Madres Paralelas : Joies et tourments de la maternité

Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent à l’hôpital alors qu’elles sont toutes deux sur le point d’accoucher. Pour Janis, âgée de quarante ans, cette naissance à venir la réjouit. Photographe, célibataire, luttant pour faire exhumer les corps d’une fosse commune de son village natal afin de perpétrer le devoir de mémoire et chasser les spectres du franquisme, elle affiche un caractère affirmé. Pour Ana, beaucoup plus jeune, c’est compliqué, la jeune femme étant très nerveuse à l’idée de cette naissance, elle qui ne connaît pas l’identité du père de l’enfant et qui vit avec sa mère, actrice partie en tournée théâtrale. Leurs accouchements quasi-simultanés vont créer entre les deux femmes un lien très fort tandis que le hasard se chargera de compliquer et de changer leur vie.

Difficile d’en dire plus sur l’intrigue de ce nouveau film de Pedro Almodóvar afin de ne pas en déflorer tous les mystères. Comme toujours avec lui, le cinéaste utilise des ficelles empruntées au mélodrame mais a la capacité de les transcender par d’infinies subtilités, que ce soit dans la construction du scénario (ici une problématique en amène une autre et rien ne se déroule jamais vraiment comme on le pensait) ou par sa direction d’acteurs dont la justesse est toujours aussi époustouflante et ce d’autant plus qu’elle est effectuée sans esbroufe, avec une simplicité étonnante et admirable. Chaque film d’Almodóvar est comme un bonbon : coloré, à la saveur à la fois familière et inattendue. Le drame y est souvent agrémenté d’une touche d’humour, l’émotion s’autorise toujours à aller à son paroxysme et l’on se fait toujours avoir quand on se rend compte que la conclusion proposée par le récit ne ressemble pas du tout à celle que le début du film laissait présager. C’est cette capacité à surprendre en permanence, à garder une tonalité aussi personnelle avec des récits profondément universels qui font d’Almodóvar un grand cinéaste.

On ne pourra alors qu’être cueilli par Madres Paralelas qui regarde à la fois le passé terrible de son pays (le franquisme et les nombreux cadavres laissés derrière lui) et son avenir en se concentrant sur les tourments de deux mères liées par le destin, nourrissant toutes les deux des doutes et des espoirs que le film rend parfaitement palpables. Il faut dire que le talent des deux actrices réunies ici y sont pour beaucoup. On sait très bien que Penélope Cruz n’est jamais aussi belle et aussi talentueuse que lorsqu’elle est dirigée par Almodóvar : la voilà qui trouve encore un rôle à sa hauteur (peut-être bien son plus beau), rayonnante, irradiant l’écran avec un personnage qu’elle embrasse totalement. La jeune Milena Smit (vue un peu plus tôt cette année dans Cross the line) n’a cependant rien à lui envier puisqu’elle trouve un rôle magnifiquement écrit, plein de fragilité et de courage dont elle se sort avec beaucoup de grâce.

Deux femmes, deux rôles merveilleux, confirmant l’inépuisable ressource du cinéaste espagnol dès qu’il s’agit d’écrire des portraits féminins (même si on ne lui retire pas un talent identique pour les personnages masculins, ses femmes brillent généralement avec plus de ferveur), le tout dans un drame interrogeant habilement les notions de transmission et d’héritage, des traces qu’on laisse derrière soi, des blessures du passé à panser pour avancer et affronter la vie coûte que coûte, cette vie qui n’a jamais été aussi merveilleusement célébrée que chez Almodóvar dont on découvre avec toujours autant de bonheur que les années qui passent n’émoussent pas son talent, bien au contraire…

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