Tiger King – Saison 2 : Adieu les fauves

L’année dernière, à la faveur d’un confinement mondial dont vous aurez sûrement entendu parler, une série documentaire sur Netflix avait fait l’objet d’un véritable phénomène, sortant au bon moment alors que les gens n’avaient guère d’autres options que celle de rester chez eux à regarder la télé. Tiger King a créé le buzz, le monde entier connaissant désormais les noms de Joe Exotic ou de Carole Baskin, se régalant de leurs frasques, débattant pour savoir si Carole a tué ou non son premier mari Don Lewis dont plus personne n’a de nouvelles depuis près de vingt ans. Un programme à base de grands félins, de personnages hauts en couleur tous prêts à s’insulter et à se tirer dans les pattes, une belle brochette d’ordures et de rednecks que même les frères Coen n’oseraient pas inventer. Autant dire que pendant le confinement, le spectacle – ahurissant tellement il multipliait les rebondissements véridiques – avait fort diverti malgré ses limites évidentes, la série s’étant laissée dépasser par ses personnages alors qu’elle devait à la base parler de maltraitance animale, une maltraitance animale passée au second plan.

Et cette fois, pour cette nouvelle saison composée de cinq épisodes seulement, les réalisateurs Eric Goode et Rebecca Chaiklin semblent avoir succombé au piège de la série qu’ils ont eux-mêmes fabriqué : puisque parler d’une bande d’abrutis prêts à toutes les crasses du monde avait cartonné, on recommence et on exploite le filon à fond. Manque de bol, Joe Exotic étant en prison et malade d’un cancer et Carole Baskin ayant refusé de participer à cette saison suite au tollé médiatique qu’elle s’est pris sur la tronche après la diffusion de la saison 1 (en même temps, la saison et ses interventions face caméra ne laissait que peu de doute sur sa culpabilité concernant la disparition de son premier mari – même si les preuves manquent), la série doit se tourner vers d’autres personnages.

Or, derrière l’amoncellement de situations rocambolesques de la saison 1 se dessinait en filigrane le portrait complexe de Joe Exotic, un homme horrible, violent, menteur et manipulateur qui apparaissait cependant également comme une personne en proie à un irrépressible besoin d’être aimé presque touchant. Sans lui et sans Carole Baskin (à qui cette saison consacre cependant deux épisodes pour revenir sur la disparition de Don Lewis avec en point d’orgue l’intervention hilarante et ridicule d’un médium dans l’enquête), Tiger King doit donc se rabattre ailleurs. Elle le fait notamment sur Jeff Lowe, escroc toujours aussi bouffi de suffisance, sur Tim Stark, propriétaire d’un zoo plus prompt à insulter le gouvernement qui l’assigne en justice qu’à s’occuper de ses animaux mais également sur tous les personnages qui passent et qui veulent bien parler devant la caméra pour avoir leur quart d’heure de gloire.

C’est là la grande limite de la saison qui fait apparaître l’énorme manque de recul des réalisateurs sur leur projet. En donnant la parole à n’importe quel abruti venu pour apporter son grain de sel dans les intrigues, la série part dans tous les sens et n’offre plus aucun point de vue. On assiste alors à un vrai défilé de crapules avec, entre autres, un avocat plus occupé par son image médiatique que par les cas de ses clients, un podcaster entêté et un procureur dont le passe-temps est de se déguiser en Elvis Presley et d’imiter le King. Preuve que rien ne va plus au royaume des fauves, tout le monde y va de son avis et tout le monde bitche sur les autres comme au lycée sans prendre le temps de se regarder dans un miroir alors que la plupart des protagonistes de la série mériteraient d’être en prison comme Joe Exotic. Sans point de vue, Tiger King sombre dans le sensationnalisme qu’elle côtoyait depuis ses débuts et semble ici rongée par son propre succès, victime de la même maladie que la plupart des propriétaires de zoo mis en scène dans la série : la mégalomanie. En ne se posant plus de questions sur sa propre nature, cette saison se montre certes divertissante mais laisse un arrière-goût amer, s’avérant inutile tant elle est incapable d’apporter la moindre nouveauté à une première saison qui, au final, avait déjà tout dit.

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