Christmas Evil : Vous mourrez de ne pas croire en lui

Dernière sortie dans la série des Midnight Collection chez Carlotta, Christmas Evil arrive à point nommé pour les fêtes de Noël. Affublé d’une toute nouvelle restauration 4K, le troisième (et dernier) long-métrage de Lewis Jackson fait peau neuve afin de venir contrer les éternelles stars de vos soirées de Noël. Exit donc les Gremlins et autres Maman, J’ai Raté l’Avion, cette année chez Carlotta, le réveillon de Noël sera sanglant si vous n’avez pas été sage. Qualifié de « meilleur film de Noël » par le réalisateur John Waters (et si vous êtes accoutumés de son cinéma, vous savez déjà que Christmas Evil sera un film atypique), il ne nous en fallait pas plus pour nous jeter à corps perdu sur la galette.

Enfant, Harry surprend sa mère en plein ébat avec le père-noël. Cette vision le hantera toute sa vie, refusant obstinément que ce dernier n’existe pas. Trente ans plus tard, Harry travaille dans une usine de jouets et son existence entière tourne autour du père-noël. Il souhaite incarner l’innocence que représente à ses yeux cette figure, mais l’époque a changé et le cynisme règne en maître. Harry épie les enfants de son quartier et note scrupuleusement quel enfant a été sage et lequel ne l’a pas été. Le soir de Noël, il va endosser son costume et distribuer lui-même les cadeaux…ou les châtiments…

Reprenant le mythe de Saint-Nicolas par les origines de sa légende nordique (à savoir qu’un croquemitaine peut venir dévorer ceux qui n’ont pas été sages), Christmas Evil va étriquer sa figure du bonhomme barbu par le prisme de la maladie mentale. En effet, Harry est resté un grand enfant. D’un naturel introverti, ne se sentant pas à sa place dans le monde des adultes, il ne vit que pour la magie de Noël et les récompenses dues aux personnes qui le méritent. Lorsqu’il surprend sa mère en train de s’acoquiner avec son père, déguisé en père-noël, quelque chose se brise en lui. Dès l’ouverture du film, Lewis Jackson nous plonge au plus près de son personnage et sans donner de véritable clé pour la compréhension de son héros. Nous serons désarçonnés par les actes commis par ce dernier. On ne sait pas vraiment s’il est d’une extrême bonté ou s’il cache quelque chose de pervers au fond de lui. Sa manière d’épier les enfants est malsaine. Harry agit comme un prédateur sexuel, il répertorie les noms des enfants sages et des enfants pas sages dans des livres qu’il garde bien rangé dans sa bibliothèque. Harry parle peu. Il chantonne des chants de Noël en permanence, tantôt enjoué, tantôt menaçant. On le sent très instable psychologiquement. Seulement, jamais Lewis Jackson ne se montrera clair avec lui, il faudra composer avec ce qu’il veut bien nous laisser entrevoir. De plus, le jeu de Brandon Maggart abonde dans le sens de la note d’intention de Jackson. Il campe parfaitement son personnage au point de donner l’illusion lui-même de ne pas savoir s’il est fou ou parfaitement lucide. En ce sens, le film est extrêmement bien travaillé puisqu’il nous oblige à chercher une réponse. Il ne nous prend pas par la main et c’est une chose plutôt agréable et surprenante pour un projet de la sorte.

On ne peut pas ne pas nier l’aspect fauché du film. En effet, le montage laisse quelque peu à désirer par moment. On se perd parfois dans l’espace, les coupes sont mal gérées. D’aucuns diront que le montage est à rapprocher avec le basculement vers la folie de son héros. Possiblement. D’autant que Christmas Evil offre des séquences merveilleusement orchestrées dans lesquelles Lewis Jackson déploie l’artillerie lourde entre pano-travellings renversants et rapprochement des corps à donner la nausée. La caméra virevolte dans tous les sens et nous emporte dans l’ivresse du moment. La douloureuse descente aux enfers de Harry se fait non sans un certain panache. Bien que le film soit légèrement avare en séquences horrifiques, on ne boude absolument pas l’errance meurtrière qui prend possession de lui. Le film marque les rétines profondément lors d’une sortie de messe de Noël extrêmement sauvage où les moyens utilisés pour tuer les victimes sont d’une redoutable ingéniosité. Sorti en 1980, Christmas Evil a du se battre avec une sérieuse concurrence puisqu’il devait rivaliser avec des films comme Fade to Black, The Boogyman ou encore Vendredi 13, véritable égérie du slasher cette année-là. De fait, le parti pris de Lewis Jackson demeure radicalement personnel. Certes, Christmas Evil sera assimilé au genre du slasher movie, mais il est en réalité un sacré pamphlet de la société de consommation. Le film tient nettement plus du film d’horreur psychologique que du véritable slasher. En choisissant de nous immerger aux côtés de l’antagoniste durant tout le film, Lewis Jackson entend bousculer le confort du spectateur. On ne saura jamais vraiment quoi penser des actes de Harry puisque nous seront sans cesse tiraillés entre l’envie de le consoler du traumatisme de son enfance et l’envie de le voir payer pour ses crimes. D’autant que son univers n’est fait que de personnes antipathiques au possible. Tout est créé pour que nous désirions la mort des adultes qui croisent sa route. En cela, Christmas Evil devient plus que troublant et ne nous ménagera jamais, pas même jusque dans son final purement fantasmagorique où l’on ne saura pas s’il s’agit d’une énième divagation d’esprit de Harry ou une vraie incursion du fantastique dans le récit. Le mystère reste entier pour un film bien plus malin qu’il n’en a l’air.

En dépit de défauts techniques qui l’empêchent d’aller côtoyer les astres des meilleurs films du genre, Christmas Evil est une série B ayant les coudées franches. La restauration 4K proposée par Carlotta lui rend justice. Elle sauvegarde un certain grain bienvenu et un son en DTS-Master Audio 1.0 qui ramène indubitablement vers nos époques VHS. Pour sûr qu’il mérite amplement sa place au sein de la Midnight Collection. Les nostalgiques des vidéos-clubs qui adoraient se louer ce genre de séries B poussiéreuses seront aux anges.

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