A Perfect Enemy : An imperfect adaptation

Production hispano-franco-allemande, A Perfect Enemy est l’adaptation assez libre du roman Cosmétique de l’ennemi d’Amélie Nothomb sorti en 2001. C’est le réalisateur espagnol Kike Maillo qui s’en charge et il fait appel à une équipe technique et un casting aux origines ethniques très variées. Si l’équipe technique semble majoritairement espagnole, les acteurs principaux viennent d’horizons plus variés. Tomasz Kot (Jeremiasz Angust) est polonais, Athena Strates (Texel Textor) sud africaine et l’actrice qui joue Texel Textor jeune, quant à elle, est allemande. L’intrigue se déroulant en France, cela explique donc la présence de l’acteur Dominique Pinon. Seule Marta Nieto (Isabelle) est espagnole au sein du casting. Cette nouvelle adaptation d’un roman d’Amélie Nothomb au cinéma semble déjà nous proposer un visuel marqué et intéressant par son affiche.

Jeremiasz Angust, architecte de renom, donne une conférence sur Paris. Après celle-ci, il part directement à l’aéroport pour attraper son vol en direction de Varsovie. Dans le taxi sur le chemin, il fait la rencontre de Texel Textor. Une jeune femme à priori extravertie qui doit également prendre un avion en direction de Varsovie, sa ville natale. Malheureusement, cette rencontre leur fait tous deux rater leur avion. Durant l’attente, alors que Jeremiasz espérait pouvoir travailler tranquillement, c’est sans compter sur Texel Textor, bien décidée à le déranger jusqu’au départ du vol. Avec une idée bien en tête, leur rencontre n’était peut-être pas si fortuite que ça.

A Perfect Enemy est un thriller au style épuré et à la mise en scène sobre. Quelques idées graphiques intéressantes mais mal exploitées ponctuent cette production. L’idée des taches de sang sur la maquette qui suivent le personnage principal est assez classique mais efficace. Malheureusement ce n’est que vulgairement utilisé dans la narration. Il en va de même pour le changement de temporalité lorsqu’il voyage au travers de son subconscient. L’idée est assez simple, on vient de vous la résumer, mais son utilisation et son efficacité laissent à désirer. Le problème est que l’on n’y croit jamais vraiment. On sent qu’il y a un mystère sous-jacent important qui conduit la narration, mais la mise en scène finale est trop simpliste et décomposée. L’enchaînement des lieux dans lesquels les protagonistes évoluent est assez évident et la composition des plans n’a rien de transcendant. On pourrait presque lire le début de la scène avant chaque plan : Intérieur – Jour – Toilettes. Cela relève d’un amateurisme scolaire sans véritable ambition visuelle.

La faute à un scénario prévisible et peu convaincant. L’histoire passée de cet homme d’affaire n’est pas crédible. Il y a trop d’éléments qui ne collent pas entre eux pour vraiment nous emporter. Son combat introspectif surgit alors comme une tentative d’écrire un thriller psychologique sans savoir ce que l’on souhaite raconter au fond. Sur ce point, les différences avec le roman d’origine en sont certainement la cause. Dans le roman d’Amélie Nothomb, Jeremiasz rencontre un homme, laissant supposer qu’il rencontre son double psychique. Ici, il s’agit d’une femme. Au premier abord cela ouvre plus de possibilités et permet d’orienter l’histoire vers un thriller beaucoup plus social que psychologique. Mais puisque le réalisateur ne semble pas vraiment vouloir modifier le thème sous-jacent, il n’en résulte qu’une proposition peu probante et encore plus prévisible. Les enjeux de l’histoire se voient venir à des kilomètres et il n’y a aucun suspens. Quand on finit par passer plus de temps à supposer et prévoir ce qu’il va se passer, qu’à apprécier le film, il y a un gros problème narratif.

L’ennui ne vient cependant pas que du scénario. Les acteurs ne croient pas du tout en leur jeu. Seule Athena Strates semble prendre un certain plaisir à jouer les sociopathes. Elle est la seule dont l’extravagance donne un peu de dynamisme à l’histoire. Son rôle s’y prête car elle doit jouer deux personnalités un peu différentes, lui permettant d’avoir plus de matière. Cela n’empêche pas les autres protagonistes de tirer la même tronche pendant tout le récit et de n’éprouver aucune émotion. Les deux autres personnages sont juste froids et antipathiques, ce qui n’est pas une caractéristique, à proprement parler, d’un personnage. Les acteurs composent avec ce qu’ils ont mais leur jeu n’en demeure pas moins pauvre. Ils ne dégagent aucune émotion dans des dialogues déjà assez simplistes. Et c’est sans compter sur leurs actions qui veulent dire tout et son contraire. Leurs actes n’ont aucun sens en virevoltant constamment d’une mentalité à l’autre. Il ne suffit pas de citer Saint-Exupéry pour faire croire que l’on sait écrire un scénario.

L’un des gros problèmes du scénario ne vient pourtant même pas de l’auteure elle-même mais de la scénarisation de l’adaptation. La plupart des changements principaux des éléments de l’intrigue enterrent peu à peu l’histoire principale. Le réalisateur a voulu recentrer la psychologie de son personnage principal vers une problématique moins universelle que celle de ses simples démons intérieurs. Malheureusement l’opération est un échec puisqu’il passe par la création fictive d’un ex-futur personnage, anéantissant la résolution du combat intérieur du personnage principal. Celui-ci ne se bat donc plus avec lui-même mais avec une invention de son esprit. C’est beaucoup trop perché pour impacter qui que ce soit véritablement. La source du problème est là, l’écriture du roman a été prévue avec des personnages précis et un message sous-jacent précis. Tout au long de l’histoire subsiste cette sensation de manque, d’imperfection, d’oubli. Comme si l’histoire n’était pas complète dans sa construction et ses enjeux. Lorsqu’on sait que de telles modifications ont été opérées on comprend mieux notre mal être devant le film. Les modifications majeures au sein de l’histoire et les conséquences ou les causes de ces changements ne fonctionnent pas pour la plupart. Quelque chose ne s’incorpore pas correctement dans la psyché du personnage principal et donc du long métrage. L’histoire devient bancale, incomplète, bien qu’on sente la sociopathie du personnage, A Perfect Enemy se noie dans une construction factice de l’écriture des personnages.

En voulant ajouter une dimension féministe à l’histoire, le réalisateur semble détourner le propos initial de l’oeuvre d’Amélie Nothomb sans même le vouloir. Le fait d’opposer au héros une femme ne rend pas le combat plus actuel. Même si le personnage de Texel Textor (outre son nom) est encore celui qui semble être le mieux écrit, elle n’en demeure pas moins étrangère à la narration. L’histoire n’est peut être pas correctement adaptable pour le média cinématographique, sans parler qu’on perd une partie de la poésie du titre. Tous les retournements de situations et éléments perturbateurs sonnent faux. Même si cela rend l’histoire plus complexe qu’elle ne cherche à l’être, on ne croit plus un seul instant à la véracité des enjeux de l’histoire. On a parfois plus affaire à un scénario de téléfilm du dimanche après-midi qu’un sérieux thriller cinématographique. C’est dommage de passer à ce point à côté d’une histoire qui avait de belles promesses à l’origine.

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