Les Vedettes : Bientôt je serai chanteur…

L’humour à la télévision a toujours été un tremplin gigantesque pour lancer la carrière de certains acteurs. De Jean Dujardin aux Inconnus en passant par Les Nuls, Omar et Fred ou encore Kad et Olivier, tous doivent énormément de leur popularité grâce à leur qualité de comédien et le boulot acharné qu’ils ont fourni au sein de leur programme respectif. Internet ayant remplacé la télévision à l’orée des années 2000, il n’en fallait pas moins pour que les nouvelles générations s’exportent sur les médias dédiés. C’est ainsi que naquit le Palmashow au début des années 2010. Fort de leur programme court, Very Bad Blagues, le duo composé de Grégoire Ludig et de David Marsais n’a pas tardé à devenir un incontournable des cours de récré et des discussions autour de la machine à café. Avec une panoplie de sketchs devenus cultes pour certains, le Palmashow assumait grandement être des enfants de la Télé des Inconnus et de la grande époque Canal +. Après un passage en prime-time à la télévision pour plusieurs Grande Soirée du Palmashow, le duo sortait son premier long-métrage en 2016, La Folle Histoire de Max et Léon. Comédie loufoque sous fond de Seconde Guerre Mondiale aux inspirations très marquées par La Grande Vadrouille, La 7ème Compagnie et autres Papy Fait de la Résistance, le premier film écrit par le Palmashow réunissait la fine fleur de l’humour français et alignait divers tableaux propices aux parodies dont sont friands les deux compères. Après un détour chez Quentin Dupieux pour Mandibules et diverses apparitions chez Albert Dupontel ou Alain Chabat, ils reviennent en salle pour leur second film, Les Vedettes, qu’ils laissent encore soin à Jonathan Barré de réaliser.

Daniel, un chanteur raté, travaille dans un magasin d’électroménager. Prêt à tout pour rembourser ses dettes et se retrouver sous le feu des projecteurs, il décide d’utiliser Stéphane, un collègue naïf et prétentieux, pour participer à des jeux télévisés. Tout les oppose et la soif du succès va très vite leur monter à la tête. Seulement, Stéphane et Daniel sont plein de ressources.

La Folle Histoire de Max et Léon a été un succès qui a rassemblé plus d’un million de spectateurs dans nos salles. Devoir réitérer l’exploit en gardant la recette qui a fait leur popularité tout en ne trahissant pas ce qu’ils sont semble avoir été la note d’intention des Vedettes. En effet, dès l’ouverture du film, on y sent la volonté de recentrer le récit sur la force du duo. Comptabilisant nettement moins de caméo (mais avec toujours les habitués qui gravitent autour du duo depuis toujours), Les Vedettes s’apprécie autant comme un très long sketch du Palmashow que comme une comédie à part entière. Car, si les fans de la première heure sauront apprécier les quelques clins d’yeux subtils aux sketches du duo, Les Vedettes entend se détacher totalement de l’étiquette d’humoristes venus du web qui pourrait coller à la peau de Marsais et Ludig. On ne peut s’empêcher de repenser aux Inconnus qui, lorsqu’ils sortaient Les 3 Frères, combinaient à la fois leurs envies d’aborder des thématiques significatives tout en n’omettant pas de saluer le public venu voir leur film parce qu’il les avait adoré à la télévision. Il en sera de même pour Les Vedettes.

Beaucoup moins goguenard que pour la plupart de leurs personnages sur internet, David Marsais et Grégoire Ludig rendent hommage aux médias qui les ont vu grandir et y assènent, par la même occasion, une sérieuse critique acerbe où l’amertume des gags laissera poindre un état des lieux de l’envers du décor qui risque de faire grincer quelques dents. Loin d’être tendre envers les productions qui fabriquent des candidats et manipulent le regard d’autrui pour les rabaisser en vue d’une puissante quête d’audimat, Les Vedettes dresse plusieurs stéréotypes dans le but de peaufiner ses propos. Daniel et Stéphane sont pareils à n’importe quel citoyen de la classe moyenne. Ils ont des rêves et des ambitions qu’ils ne pensent pas capable d’être réalisés autrement que via le fameux quart d’heure de gloire qu’offre la télévision. Marsais et Ludig déconstruisent leurs personnages et exposent leurs forces et leurs faiblesses sans jamais venir chercher la moquerie chez le spectateur. En effet, nous serons plutôt focalisés sur les producteurs et les présentateurs vedettes des émissions qu’ils dépeignent qui sont de parfaites coquilles vides qui se nourrissent du talent des autres. Les abrutis du film ne sont pas nos deux héros, mais bel et bien les dirigeants des chaînes de télévision qui fabriquent le divertissement qu’ils jugent bankable pour être diffusé. Ils veulent de parfaits benêts qui n’ont aucun recul sur leur situation dans le but de les humilier en toute impunité.

En proposant un visage peu radieux des médias, Les Vedettes bascule vers une comédie sociale (qui rappellera, une fois encore, Les 3 Frères) qui tente de nous ouvrir les yeux sur le monstre avilissant qu’est devenu la télévision. Entre présentateur aigri qui fausse son image via les réseaux sociaux, les candidats de télé-réalité qu’on préfabrique pour capitaliser sur une image bien rodée ou encore le producteur qui demeure le seul juge du poison qu’il fera avaler à son auditoire, impossible de nier que Les Vedettes va bien au-delà de la simple comédie inoffensive. Le virage opéré par le Palmashow demeure aussi intéressant qu’il s’incorpore parfaitement au milieu du ton loufoque et slapstick que les deux amis défendent depuis plus de dix ans. On assiste à la naissance d’une évolution qui fait des merveilles et on en sort diablement conquit. Ainsi, quand Ludig et Marsais retombent dans leurs vieux travers, les blagues ont un goût de neuf et sont plus que bienvenus. Le chanteur ringard qui se prend pour Johnny Hallyday, on l’avait déjà vu poindre dans plusieurs sketchs, et pourtant Grégoire Ludig parvient à lui insuffler une image terriblement nouvelle. Non content de nous offrir une chanson mémorable et qui risque de tourner de manière virale sur la toile, il réinvente l’un de ses personnages secondaires iconiques pour l’amener vers l’aboutissement ultime. Les Vedettes n’est rien d’autre que cela : un remaniement 2.0 de tout le travail entreprit par le Palmashow depuis Very Bad Blagues. Le film saura contenter les fans de la première heure (nous avons été subjugué du début à la toute fin du générique, restez bien dans la salle jusqu’au bout !) autant que les néophytes du duo.

Les Vedettes montre une nouvelle facette du duo Ludig et Marsais par l’aspect nettement plus critique qu’ils développent. Les Vedettes s’inscrit au panthéon des comédies sociales qui commençaient à faire cruellement défaut dans notre paysage artistique français. Grégoire Ludig et David Marsais marchent délibérément dans les pas des Inconnus pour notre plus grand plaisir. Ne reste plus qu’à leur souhaiter que le public soit au rendez-vous et y soit, surtout, réceptif. Des comédies d’un tel acabit, on en veut tous les jours. Et s’il faut que nous attendions encore 6 ans pour que le duo revienne en salle, nous sommes prêts à patienter !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*