Mes Frères et moi : Rencontre avec les acteurs du film

Présenté en sélection officielle 2021 « Un certain regard » au Festival de Cannes, Mes Frères et moi est le premier film du réalisateur Yohan Manca, retraçant l’histoire de 4 frères au quotidien compliqué. Entre trafic illicite et surveillance continue de leur mère gravement malade, c’est un peu la loi de la jungle qui dicte la vie de ces jeunes de quartier. Une ode lyrique offerte à la vie en cité, narrée avec beaucoup de justesse et de sérieux. Une occasion pour nous de rencontrer Maël Rouin Berrandou, Dali Benssalah, Sofian Khammes et Moncef Farfar, les membres de cette fratrie aux 400 coups qui débouche sur la découverte de la passion du petit dernier, l’opéra.

Dans le film, ce qui sauve le personnage principal, c’est l’Opéra, la musique, et par extension l’art. De votre côté, est-ce que vous pensez, comme le film, que l’art peut sauver des gens et les sortir de leur quotidien ? Si oui, quel est l’art qui vous sauverait d’une situation similaire voire pire ?

Maël Rouin Berrandou : Un jour, Yohan s’est fait punir par son prof de français qui lui a demandé d’apprendre une pièce de théâtre. Il l’a apprise et jouée. C’est comme cela que Yohan s’est intéressé au théâtre. Et c’est pour cela que le film Mes frères et moi est inspiré d’une pièce de théâtre écrite par Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Pour ma part, cela fait deux ans que je suis dans une classe spécialisée de théâtre. Le matin j’ai cours et l’après-midi, pratique de plateau. Donc pour moi, l’art qui me sauverait serait plutôt le théâtre. 

Dali Benssalah : Formation de chômeur quoi (rires).

Sofian Khammes : Le théâtre est un art de la parole qui peut nous aider à nous sortir de beaucoup de situations. 

DB : Mais qu’est-ce que l’art ? Pour ma part, ce sont les arts martiaux qui m’ont sorti de pas mal de galères. Maintenant le théâtre et le cinéma donnent un nouveau cap. 

Moncef Farfar : Pour ma part ce serait le sport également car étant petit j’étais une vraie pile. J’avais trop d’énergie. Après ce serait la musique car avec elle tu peux raconter ce que tu veux. Et le théâtre bien sûr. C’est vraiment le summum, c’est magnifique.

Dali pour toi ce sont les arts martiaux, c’est pour cela que l’on te retrouve dans le dernier James Bond, Mourir peut attendre

DB : C’est pour ça que tout le monde se tient à carreau depuis ce matin dans les interviews et que personne n’a le droit de dire ce qu’il veut (rires).

Dali Benssalah

Aucune mention géographique n’est faite dans le film, est-ce pour laisser au spectateur la liberté de choisir où peut se dérouler l’action ? 

SK : C’est une volonté du réalisateur effectivement. Il voulait filmer une cité proche de la mer dans le sud mais il ne voulait pas qu’on l’identifie trop. Il ne voulait pas non plus que l’on identifie l’époque. C’est pour cela qu’il n’y a aucun téléphone portable ni autre élément qui permette de dater l’histoire. 

MRB : C’est un film intemporel.

DB : Le film a été tourné à Sète si vous voulez tout savoir.

MF : Le côté intemporel est fait pour pouvoir regarder le film dans cinq ou dix ans, voire plus, sans qu’il ne vieillisse.

DB : Et en même temps, c’est là le piège du monde actuel. Avec les réseaux sociaux, internet, snapchat etc… ça peut aller très vite. Ce sont des outils pour nous maintenant, mais dans un film, pour placer un univers et un décor, c’est un gros problème. Les informations circulent beaucoup plus vite. On avait presque envie de faire un film en se disant que les téléphones n’existaient pas. Sinon c’est trop facile, on appelle pour prévenir de quelque chose ou d’un danger, on envoie un snap parce que tout le monde le ferait aujourd’hui. Donc c’est aussi une volonté de revenir en arrière, à peu près dans les années 90. Ne serait-ce que pour dire que l’on n’est pas ultra connecté mais plus dans le présent qui nous entoure que dans le concret d’écrans interposés. 

C’est vrai qu’il n’y a quasiment pas de technologie…

MF : Il n’y a que l’ordinateur du petit avec lequel il regarde les vidéos de Pavarotti.

