A Good Man : « Une femme avec une femme »

Marie-Castille Mention-Schaar est une metteuse en scène autodidacte s’affranchissant des conventions pour établir un cinéma franc. Si elle collabore sur des comédies populaires comme Ma Première Étoile et sa suite en tant que scénariste et productrice, elle a construit sa filmographie sur des sujets qui lui sont chers. Son premier film, Ma Première Fois, raconte sa première histoire d’amour, hommage au père de sa fille aujourd’hui décédé. Si elle consent à des films commerciaux tels que Bowling ou La Fête des Mères (film choral raté), elle prend à bras le corps des thèmes forts comme l’embrigadement des femmes par l’Islam avec Le Ciel Attendra en 2016, première itération sur le sujet qui enflamme les débats aujourd’hui.
Marie-Castille Mention-Schaar soutient également les scénaristes en herbe, à l’image d’Ahmed Dramé, l’ayant contacté après avoir découvert Ma Première Fois. Cela débouche sur Les Héritiers avec dans le rôle principal Ariane Ascaride qui incarne un professeur du lycée Léon Blum de Créteil. Elle a une classe d’adolescents qui ont depuis longtemps décroché du système scolaire. Elle décide alors de les faire participer au Concours national de la résistance et de la déportation dont le sujet s’intitule : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». D’abord houleuse et frustrante, l’atmosphère va bientôt évoluer au contact d’un rescapé des camps et sous l’intensité dégagée lors de la visite du Mémorial de la Shoah. Cette expérience va changer leurs vies. Le meilleur film à ce jour de Mention-Schaar, un film solaire où l’espoir se mêle avec le cheminement de jeunes adolescents vers l’âge adulte et la compréhension des drames de l’histoire humaine.

Outrepassant un défaut de parcours avec La Fête des Mères, Marie-Castille Mention-Schaar est de retour avec son actrice fétiche, de presque tous ses derniers films depuis Les Héritiers, Noémie Merlant. L’actrice, vue en 2019 dans Portrait de la Jeune Fille en Feu de Céline Sciamma, incarne Ben, un infirmier vivant avec Aude depuis plusieurs années. Ils veulent avoir un enfant, mais Aude ne peut pas. Alors Benjamin décide de porter leur enfant. Car avant de s’appeler Benjamin, il s’appelait Sarah.
Sujet complexe contre lequel la réalisatrice nous mets face. Dans cette période trouble de notre société où tous les problèmes se mêlent et s’emmêlent, elle force l’entrée avec l’adaptation de l’histoire vraie d’un couple d’Europe du Nord où l’homme transgenre a porté l’enfant. Si Mention-Schaar sème le trouble au premier abord, A Good Man évite toutes lourdeurs par des maladresses malencontreuses. Au contraire, le film est doux se déroulant sur une île bretonne où le couple a refait sa vie incognito. On perçoit leur quotidien et le questionnement des deux personnages qui ont dû faire des sacrifices pour l’acceptation du couple. Ben a coupé les ponts avec sa mère (pas de père) gardant un lien avec son frère – campé par Vincent Dedienne – qui lui rend visite avec sa famille sur l’île. 

A Good Man est un film de composition, Marie-Castille Mention-Schaar rendant la part belle à ses comédiens. Plus particulièrement à Noémie Merlant qui se transforme devenant Ben, barbe à l’appui, avec un rendu confondant. L’actrice incarne l’homme avec conviction tout en plongeant dans le passé trouble de Sarah, jeune adolescente mal dans sa peau. L’histoire de Ben/Sarah est complexe, son processus loin d’être accepté par tous. Puis quand la décision est prise de porter l’enfant, cela remue le passé et les acceptations limitées des proches. Puis il y a Aude, incarnée avec charme par Soko, qui ne peut porter l’enfant, femme du couple ayant mis sa carrière de danseuse de côté. La crise guette le couple et fragilise les apparences au cœur de l’île.
On peut reprocher à A Good Man un manque flagrant de cinéma. Il n’y a aucune prise de position forte en terme technique. Marie-Castille Mention-Schaar laisse échapper le film s’appuyant sur un scénario solide. Il n’y a aucune magie outre mesure un récit fort et la composition magistrale de Noémie Merlant. 

Marie-Castille Mention-Schaar laisse A Good Man se dérouler pour mieux accentuer son récit de moments forts. La confrontation avec le meilleur ami pompier ou la naissance du bébé aux côtés de la mère de Ben sont des séquences vives. La réalisatrice capte à ses moments précis la raison du film, un sentiment pur d’amour entre son fils et sa mère, l’acceptation d’être et de devenir. La réunification d’une famille brisée par certains choix forts, être qui l’on veut et ce que l’on est. La suite n’est qu’un évanouissement au cœur de la société ponctué par un dernier plan fort en termes de réponse.
Si le thème peut sembler assez fragile au départ, Marie-Castille Mention-Schaar réussit à rendre A Good Man bouleversant et attachant. Un drame poignant sur la condition d’être et du devenir, à savoir ici parent pour un couple transgenre. Une prise de position forte et assumée jusqu’au bout permettant au film de s’affirmer à l’image de son personnage principal incarné avec maestria par Noémie Merlant.

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