Django : Et Sergio Corbucci entre dans la légende…

Si le commun des mortels retient le nom du grand Sergio Leone lorsqu’il s’agit d’évoquer le western spaghetti, c’est réduire un genre prolifique au strict minimum. Pourtant, Leone a fait des émules et bon nombres de westerns sont devenus cultes depuis. De Sergio Sollima à Lucio Fulci, en passant par Tonino Valerii ou Damiano Damiani, il y a eu pléthore de réalisateurs qui ont laissé une marque indélébile dans le genre. Parmi les plus grands, Sergio Corbucci demeure nettement le plus intéressant après Sergio Leone. Grand ami de Leone, il a mis du temps à sortir de son ombre. En 1964, quand Sergio Leone connaît le succès avec Pour Une Poignée de Dollars, Corbucci ne rencontre pas son public en sortant Le Justicier du Minnesota. Il lui faudra attendre deux ans pour accéder à la gloire et entrer dans sa période la plus prolifique. Outre un western devenu culte, Django, Corbucci prouvait qu’il y avait de la place dans le milieu et des choses à creuser dans l’ombre immense du grand Leone.

Près de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, un homme solitaire, Django, traînant un cercueil, trouve des bandits mexicains en train de torturer une prostituée, Maria. Les brigands sont chassés par les hommes de main du major Jackson, un ex-officier confédéré suprémaciste. Comme ces derniers se préparent à leur tour à tuer Maria, Django les abat avec facilité. Offrant à Maria sa protection, il l’emmène dans le saloon d’un village abandonné. Sur place, le tenancier, Nathaniel, leur explique que l’endroit est un terrain neutre dans le conflit qui oppose les Chemises Rouges du major Jackson aux révolutionnaires du général mexicain Rodriguez. Nathaniel ne veut pas que son saloon devienne un lieu d’affrontement. Pourtant, Django entend bien en découdre avec le major Jackson. Comment ? Pourquoi ? Dans quel but ? Que peut bien renfermer ce mystérieux cercueil qu’il traîne partout à bout de bras ?

Succès instantané lors de sa sortie, Django s’est longtemps traîné la réputation de western le plus violent jamais tourné. Interdit de diffusion dans certains pays, dont le Royaume-Uni qui le censurera jusqu’en 1993, il connaît les affres de la censure. Pourtant, le film popularisera son réalisateur. Sergio Corbucci va rentrer dans l’âge d’or de sa filmographie et il enchaînera moult succès durant quatre ans. Navajo Joe, Le Grand Silence, El Mercenario, Le Spécialiste et Compañeros sont de grands films que nous vous invitons à (re)découvrir de toute urgence ! Django, par la stature d’icône qui sera matérialisée par l’imposante aura de Franco Nero, va devenir un personnage populaire extrêmement en vogue pour les futurs westerns italiens. On dénote pas moins d’une trentaine de titres évoquant le nom de Django. Seulement, ces suites ne seront jamais officielles et ne serviront qu’à capitaliser sur le succès du nom du personnage. Franco Nero reprendra son rôle dans la seule et unique suite officielle sortie en 1987, Django 2, Il Grande Retorno, écrit par Sergio Corbucci et réalisé par Nello Rossati (assisté par Ruggero Deodato, le papa de Cannibal Holocaust). La posture mythique du personnage ira même jusque dans le cinéma de Quentin Tarantino qui, en 2012, l’exhumait pour un western aussi violent que pulp et dans lequel il s’amusera à s’y faire côtoyer Jamie « Django 2012 » Foxx et Franco « Django 1966 » Nero le temps d’une scène de dialogue à rendre fou de bonheur tous les aficionados de l’œuvre de Corbucci. De plus, Django sera la matrice d’énormément d’autres films qui lui emprunteront plusieurs de ses codes, dont notamment le futur personnage de Trinita campé par Terrence Hill. Imaginé par Enzo Barboni (cadreur sur Django), Trinita était, originellement, conçu pour être un western crépusculaire violent. Il avait proposé le projet à Franco Nero lors du tournage de Django, mais ce dernier déclina. Barboni modifiera son script pour en faire une comédie qu’il proposera au duo Terrence Hill et Bud Spencer, l’un des meilleurs duo de la comédie italienne des années 70-80. Quitte à pousser la comparaison jusqu’au bout, on peut aussi se dire que Robert Rodriguez s’est inspiré de Django pour sa trilogie des mariachis et leurs étuis à guitare qui cachent des armes. Et des exemples de la sorte, on pourrait en trouver des milliers d’autres. A n’en point douter, le cinéma populaire doit beaucoup à Django.

