Nos âmes d’enfants : Revoir le monde d’un œil nouveau

La dernière fois que nous avions vu Joaquin Phoenix sur grand écran c’était dans Joker. L’acteur avait livré une performance qui lui avait valu l’Oscar où il se montrait à la fois glaçant et inquiétant. Quel bonheur donc de le retrouver dans un film avec un rôle beaucoup plus lumineux et positif, preuve (s’il en fallait encore) que Phoenix est un acteur remarquable, insufflant à chacun de ses rôles une énergie différente mais captant toujours avec justesse l’essence de son personnage.

Nos âmes d’enfants est un film à l’image de la prestation de Joaquin Phoenix : lumineux. Réalisateur remarqué avec Beginners et 20th Century Women, Mike Mills est ici inspiré par les sentiments qu’il a éprouvé à la naissance de son enfant, un mélange de désorientation et de révélation. C’est ainsi que Nos âmes d’enfants est né : Johnny, journaliste radio parcourant les Etats-Unis pour interroger des jeunes sur leur vision du futur se retrouve du jour au lendemain obligé de garder Jesse, son neveu. En effet, la mère de Jesse, Viv, sœur de Johnny doit s’occuper de son mari traversant une grave crise. Johnny, qui n’a jamais été très proche de sa sœur et donc de son neuve se retrouve alors avec un enfant sur les bras sans avoir la moindre idée de comment faire pour s’en occuper. La relation qui démarre est forcément tendue, faite d’incompréhensions mais peu à peu, les deux vont nouer des liens très forts et à travers le regard de cet enfant, Johnny va s’ouvrir au monde…

C’est donc un récit rempli de tendresse que livre ici Mike Mills, une tendresse étreignant d’ailleurs tout son cinéma captant depuis ses débuts les subtilités des relations humaines où chaque sentiment éprouvé est important et a sa place légitime pour être capté par sa caméra. Sans guère d’autre enjeu que celui de faire évoluer la relation entre Johnny et Jesse, Nos âmes d’enfants s’intéresse donc à ces petits moments de la vie qui ne paient pas de mine mais qui disent beaucoup sur ce qui se noue entre les personnages. En croisant la trajectoire intime de ces deux personnages à la parole des enfants interrogés sur l’avenir par Johnny, le film capte également l’intelligence du regard des jeunes sur le monde. Un monde sur lequel ils ne sont pas naïfs mais qui bénéficie d’un horizon bien plus large que celui d’un adulte, souvent très étriqué. Ces témoignages parcourant le récit affirment la nécessité de se mettre à la hauteur des enfants pour s’ouvrir au monde et entourent le film avec délicatesse.

Une délicatesse rare, filmée dans un noir et blanc particulièrement somptueux. Influencé par Alice dans les villes de Wim Wenders, Mills trouve que le noir et blanc correspond à la fois à son envie de fable et son envie de documentaire qui s’entremêlent dans le film. Difficile de lui donner tort tant la texture même du noir et blanc, travaillée par le chef opérateur Robbie Ryan (à qui l’on doit la photo de Fish Tank, La Favorite ou encore Marriage Story) donne l’impression étrange d’évoluer à la fois dans un monde proche du nôtre et en même temps un peu éloigné tant tout semble plus beau et plus simple, où chacun exprime ses sentiments et est écouté par les autres.

Nous parlions d’ailleurs en début de chronique de la prestation remarquable et très émouvante de Joaquin Phoenix (que l’on préfère dans ces zones de subtilités là où Joker relevait de la performance plus ostentatoire même si tout aussi talentueuse) que cela fait plaisir de retrouver dans cette douceur mais l’alchimie qu’il a à l’écran avec le jeune Woody Norman est prodigieuse, faite d’une complicité non feinte et d’une belle relation aussi bien devant les caméras que derrière. Norman allant même jusqu’à déclarer :  ‘’Je vois Joaquin comme quelqu’un de mon âge’’, immense compliment et preuve que l’acteur s’est investi avec ardeur dans ce rôle pour ce film parcouru par quelques longueurs mais que l’immense bienveillance qui s’en dégage nous fait volontiers pardonner. Nos âmes d’enfants s’impose donc comme une belle leçon de vie dont on ressort le sourire aux lèvres et le regard neuf, prêt à redécouvrir le monde sous un jour nouveau, chose suffisamment rare pour en justifier le visionnage immédiat !

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