House of Gucci : La mafia de la richesse

Alors que sortait sur nos écrans, il y a quelques semaines encore, Le Dernier Duel, Ridley Scott nous invite une nouvelle fois dans les salles obscures pour découvrir House of Gucci. Deux films consécutifs de plus de 2h30, autant dire que le cinéaste semble avoir beaucoup de choses à nous dire. Bien qu’il nous laissait languir après Alien : Covenant et Tout l’argent du monde sortis en 2017, on peut affirmer qu’il s’agit d’un réalisateur prolifique, constamment en quête de nouveaux horizons. Après nous avoir narré le dernier duel judiciaire de l’Histoire, c’est au drame de la maison Gucci qu’il s’attèle. Adam Driver rejoint une seconde fois le réalisateur, ici dans le rôle titre de Maurizio Gucci où il partagera la vedette et la vie avec Lady Gaga (Patrizia Reggiani). Elle qui avait beaucoup impressionné dans le film A Star is born aux côtés de Bradley Cooper, confirme que sa prestation n’était pas une surprise de parcours. On y retrouve également Jared Leto, grimé et méconnaissable comme à son habitude pour le rôle délicieusement insupportable de Paolo Gucci, cousin de Maurizio. Jeremy Irons et Al Pacino quant à eux incarnent respectivement les parents de Maurizio et Paolo pour compléter un empire familial réservé aux revenus à 6 chiffres. On y découvre également Salma Hayek, dans le rôle d’une divinatrice et future amie de Patrizia. Ou encore, cocorico, l’audacieuse Camille Cottin, qui après avoir partagé l’affiche avec Matt Damon dans Stillwater, s’attire les foudres de Patrizia pour une rivalité amoureuse.

Cela ne fait aucun doute, il s’agit d’un casting de luxe pour raconter les grandes étapes de la chute de l’empire de la famille. Tout démarre lorsque Maurizio s’éprend d’amour pour Patrizia, une fille de bien plus basse condition que lui. Sa relation n’est pas approuvée par son père qui n’hésite pas à le renier, purement et simplement. Un sort dont Maurizio s’accommode parfaitement, lui qui sait vivre d’amour et d’eau fraîche dans les bras de sa dulcinée. Le temps passe et fait son œuvre, son père devient mourant et Aldo (Al Pacino), son oncle, décide de rabibocher son frère et son neveu. L’empire luxueux de la maison Gucci s’ouvre enfin de nouveau à Patrizia qui prendra une place de plus en plus importante dans les affaires de la famille suite au décès de Rodolfo Gucci (Jeremy Irons). C’est là que commence la lente chute de la maison Gucci et la déchéance de la famille.

Ridley Scott joue beaucoup avec notre patience ces derniers temps. Si le format et le contexte du Dernier Duel avait de quoi nous passionner par son actualité, cela risque d’être beaucoup plus compliqué avec ce House of Gucci. Les drames familiaux de grande envergure ont souvent de quoi attiser notre curiosité perverse, y compris lorsqu’on ne connaît rien de celle-ci. Cependant, et c’est là l’un des principaux problèmes de ce film, il raconte la vie d’une famille qui n’a rien de spécial pour nous intriguer ou nous intéresser. Exception faite de sa fortune, entre autre réservée à une élite financière à laquelle la grande majorité des gens n’ont pas vraiment accès. Et lorsqu’ils y ont accès, il ne s’agit bien souvent que de nouveaux riches qui claquent leur nouvelle fortune dans un apparat de luxe dont le seul but est de montrer leur supériorité factice face à un monde auquel ils appartenaient précédemment. Ridley Scott agit à contre-courant en parlant de la déchéance d’une famille richissime à une époque où la pauvreté dans le monde n’avait jamais atteint de tels sommets. On pourrait penser que parler précisément de la chute d’un empire financier comblerait notre frustration pécuniaire. Mais au final il n’en est rien, c’est le sujet en lui-même qui peine à vraiment accrocher le spectateur. L’avènement de la richesse de cette famille ne nous intéresse pas, au même titre que ses problèmes de riches qu’ils sont les seuls à subir. Jamais la compassion ne nous atteint, car à aucun moment on ne s’éprend de leur sort. Certes Maurizio ne mérite certainement pas le destin funeste qui lui incombe, et peut-être si le cours de l’histoire en était autrement, nous aurions apprécié suivre l’évolution du business familial. En l’état, avec aussi peu d’indices sur les intentions les plus profondes de chacun des personnages, que ce soit les membres de la famille Gucci ou le voisin Tartempion, leur sort nous en touche une sans faire bouger l’autre.