Pourquoi Django est-il un film si aimé et respecté ? Plusieurs éléments permettent de répondre à la question, à commencé par son ambiance et ses décors. Exit les hautes plaines poussiéreuses si chères à Leone. Sergio Corbucci ancre ses personnages dans des décors boueux. On y sent la crasse, la misère et tous les spectres de la Guerre de Sécession. Tous les héros doivent composer avec un passé meurtrier et la nature se charge de leur rendre la pareille. Il suffit de lire toute la rage qui s’imprime sur le visage de Django lorsqu’il sort sa mitrailleuse pour la première fois pour comprendre que la violence n’est plus que le seul moyen d’expression dans l’univers que le film dépeint. D’aucuns diront que Django se targue d’une violence massive et gratuite pour appâter le chaland. Nous ne partageons évidemment pas cet avis. Quand bien même la séquence où le major Jackson se lance dans une séance de tir au pigeon spécifique (les pigeons étant remplacés par des esclaves mexicains) et qui est d’une dureté extrême, elle s’avère nécessaire à la fois pour consolider les envies de vengeance de Django, mais elle participe également à introduire le méchant du film sans passer par de longs discours. Les actes prévalent toujours sur les paroles dans le western spaghetti (souvenez-vous de comment Leone introduit Henry Fonda dans Il Était Une Fois Dans l’Ouest). Sergio Corbucci grossit les traits. Il est, certes, moins subtil que Leone (et n’a pas les mêmes budgets non plus), mais il a le mérite de proposer une alternative au genre qui laissera ses marques dans le cinéma contemporain. Il en va de même dans sa représentation de son héros. Django est un personnage qui regorge de failles. Il n’est ni complètement bon, ni complètement mauvais. Il sert ses intérêts avant tout. Franco Nero est impressionnant de justesse et offre une catharsis exemplaire à Django. Sa quête vengeresse est légitime. Elle se dessine dans les non-dits, mais lorsque survient l’affrontement final, le doute n’est plus permis : il est un héros. Un héros dans tout ce qu’il peut avoir de complexe et de torturé. De plus, la valeur chrétienne qui se dégage du dernier duel au pied de la croix de Tombstone fait directement entrer le film au panthéon des meilleurs westerns de tous les temps. Django se termine dans une apothéose immense, un ultime déchaînement de violence qui clôt parfaitement tout le travail acharné de Sergio Corbucci à vouloir rendre le meilleur film qui soit.

Django est un chef d’œuvre incontestable. L’un des westerns italiens les plus violent jamais réalisés et qui creuse des thématiques extrêmement dures pour mieux nous faire apprécier sa délivrance finale. Le film ressort dans un nouveau master 4K et dans une version intégrale truffée de bonus chez Carlotta. Il n’est à louper sous aucun prétexte. On ne vous dit pas cela parce qu’il a toujours été notre western préféré et ce n’est en aucun cas un manque de discernement de notre part que de vous encourager à vous ruer dessus sans plus tarder. Django est un must-have à posséder d’urgence dans sa collection, parole de pistolero !

2 Rétroliens / Pings

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  2. Le Grand Silence : Duel glacial à l'horizon -

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