Édito – Semaine 2

Nous avons pleuré l’année dernière la mort de Bertrand Tavernier, voilà que c’est Peter Bogdanovich qui nous quitte en ce début d’année 2022, âgé de 82 ans. Le rapprochement de ces deux noms n’est pas involontaire puisque comme Tavernier, Bogdanovich était un cinéaste cinéphile, un passeur, un critique nourrissant pour l’âge d’or d’Hollywood une admiration sans borne et dont il a tiré plusieurs ouvrages, notamment ses passionnants livres d’entretiens parus en 2 tomes chez Capricci et intitulés Les Maîtres d’Hollywood.

Nous nous étions penchés plus en détails sur la carrière de Bogdanovich en 2018 alors que Carlotta sortait en blu-ray La dernière séance et Saint Jack accompagnés d’un livre d’entretiens du cinéaste avec Jean-Baptiste Thoret et un livre écrit par ses soins après l’assassinat de Dorothy Stratten, sa compagne, intitulé La mise à mort de la licorne. Jusqu’ici, nous étions comme la plupart des gens, de Bogdanovich nous connaissions le nom parce qu’il avait réalisé La dernière séance (entré au panthéon des films cultes) et le visage parce qu’il jouait le psy du personnage de Lorraine Bracco dans Les Soprano.

Mais Peter Bogdanovich, c’était bien plus, ce que tout le monde tend à oublier. On résume trop facilement sa carrière à plusieurs choses : ses débuts avec Roger Corman, le succès fulgurant avec La dernière séance en 1971 et dès 1974 avec Daisy Miller un premier échec, celui d’une longue série. En 1980 c’est le drame avec l’assassinat de Dorothy Stratten et on ne parle plus que du cinéaste pour des mauvaises raisons. Il convient de jeter un œil nouveau sur sa carrière car ses échecs ne sont que commerciaux : artistiquement, sa filmographie est cohérente, traversée évidemment par quelques faiblesses mais profondément marquée par un goût du cinéma classique (dès son premier film, il fait dire au personnage de réalisateur qu’il interprète que tout a déjà été fait et qu’on ne pourra pas faire mieux) et un sens de la nostalgie imprimant la plupart de ses récits. Influencé par John Ford (à qui il consacre un documentaire en 1971) ou Howard Hawks, Bogdanovich fait partie de ces cinéastes qui ne se sont jamais sentis à leur place (à l’instar de Michael Cimino). Il démarre sa carrière dans la mouvance du Nouvel Hollywood mais ne se sent pas proche de ses confrères rejetant le classicisme et bousculant l’ordre établi.

A part, nostalgique d’une époque qu’il ne connaît que par les témoignages qu’il a recueillis dans son travail de critique, Bogdanovich occupe une drôle de place dans l’histoire du cinéma, une place qu’il convient néanmoins de mettre en lumière, une place inspirée par le Hollywood classique : La cible (son film le plus moderne finalement), La dernière séance, On s’fait la valise, docteur ?, La barbe à papa (son chef-d’œuvre), Daisy Miller (en vidéo cette année chez Carlotta), Enfin l’amour, Nickelodeon, Saint Jack, Et tout le monde riait, Mask, Texasville, Bruits de coulisse et Broadway Therapy figurent parmi ses réussites ce qui est au final bien plus que ce que l’on a bien voulu dire. Il convient donc de lui rendre hommage comme il se doit et de réellement prendre le temps de se pencher sur une filmographie se résumant à bien plus qu’un film, une carrière animée par une passion qu’il aura toujours su transmettre et qui confirme tout le talent d’un cinéaste qui n’a certainement pas eu la carrière qu’il méritait.

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