontale des faits. Tout un programme donc, que Shadowz recommande vivement aux estomacs les plus accrochés.

Hambourg, au début des années 1970. Au premier abord, Fritz Honka n’est qu’un pitoyable loser. Cet homme à la gueule cassée traîne la nuit dans un bar miteux de son quartier, le Golden Glove, à la recherche de femmes seules. Les habitués ne soupçonnent pas que Honka, en apparence inoffensif, est un véritable monstre.

Golden Glove s’ouvre sur une longue introduction d’une dizaine de minutes qui annonce directement la couleur : Fatih Akin veut bousculer le confort de son spectateur. Nous faisons directement connaissance avec Honka au moment où il vient de tuer sa première victime et s’apprête à monter son cadavre dans sa chambre. Entre la pénibilité que cela représente d’envelopper un corps, de le traîner dans les escaliers et d’ensuite le découper, Akin entend appuyer sur la vraisemblance d’un tel labeur, aussi horrible soit-il. D’emblée nous penserons au film de Gerald Kargl, le mythique et éprouvant Schizophrenia, qui se posait déjà la question de rendre la plus vraie possible la mise à mort d’un être humain. Tout comme chez son homologue autrichien, Fatih Akin délaisse tous les artifices inhérents au cinéma (découpage technique, musique…) au profit de quelques plans fixes soigneusement cadrés où seule la respiration haletante de son tueur rythmera ses coups de scie chirurgicaux. Golden Glove sera donc un film éprouvant à en juger par son ouverture. S’il ne manquera pas de nous le prouver à mainte reprises, il n’atteindra jamais l’excellence d’un Schizophrenia. Plusieurs facteurs entrent en jeu quant à la dépréciation du film. En premier lieu : l’excès ! Akin use et abuse de séquences sales sans jamais venir susciter la moindre réflexion. Que veut-il mettre en avant ? Que Honka était un dangereux psychopathe ? L’introduction s’en est déjà chargée. Que les victimes ont subi un calvaire ? Nul besoin de le montrer à outrance, nous en sommes conscients. Akin cherche-t-il à dégoûter ? Si la première heure parvient à nous déranger fortement au point d’avoir l’illusion de sentir la charogne de tous nos pores, Golden Glove devient lassant dès lors que Honka perd la femme qu’il séquestrait, Gerda Voss.

Dès lors, les séquences ne seront que des répétitions du modus operandi du tueur, il n’y aura rien de plus à nous apprendre. Ce qui amène au second problème du film : sa durée atrocement longue pour ne rien raconter. Deux heures de film, ressenti : une éternité ! De la concision et de la réflexion, voilà ce qu’il manque à Golden Glove. Ce n’est pas tout de citer impunément Schizophrenia ou encore Wake in Fright pour le rapport exagéré à l’alcool, encore faut-il comprendre ce que ces films réussissent à transmettre de nauséabond avec brio. De plus, on ne saura jamais vraiment si Golden Glove se place comme un témoin impartial des tristes événements ou s’il fait preuve d’un humour noir désopilant. Honka est impuissant, il viole ses victimes avec des knackis et autres spatules en bois pour sustenter sa libido déviante…jusqu’au moment où il manque de se rompre le frein tant sa propre knacki refuse de commettre les ignominies auxquelles il pense. Doit-on rire ? Doit-on vomir ? Les deux à la fois ? Qu’importe, Akin filme la cruauté avec un détachement impitoyable. Ce que nous prenions pour une introduction surprenante et grandiloquente se révèle être une note d’intention plutôt paresseuse. Provoquer le dégoût, le vrai, et retourner les tripes d’un spectateur ne peut se faire sans un minimum de réflexion sur le sujet. Ici, l’image est crasseuse, elle pue le Schnaps, la sueur et le vomi et transparaît autant au travers le personnage de Honka que de tous les poivrots qui alimentent le Golden Glove, haut repère des crasseux les plus minables de Hambourg. Au lieu d’en tirer une analyse sociale percutante, Fatih Akin préfère filmer des conversations de comptoir aussi inutiles que barbantes. Aucun personnage n’est aimable, c’est une vraie niche d’alcooliques au dernier degrés. Qu’ils vivent ou meurent importe peu, ils n’ont rien à nous offrir qu’une haleine fétide qui donne envie de s’éloigner de toute bouteille d’alcool à vie. Golden Glove est vraiment fastidieux à suivre jusqu’au bout. Une descente d’organes aurait plus de rebondissements que la plupart des séquences du film. Une fois que le schéma « bar, alcool, rencontre, alcool, chambre, baise impuissante, viol, humiliation et massacre » est assimilé, Golden Glove devient une prise d’otage de laquelle il n’y a rien à tirer.

Ni fait, ni à faire, Fatih Akin ne livre pas le film irrévérencieux qu’il espérait vendre. Certes, Golden Glove nous fait nous sentir vraiment sale, mais certainement pas pour les bonnes raisons ni de la meilleure des manières…là où Schizophrenia hante encore nos cauchemars depuis des années. Nous retiendrons uniquement qu’un psychopathe du nom de Fritz Honka a existé, qu’il bandait mou, puait le Schnaps à longueur de journée et gardait les cadavres des prostituées séniles qu’il massacrait chez lui. Deux heures pour nous confronter à un tel misérabilisme noyé dans un néant artistique proche de la fosse sceptique, c’est vraiment très cher payé !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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