Souterrain : À la vie, à la mine

Maxime travaille dans la mine d’or d’une petite ville du Québec. C’est un lieu en vase clos où tout le monde se connaît et tout le monde connaît son boulot. Rongé par la culpabilité d’avoir été à l’origine d’un accident ayant failli coûter la vie à son ami Julien, Maxime fait partie d’une équipe de sauveteurs. Quand une explosion retentit brutalement sous la terre, il voit une occasion de se racheter et descend dans la mine avec la ferme intention de ramener tout le monde vivant…

Ce pitch a beau raconter quasiment tout le film, il ne donne pas l’ampleur de la belle réussite qu’est Souterrain. Dans le cinéma hollywoodien, la catastrophe et le sauvetage occuperaient les trois quarts du récit. Il n’en est rien ici. Sophie Dupuis, cinéaste remarquée avec Chien de garde en 2018, sait que pour donner de l’ampleur à une telle catastrophe, il ne suffit pas de la filmer et de se focaliser sur des sauveteurs héroïques. Non, pour que ce drame humain prenne toute sa dimension, le film n’accorde finalement qu’une place minime à la catastrophe (ouvrant et terminant le récit) pour se concentrer avant tout sur ses personnages et sur leur quotidien à la mine. En prenant le temps de s’attarder non seulement sur le travail à la mine mais sur ce qui lie tous ces mineurs, sur leurs préoccupations, leurs joies, leurs espoirs, leurs doutes et les bagages que cela leur fait quand ils descendent à la mine, Sophie Dupuis fait de son film une grande tragédie humaine où le spectaculaire compte moins que l’humain.

Une approche faisant de Souterrain une réussite, à mille lieues des clichés habituels du genre. D’une part parce que la réalisatrice connaît bien le milieu pour y avoir grandi, d’autre part parce qu’elle a réellement posé sa caméra dans une mine, s’assurant ainsi une grande authenticité, rendant chaque plan à l’intérieur à la fois sublime et angoissant. Il y a un souci de réalisme dans le film, pas un réalisme sur le plan formel (les plans à l’extérieur sont aussi travaillés que ceux en intérieur et témoignent d’un vrai sens de la mise en scène) mais un réalisme des personnages et des émotions, ceux-ci apparaissant toujours profondément authentiques. Bien aidée par de solides acteurs (Joakim Robillard et Théodore Pellerin en tête), Sophie Dupuis parvient à capter la vie dans la mine, aussi bien dans sa dureté que dans son entente collective, chaque employé formant une grande famille où l’on se soutient dans les coups durs.

Esquissant avec force ses personnages, Souterrain prend à la gorge à mesure que le récit avance, montrant déjà avant la catastrophe des drames humains personnels que les personnages tentent de surmonter comme ils peuvent. Quand survient alors le drame (filmé d’ailleurs comme si nous étions en plein blockbuster, avec la même tension sourde), nous avons vécu 1h15 avec eux et la catastrophe prend une autre dimension, comme s’ils s’agissaient de nos propres amis qui étaient pris au piège de la mine. Cette capacité d’identification, le propre d’un art comme le cinéma, fonctionne parfaitement ici sans pour autant que ce soit mécanique. Tout est filmé par Dupuis avec une implication forçant l’admiration, toujours à bonne distance de ce qu’elle raconte. À Hollywood, ça aurait donné un film lourdingue réalisé par Peter Berg avec Mark Wahlberg, au Canada, cela donne un petit bijou, à la fois humain et anxiogène dont on salue l’ambition et la justesse. Décidément une réalisatrice à suivre de près.

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