MRB : Même au niveau des habits, il n’y a aucune marque, ce ne sont que des styles vestimentaires à l’ancienne, débardeurs, joggings etc… 

DB : Alors si, il y a un t-shirt de la marque BLS Hafnia. Ce sont des Albanais du Danemark. Dans le film je porte un t-shirt gris avec l’inscription en rouge marquée dessus. Ce sont des amis et je tenais à mettre un t-shirt albanais du Danemark.

Tu es albanais ?

DB : Pas du tout 

MRB : C’est un Algérien (rires) !

Est-ce que vous êtes tout de même autorisés à nous dire les lieux de tournage dans lesquels vous avez tourné le film ? 

MRB : La cité de l’île de Thau, là où a été tourné La graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche. Ainsi que l’opéra de Montpellier. 

DB : La scène de l’hôpital s’est tourné à Agde

MF : Et on a tourné à Frontignan également.

Moncef Farfar

Moncef tu as un peu le rôle ingrat du film. Tu fais le travail le plus dangereux, tu es le plus impulsif, et tu dois jouer une énorme colère en toi, qui compose avec ton émotivité et ta sensibilité. Si je ne me trompe pas c’est ton premier rôle au cinéma ?

MF : Oui c’est exact.

Comment as-tu réussi à gérer cet état d’esprit là ? D’être continuellement en compétition avec tes frères et en conflit avec tout le monde ?

MF : Déjà je pense qu’en chaque personne il y a un côté un petit peu fou, qui ne se laisse pas faire. Et surtout c’était mon premier casting. Franchement, je n’étais pas relax. J’étais vraiment énormément stressé parce que je voulais absolument avoir le rôle. Quand j’ai vu la vidéo de Yohan qui expliquait les caractéristiques du personnage, je trouvais que je pouvais vraiment l’incarner. Comme s’il fallait que j’ai le rôle à 100 %. Le jour du casting, je suis venu avec mon pote pour moins stresser. Et pour dire la vérité, le jour du casting, je ne l’aurai pas eu s’il n’y avait pas eu Sofian (Khammes) pour me mettre une petite gifle. C’était dans le rôle mais ça m’a réveillé. Au final, ça n’a pas été si difficile, c’était surtout le stress de savoir si j’allais être pris ou non. Vu que j’ai dit à ma mère que j’avais fait un casting, il fallait que je lui annonce que j’avais été pris. C’est juste ça qui était difficile.

Dali tu reviens d’un gros tournage dans le dernier James Bond, Mourir Peut Attendre, qui ne s’est pas tourné à Hollywood contrairement à ce que je pensais. Si je ne me trompe pas ça a été tourné avant Mes frères et moi ?

DB : C’était en 2019 et effectivement ce n’était pas à Hollywood mais à Pinewood, à Londres. L’équivalent anglais de Hollywood. D’ailleurs ils ont construit le nouveau Pinewood de l’autre côté de la route et n’a rien à envier à Hollywood tellement c’est énorme. Ils l’ont justement fait pour attirer les grosses productions et je crois notamment que The Mandalorian a été tourné là-bas. Et en ce moment même, c’est très confidentiel donc je ne vais pas le dire, mais ils y tournent une suite à une franchise avec un mec qui a un lasso (rires). Ils devaient le faire aux États-Unis, et finalement ils le font en Angleterre. Voilà, j’ai pas dit ce que c’était.

SK : Ça commence par « Indi… »

DB : …et ça finit en “nes” (rires).

Sofian Khammes

Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience dans le dernier James Bond qui t’aurait servi justement pour aborder ce tournage là et ce rôle-là ?

DB : En soi, je remets toujours les compteurs à zéro entre chaque projet. Nous sommes chargés de l’expérience passée bien sûr, mais il faut mettre les compteurs à zéro, surtout si on part sur une énorme production comme James Bond. Il faut vite faire page blanche, sinon on rentre dans une comparaison qui n’a pas lieu d’être entre un film d’auteur et un film d’une franchise internationale. Ce que cela apporte, je dirais que c’est la rigueur théâtrale même si je l’avais déjà. Sur James Bond, il est une rigueur qu’il faut absolument tenir parce que si on dit qu’il n’y a que deux prises sur toi, ce sera deux, même si la perche rentre dans le champ dès la première prise, ça fait toujours deux, il n’en reste qu’une. Tant pis pour la première. Mais pour Mes frères et moi, Yohan tournait à la pellicule donc nous n’avons pas été plus stressés que ça. On a fait des répétitions en amont et il y avait de la part du réalisateur une volonté d’être suffisamment rodé pour faire le tournage de la manière la plus dynamique possible sans épuiser la pellicule. On a eu suffisamment de prise à chaque fois.