Pourtant tout est là pour nous plaire. La photographie est belle, le jeu d’acteur est impeccable et la mise en scène est propre. Le problème est que rien ne sublime la réalisation de House of Gucci, contrairement à Le Dernier Duel que la narration rendait à la fois plus lisible et captivante. Ici il n’y a pas vraiment d’éléments qui rendent le film vraiment singulier. Pas même son côté comique et second degré qui rend les personnages plus attachants au travers de leurs dialogues. Non pas que le film pourrait être réalisé par n’importe qui et rendrait le même résultat, mais le long métrage manque de personnalité. Concrètement, le scénario n’a aucune ambition, ni même les personnages. Hormis se tirer la bourre tout au long de l’histoire, les protagonistes ne nous parlent en réalité jamais vraiment de business. Le film manque cruellement d’envergure pour être à la hauteur de ce que les faits réels semblent pouvoir nous avouer. Après la très bonne surprise de son précédent film, House of Gucci donne un sentiment de manque, de déception. L’histoire suit son cours et on évolue avec elle, mais rien ne nous rattache à elle durant la narration. Rien ne nous obnubile dans cette histoire ou nous ramène à elle. On reste constamment détaché, comme si nous n’étions pas vraiment invités au sein du scénario. Ce qu’il advient des personnages ne nous touche finalement pas ou peu et savoir qui récupère la fortune n’est qu’une information secondaire n’apportant pas vraiment d’enjeux à une histoire déjà orientée.

Comme le montre le film, la famille ne cherche pas vraiment à développer un univers à elle. On se croirait vraiment dans un milieu de mafieux où la famille en question possède ses territoires qu’elle ne cherche jamais à faire proliférer selon l’évolution de la société, et donc ici la mode. Paolo en est un bon exemple, raillé pendant 2h30 d’être un incapable dénué de goût artistique. Pour voir quelques scènes plus tard la collection immense de sacs Gucci dont seule la bande centrale change d’une version à l’autre. Une famille en cruel manque de goût dénigrant un excentrique qui souhaite simplement mélanger le brun et le pastel. S’ils avaient le sens des affaires, l’histoire montre tout de même qu’ils n’étaient pas très visionnaires sur le monde de la mode. Ajoutons à cela que l’histoire moderne montre clairement que les créations, supposées dans le film, de Paolo, tendent vers les plus belles pièces de la mode moderne. Même les créations les moins colorées des plus grands stylistes de notre époque semblent plus extravagantes que celles de la maison Gucci, toujours selon les dire du long-métrage. D’ailleurs lorsqu’on regarde les modèles actuels des sacs Gucci, autant vous dire qu’ils ont bien évolué par rapport à ceux de la scène de la boutique. Et certains n’hésitent pas à mélanger le pastel et le brun. Toute la dimension dramatique du film n’est jamais mise en valeur par les émotions des protagonistes et moins encore par le ressenti de ses spectateurs. En fin de compte les retournements de situation et autres révélations tombent totalement à plat, n’apportant rien à l’histoire et ne provoquant aucun effet. Ce qui apparaît le plus étonnant en y réfléchissant est que le film semblait très attendu. Or il était couru d’avance que son sujet ne parlerait qu’à une niche très fermée et n’arriverait pas à rendre son sujet aussi universel que la campagne marketing le prétendait.

C’est dommage car le résultat est mitigé alors que la réalisation, bien qu’un poil trop classique, reste propre. Le long-métrage en lui-même réunit tous les éléments pour être un grand film à l’exception de son histoire qui manque de réels rebondissements. Il y a un goût d’inachevé dans chaque situation survenant durant l’histoire. Certains objectifs réussissent mais profitent à d’autres, les intentions sont volontairement mystérieuses pour appuyer le caractère incertain du scandale. Tout cela donne le sentiment de baser l’histoire sur des éléments infondés et incomplets. Par conséquent on se demande à quoi bon suivre l’histoire de House of Gucci. Un sentiment auquel Ridley Scott nous a déjà habitué par le passé malheureusement, notamment avec Cartel ou Seul sur Mars qui manquaient déjà d’envergure. Au final, le long-métrage donne la sensation qu’il suffit d’inviter une star de la musique pop pour assurer au box-office et oblitérer les autres défauts du film. Ce qui ne rend pas justice à l’excellente prestation de Lady Gaga et n’aidera pas nécessairement les distributeurs ou producteurs à comprendre les erreurs du film. Et pour 157 minutes de film, on espérait vivre plus d’émotions et vibrer plus souvent. L’histoire étant si énigmatique, destinée à un public singulier, ce sera au spectateur de se lancer vers l’inconnu à la découverte du monde du luxe et de ses travers les plus immondes.

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