
A l’occasion de la sortie du nouveau film de Stephan Streker qui sort ce mercredi 26 janvier dans nos salles obscures nous nous faisions une joie de nous entretenir avec les deux interprètes principaux d’un édifiant long métrage jalonné de zones d’ombre pour le moins troublantes et mémorables : le désormais incontournable Jérémie Renier et la saisissante Alma Jodorowsky, également chanteuse et mannequin de son état. C’est par l’après-midi grisâtre et résolument triste d’un mercredi 18 janvier que l’équipe de Close-Up s’est rendue dans le faste lumineux de l’Hôtel de Sers du 8ème arrondissement parisien afin d’échanger avec les deux comédiens sus-cités… pour apprendre en fin de compte l’absence entièrement justifiée de l’acteur belge, parti en catastrophe auprès de son ami Gaspard Ulliel alors en état critique suite à son accident de ski de la veille. Apprenant quelque temps plus tard le triste départ du jeune comédien par l’équipe de l’Agence Déjà organisant le junket c’est avec une certaine précaution que nous avons pu néanmoins bénéficier d’un bref – mais passionnant – échange avec Alma Jodorowsky, qui a tenu à nous accorder de son temps malgré la dureté du moment afin de revenir sur l’expérience que constitue L’Ennemi de Stephan Streker. Rencontre.
Bonjour Alma, et merci de nous accorder cet entretien. J’aimerais tout d’abord savoir ce qui t’a attiré dans cette histoire « librement inspirée de faits réels », et si tu connaissais déjà le travail de Stephan Streker en amont du tournage.
J’avais beaucoup aimé Noces, son précédent film, que je trouvais déjà particulièrement brillant du point de vue de la mise en scène, et j’ai retrouvé à la lecture du scénario cette écriture assez singulière : une sorte de labyrinthe, de méandres de l’esprit du personnage principal dans lesquels on se plonge. C’est la construction du film qui m’a donc attirée, avec ses flashbacks et son sens atypique du récit. En outre le personnage de Maeva m’a également beaucoup séduite, je le trouve très complexe, extrême, il va dans deux pôles émotionnels diamétralement opposés : capable à la fois d’exprimer une grande détresse, sombre et destructrice mais aussi de dégager quelque chose de beaucoup plus solaire, de vivant, d’énergique… C’est un vrai cadeau pour une actrice d’incarner un personnage avec des facettes aussi différentes et contrastées.

Effectivement. Du reste comment s’est passée ta rencontre avec Jérémie Renier, de dix ans ton aîné, dans la mesure où vous conjuguiez vos talents dans le but d’incarner un couple à la relation volcanique. Cela a dû représenter un véritable défi émotionnel pour vous, n’est-ce pas ?
Oui, nous avons tout de suite eu une très grande complicité, une grande confiance l’un dans l’autre, d’autant plus que nous savions tous les deux dans quoi nous nous engagions dans la mesure où nos deux personnages sont très intenses. L’entente réciproque qui nous reliait a pu faciliter l’aisance et la liberté de jeu, avec en plus la dimension physique, corporelle que nous voulions développer. Il y a de ce point de vue beaucoup de scènes sans dialogues, d’où la nécessité pour nous d’exprimer l’amour, la passion, etc… à travers nos corps respectifs. Par ailleurs j’ai toujours été impressionnée par Jérémie et par ce qu’il représente en tant qu’acteur, et lorsque je l’ai vu fortement amaigri pour le rôle de Louis Durieux, j’ai d’emblée vu le personnage se dessiner sous mes yeux.
C’est vrai que j’ai également été frappé par la maigreur de Jérémie Rénier dans le récent L’Albatros de Xavier Beauvois, il m’a fait l’effet d’un comédien particulièrement doué pour les rôles torturés, vulnérables, physiquement émaciés. J’aimerais revenir sur le personnage que tu incarnes dans L’Ennemi. Le film s’ouvre sur la chanson Un jour, tu verras de Mouloudji, que tu interprètes a cappella. Connaissant ton activité de chanteuse je me demandais ce que cela représentait pour toi d’inaugurer un film de cette manière du point de vue artistique, d’autant plus que la scène est tournée en plan-séquence…
Au moment où ce plan a été tourné je ne savais pas qu’il allait ouvrir le film de Stephan, ce qui enlève tout de même un certaine pression. Cela restait néanmoins un moment très intime et très fort, car lorsque l’on chante on partage forcément une partie de sa vulnérabilité, on ouvre littéralement son coeur. Cela dépasse les mots et se réfère davantage à quelque chose qui passe par la voix, ce qui explique l’intimidation que suscite un tel don de soi, de l’intime et de la sensibilité qui en découlent… Le plaisir que cette scène m’a procuré est effectivement lié à ma carrière de chanteuse, scène qui fut tournée plusieurs fois dans différents décors, et ce fut finalement celui de la plage qui fut gardé au montage par Stephan. Cela fonctionnait très bien, car même si cette prise fut tournée un peu « à l’arrache » elle transmettait une émotion très spontanée, très pure.

Du reste le décor de la plage tient une place importante dans le film : Jérémie Rénier hurle en bord de mer, se lamente, puis s’y réveille le lendemain matin. On a presque le sentiment que cette plage est la zone dramatique des passions amoureuses exacerbées…
Oui c’est un décor qui a une importance toute particulière, cette belle et grande Mer du Nord baignée d’une lumière argentée qui tombait régulièrement sur ses flots. Il s’y dégage une atmosphère assez étrange, à la limite de l’indescriptible, tragique presque… Le chef opérateur Léo Lefèvre a d’ailleurs su tirer un parti superbe des lieux et de son haut potentiel cinématographique.
Dans quelle ville se passe le film d’ailleurs ?
Ostende (partie flamande de la Belgique, ndlr).
Pour terminer cet entretien, aurais-tu de futurs projets artistiques ?
Cette année je serai visible dans une série diffusée sur Canal+, une série suédoise avec un casting mi-suédois, mi-anglais intitulée Threesome, ainsi que dans un film polonais qui s’appelle Dry Land (le film est également titré Silent Land selon certaines sources, ndlr) et qui sortira en France au printemps.
Propos recueillis par Thomas Chalamel le 18 janvier 2022 dans les locaux de l’Hôtel de Sers, Paris 8ème arrondissement. Un grand merci à Alma Jodorowsky et à Marion Seguis d’avoir pu permettre la réalisation de cet entretien.
Soyez le premier à commenter