Les Choses Humaines : Une Affaire de Famille.

Au détour d’un rayon de supermarché un livre de poche interpelle par sa couverture violente signifiant la souffrance poignante d’une jeune fille. La quatrième de couverture assure le suspense par quelques lignes énigmatiques mais accrocheuses, poussant à le prendre pour une lecture lors des prochains jours de vacances un été en Bretagne.
Le livre choisi pour ces quelques jours de repos est mis de côté au profit de ce livre, Les Choses Humaines écrit par Karine Tuil paru en août 2019, Prix Goncourt des Lycéens et Prix Intérallié. Dès les premières lignes le livre captive, esquissant différents portraits féroces parmi lesquels on retrouve des personnalités publiques familières. Le livre de poche ne nous quitte plus, se lisant vite au gré des pauses ou sur la plage sur laquelle on le retrouve entre les mains de plusieurs personnes. Le roman de Karine Tuil a réussi à envoûter un public vaste. Le roman est un succès en librairie et c’est tout à son honneur, dans la mesure où cela faisait longtemps que nous n’avions pas été aussi obsédés par la lecture d’un livre. Des moments rares qui ne s’oublient pas, notamment Millenium de Stieg Larson ou Windows of the World de Frédéric Beigbeder. Yvan Attal a eu ce même sentiment à la découverte du roman, qu’il porte au cinéma après avoir adapté Mon Chien Stupide en 2019… Affaire de taille pour une œuvre complexe à se réapproprier et à transposer sans le moindre sacrifice. Verdict ?

Depuis Le Brio avec Daniel Auteuil Yvan Attal reprend en main son cinéma avec deux adaptations de roman ayant connu le succès. Mon Chien Stupide nous avait convaincus sans la lecture du livre à l’appui. En partant d’une réflexion sur l’homme subissant sa crise de la cinquantaine Yvan Attal s’imprégnait du livre pour projeter ses doutes en s’entourant de sa famille, femme et enfants. Dans Les Choses Humaines bis repetita avec le retour de Charlotte Gainsbourg dans le rôle de Claire Farel et de Ben Attal dans le rôle principal d’Alexandre Farel accusé de viol sur la personne de Mila, fille du nouveau compagnon de Claire. Qui est ce jeune homme et qui est cette jeune femme ?
Est-il coupable ou est-il innocent ? Est-elle victime ou uniquement dans un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ? Les deux jeunes protagonistes et leurs proches vont voir leurs vies, leurs convictions et leurs certitudes voler en éclat, mais… n’y a-t-il qu’une seule vérité ?

Le livre est le portrait d’une société en déliquescence, celui de l’égoïsme de personnages mesquins, orgueilleux et fiers s’accrochant à leurs idées, leurs convictions, leur poste à la télévision si précieux… Un fait divers va ébranler tout cela, mais en amont, Karine Tuil a dressé le portrait sans fard de chaque intervenant important. L’évolution du monde entre l’affaire Monica Lewinski, l’attentat terroriste de Toulouse, la situation en Israël, les tensions religieuses multiples dans le monde, la politique française et relationnelle dans l’univers de la télévision… Tous ces points forts forment une corrélation noyée au centre de ce fait divers opposant deux strates de la société, l’image d’un jeune homme à l’avenir prometteur et celle d’une jeune fille modeste au parcours sinueux. Tout ceci rend compte du reflet de la société et des maux qui la gangrènent au cœur d’un procès tendu et passionnant.
Yvan Attal éclipse les portraits pour s’appuyer sur Lui et Elle avant La Plaidoirie. On suit le parcours d’Alexandre depuis son arrivée de Stanford pour les vacances et cette soirée où tout bascule. Puis au tour de Mila dont le traitement est étonnamment esquissé. Yvan Attal laisse son intérêt pour son fils prendre le pas sur le parcours de Mila après le viol. Ben Attal aspire la caméra quand Charlotte Gainsbourg trouve subitement des séquences pour prendre la lumière. Dans cette optique, Pierre Arditi se retrouve lésé, et ce malgré l’importance primordiale du personnage qu’il incarne à l’écran dans le roman. Jean Farel – variation saloparde de Jean-Jacques Bourdin – devient ici un acteur tiers dans l’histoire, présentateur grabataire dont l’acteur, rare au cinéma ces dernières années, essaye de défendre avec force. Mais c’est la petite famille Attal qui est sur le devant de la scène. Ce n’est point un mal, Ben Attal est parfait en Alexandre Farel, projection confondante d’Yvan qui se verrait bien dans le rôle. Le fiston assure entre ambivalence et complexité, quand Claire Farel devient brune et plus terne en Charlotte Gainsbourg, moins convaincante dans un rôle surestimé.

Yvan Attal capte l’essentiel d’un roman se satisfaisant bien de son état. Pas besoin d’être porté à l’écran, surtout dans ces conditions. Pas le moindre regard, ni la moindre note personnelle au sein d’un film qui nous rappelle beaucoup trop le raté La Fille au Bracelet de Stéphane Demoustier. Énième film de procès, Les Choses Humaines vaut principalement pour sa séquence de réquisitoire finale fabuleuse. Le reste est dans le livre avec beaucoup plus de choses humaines à dénoncer que dans ce film qui effleure les grandes interrogations et dénonciations acides écrites par Karine Tuil. Alors on ne peut que vous conseiller de voir ce film uniquement si vous y tenez vraiment, pour avoir un aperçu du livre, puis de vous ruer en librairie pour vous procurer Les Choses Humaines, grand petit livre qui vous captivera au gré de ses 350 pages aspirantes.

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