En Attendant Bojangles : Tourbillon Familial

En Attendant Bojangles est au départ un roman. Un premier roman à succès signé Olivier Bourdeaut qui, après avoir essuyé refus sur refus par les maisons d’édition pour un essai noir, s’expatrie dans la maison de ses parents en Espagne pour écrire un récit plus léger. Ce qui devient En Attendant Bojangles en 2015 acquis par les éditions Finitude quelques jours après la réception du manuscrit. Tiré à 10 000 exemplaires pour sa sortie en janvier 2016, il s’en écoule 225 000 en mai pour devenir un véritable phénomène de librairie, plébiscité par les critiques littéraires influentes. Le roman devient ensuite une bande dessinée puis une pièce de théâtre mise en scène par Victoire Berger-Perrin au Théâtre de la Pépinière.
Visible en salles le 5 janvier 2022, En Attendant Bojangles est adapté en long-métrage par le réalisateur de Populaire ! qui retrouve neuf ans après Romain Duris dans le rôle principal accompagné par Virginie Efira dans le rôle important de la mère.

En Attendant Bojangles tisse un lien instantané avec Populaire ! par une approche kitsch des années 1960 en ouverture du film sur la Riviera. Extravagance de personnages hauts en couleur sortis tout droit d’un film cliché hollywoodien, l’introduction déconcerte pour un spectateur ignorant du roman. Le film est-il une bonne adaptation  ? Nous ne nous risquerons point à y répondre. Mais le long-métrage déconcerte par cette image d’Épinal d’un Sud de la France coloré et tiré à quatre épingles au cœur d’une fête rameutant la jet set locale et les notables. L’instant marque la rencontre lumineuse de notre couple, phare éclairant une histoire cachant bien ses maux.
En Attendant Bojangles est un récit nous transportant au cœur d’une liberté que s’offre ce couple en n’ouvrant pas le courrier et vivant aux crochets du Sénateur L’Ordure faisant passer des textes de loi pour satisfaire les affaires de Georges (Romain Duris) possédant un garage. La famille vit un petit bonheur au cœur de cet appartement cossu faisant la fête chaque soir sous le regard de leur fils, Gary, brillamment incarné par Solan Machado-Graner. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Jusqu’au jour où la mère va trop loin, contraignant Georges et leur fils Gary à tout faire pour éviter l’inéluctable coûte que coûte.

Dans le premier tiers d’En Attendant Bojangles, référence à la chanson préférée de Camille (Virginie Efira), on se trouve déconcerté par les événements s’enchaînant avec libertés totalement vierge du livre et même de la pièce de théâtre. Où veut bien nous emmener ce film ? Dès que la réponse est donnée, tout devient limpide par les moult indices disséminés au fil du récit et l’extravagance, voire la perte de contrôle, de Camille qui s’échappe au cœur d’une liberté bienfaisante pour son esprit vagabond. Son fils est retiré de l’école suite aux remarques de son institutrice sur son comportement et ses retards. Alors, il est décidé de lui faire école à la maison. L’enfant n’a pas un chien ou même un chat en animal de compagnie, mais une Grue Demoiselle de Numidie nommée Mademoiselle Superfétatoire. Une vie de hippie bourgeois, Georges est descendant d’une famille aisée couvrant également les frais.
Jusqu’ici tout va bien concernant un récit solide qui manège bien ses révélations avant une deuxième partie déboussolante. Régis Roinsard réussit parfaitement ses transitions orchestrant savamment un récit joyeusement triste et bouleversant dans son dernier tiers. Rien ne nous prépare à cette tragédie et la dureté du retour à la réalité, la fête et les paillettes pour cacher la vérité.
Un couple lumineux, phare d’un horizon qui se dessine dans la nuit dévoilant un personnage qui perd au gré des minutes tout le fard maquillant l’évidence des premières minutes. Les personnages se retrouvent en Espagne, là où tout s’est écrit en 2015 par Olivier Bourdeaut, sous la protection de L’Ordure (parfait Grégory Gadebois), pour rester une famille, la constituer et la préserver. 

En Attendant Bojangles est une histoire s’éteignant au fil de son déroulé jusqu’à un dernier morceau de tango, séquence magnifique et graphique où le couple dans un dernier élan d’amour et de grâce s’imprègne dans la tête de Gary, la dernière lueur de la beauté de sa mère, Virginie Efira, sensuelle et gracieuse en dépit d’être partout actuellement dans le cinéma français. L’actrice qui compte, convoité par tous pour être portée en haut de l’affiche, elle qui ne la quitte plus depuis maintenant une dizaine d’années. Elle est belle et talentueuse, actrice polyvalente et rigoureuse, valeur sûre du cinéma français, une star dans la lignée des plus grandes. Elle est ancrée et indéboulonnable devenant une icône future du cinéma français dans la lignée des Arletty, Annie Girardot ou Catherine Deneuve. En Attendant Bojangles lui permet d’explorer ses diverses phases montrant de nouveau son talent après Benedetta de Paul Verhoeven. Elle traverse le film sans sourciller révélant la face cachée d’un personnage complexe bien soutenu par Romain Duris que l’on retrouve enfin après Eiffel, à l’aise en compagnie de Régis Roinsard qui se délivre habilement d’une tâche ardue. À savoir adapter un roman populaire attendu sur grand écran, chose réalisée avec réussite nous intimant l’envie aujourd’hui de lire En Attendant Bojangles, base d’une succession artistique folle mêlant dorénavant différents courant sous son joug.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*