Édito – Semaine 46

C’est une scène culte comme seul David Lynch pouvait en imaginer : alors que le jeune Jeffrey Beaumont (Kyle McLachlan) est entraîné dans une virée nocturne inquiétante par le psychopathe Frank Booth (Dennis Hopper), ils s’arrêtent dans une maison. Là se trouve un homme suave, élégamment habillé, porte-cigarette à la main. L’homme s’empare d’un micro éclairant son visage et commence à chanter In Dreams de Roy Orbinson en play-back. Ce fut ma première rencontre avec Dean Stockwell, dans une scène appelée à rester à tout jamais dans mon subconscient cinéphile, surgissant à l’esprit dès que Roy Orbinson se fait entendre. Déjà, en quelques minutes, l’aura de Stockwell, disparu la semaine dernière à l’âge de 85 ans, faisait son petit effet : un charisme discret, jamais imposant mais bel et bien là, un visage marquant, un regard et un sourire à coin pouvant se montrer aussi charmant qu’inquiétant.

C’est seulement plus tard que je fus exposé à Code Quantum et compris le culte entourant l’acteur. Auparavant, dans mes périples cinéphiles, il faisait partie de ces visages que l’on ne cherche pas forcément à voir à tout prix mais que l’on est toujours heureux de retrouver, la garantie d’un second rôle savoureusement incarné. Chez David Lynch évidemment (pour Blue Velvet mais aussi pour Dune) Wim Wenders (Paris, Texas), chez Tony Scott (Le flic de Beverly Hills 2), chez Francis Ford Coppola (Jardins de pierre, Tucker, L’idéaliste), chez Robert Altman (The Player), Jonathan Demme (Veuve mais pas trop, Un crime dans la tête – sa dernière apparition au cinéma en 2004) ou encore Dennis Hopper (Catchfire), Dean Stockwell se glissait çà et là durant toute mon adolescence. Et puis à force de le croiser, de s’y intéresser, on réalise l’immense carrière qu’il menait depuis sa jeunesse, sa première apparition à l’écran datant de 1945 et ses rencontres avec des cinéastes de la trempe de Joseph Losey, Richard Fleischer, Jacques Tourneur ou Elia Kazan. Jusqu’à ses dernières apparitions télévisées, notamment dans l’excellente réitération de 2004 de Battlestar Galactica.

Dean Stockwell avait eu plusieurs vies, pas toujours faciles mais on l’a toujours décrit comme un homme rempli d’humour et de bienveillance. C’était un de ces acteurs capables de remplir de sa présence un rôle de façon très forte malgré un temps de présence à l’écran limité, un visage familier même quand il était inquiétant, une lointaine connaissance que l’on retrouve régulièrement avec le même plaisir, appelé à hanter à tout jamais tous ceux s’étant mangé le choc Blue Velvet en pleine figure. Impossible désormais de penser au marchand de sable sans penser à Dean Stockwell et de lui dire, comme Roy Orbinson dirait : Go to sleep, everything is all right

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