SK : Sauf pour moi, j’étais toujours en fin de bobine (rires).

DB : C’est pas faux

Sofian, je voulais revenir sur le fait que tu as eu une année explosive au cinéma. D’abord dans Un Triomphe avec Kad Merad ensuite dans La Nuée, et dorénavant dans Mes frères et moi. Ce sont tout de même trois rôles drastiquement différents à chaque fois, je me demandais comment tu décrirais ton évolution d’acteur après ce récent rôle ?

SK : Disons que contrairement à Maël, je fais beaucoup de rôle différents, je ne fais jamais la même chose. Je plaisante, je plaisante (rires). C’est une bombe atomique ce mec il faut vraiment que j’arrête de faire des blagues (rires). Alors comment je vois mon évolution. Mon moteur, c’est le désir et la curiosité. À chaque fois que je lis un scénario ou que l’on me parle d’un projet, c’est l’histoire qui compte et savoir si cela me plaît. J’aime bien m’engager dans une histoire et dans le personnage. J’aime bien m’approcher du personnage et lui laisser faire sa part de chemin. Je ne réfléchis pas à s’il est différent de ce que j’ai déjà fait. Forcément, c’est dans un coin de ma tête puisque c’est un plaisir d’acteur de vouloir jouer des choses différentes. 

DB : C’est aussi parce que tu viens du théâtre à la base que l’on retrouve ce répertoire théâtral si vaste et varié dans tes rôles.

SK : Tout à fait, on est obligé de se mettre au service d’un texte et d’une pensée.

Maël Rouin Berrandou

Maël, il s’agit de ton premier “premier rôle” au cinéma. Comment as-tu abordé dans un premier temps le fait d’avoir ce rôle-là précisément ? Un rôle rempli de beaucoup d’empathie et de sensibilité. Et dans un second temps, comment tu as abordé le rôle de vedette du film ?

MRB : C’est mon premier grand rôle au cinéma mais j’avais déjà eu quelques rôles avant. J’avais fait un téléfilm pour Arte qui s’appelle « La fin de l’Été » où j’avais raté un mois d’école parce qu’on avait tourné en août/septembre. Ça a été un vrai plaisir lorsque Yoan m’a appris que j’étais choisi pour le premier rôle. On m’a également demandé si je voulais être doublé car dans le film je chante et je n’avais jamais fait d’opéra jusqu’alors. J’avais aussi cette petite peur, mais je me suis dit ”je vais tout faire jusqu’à la fin”. Donc j’ai commencé à prendre des cours de chant avec une professeure de Radio France qui m’a appris la posture, la respiration et plein d’autres choses. Et pour aborder le rôle, j’ai été très bien entouré. Les autres frères dans le film ont été de vrais grands frères pour moi. C’était vraiment une expérience exceptionnelle.

Pour finir, aurais-tu quelques petites anecdotes de tournage

MRB : Comme petite anecdote il y a forcément la claque de Sofian sur Moncef pour qu’il se réveille. Au début, il n’était pas réveillé et il lui a mis une tarte. Là on a vu dans ses yeux la rage et la colère (rires). Sinon une autre anecdote de tournage sur le plateau, à chaque fois qu’on commençait une nouvelle scène joyeuse, on mettait la musique de Jul – Bande Organisée et on se mettait à danser et chanter « Zumba caféw » (rires).

Et pourquoi Pavarotti?

MRB : Déjà, Yohan est italien et même s’il y a beaucoup de chanteurs d’opéra italiens, Judith faisant du chant, elle a donc dû le lui conseiller. Ensuite, ils m’ont montré des vidéos de Pavarotti pour voir si cela me parlait. Au début non. Mais quand j’ai commencé à prendre des cours, j’ai appris que Pavarotti était quelqu’un qui aimait beaucoup la musique mais la lisait très mal. Il mettait des flèches vers le haut ou vers le bas pour savoir comment chanter. Donc je ne saurai pas répondre exactement pourquoi Pavarotti, mais cela reste une très belle inspiration.

Propos recueillis à Paris le jeudi 16 décembre 2021 dans les bureaux d’Ad Vitam.
Remerciements à Ad Vitam Distribution, Marion Seguis et Jérôme Barcessat de l’agence Déjà le Web pour nous avoir permis de conduire cet entretien.
Un grand merci à Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncef Farfar et Maël Rouin Berrandou pour s’être prêtés au jeu de cet entretien.

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