Blood Island : Quand la femme violentée réclame justice…

Fin d’un mois fort d’une programmation de haute volée sur Shadowz. Pour sûr que la plate-forme ne s’est pas moquée de nous en ce mois d’octobre. Elle nous aura préparé une liste atypique et riche afin de concocter la meilleure des soirées de Halloween qui soit. Pour notre séance du jour, nous avons voulu revenir sur le lauréat du Grand Prix du Festival du Film Fantastique de Gérardmer en 2011. Premier film du réalisateur sud-coréen Cheol-soo Jang, Blood Island a été un raz-de-marée incommensurable dans tous les festivals où il a été présenté. Si le temps l’a quelque peu fait tomber dans l’oubli au profit d’autres œuvres de la même époque (J’ai Rencontré le Diable, The Murderer), Shadowz (qui faisait déjà la part belle au cinéma de genre sud-coréen) le remet en avant pour notre plus grand plaisir. Plaisir à ne pas prendre à la légère toutefois, Blood Island est un film éprouvant, qui aborde des thématiques atroces qui triturent les plus bas instincts de la nature humaine, le tout englobé dans certaines envolées lyriques dont seuls les cinéastes sud-coréens en ont le secret. Un film qui coche absolument toutes les cases d’un film de genre réussi et à côté duquel il serait fort dommage de passer.

Hae-won est une jeune trentenaire travaillant dans une banque à Séoul. Un soir, elle est témoin d’une agression d’un duo de loubards envers une jeune femme. De peur des représailles, elle décide de ne pas témoigner auprès de la police. Au même moment, elle rencontre des problèmes au travail et est contrainte par sa direction de prendre des congés. Elle choisit de se rendre à Moodo, une petite île sur laquelle elle passait ses vacances étant plus jeune. Sur place, elle retrouve Bok-Nam, son amie d’enfance. Mariée à un tyran, cette dernière est soumise à des humiliations quotidiennes et aspire à quitter l’île avec sa fille. Ce qui devait être un week-end tranquille pour Hae-won va tourner au cauchemar.

Ce qu’il y a de frappant dans le cinéma de genre sud-coréen, c’est sa propension à savoir jouer avec différents genres sans jamais être foutraque. Blood Island aligne aisément des séquences oniriques avec du drame et du rape and revenge extrêmement graphique pour constituer son récit. Clairement divisé en deux parties bien distinctes (à l’instar d’un rape and revenge en bonne et due forme), Blood Island n’épargnera en rien ses spectateurs durant un peu plus d’une heure. En effet, le film nous aspire au cœur d’une spirale infernale où chaque scène devient plus cruelle que la précédente. Le scénario de Kwang-young Choi nous fait assister, impuissants, aux pires sévices qu’une femme puisse rencontrer (violence, viol doublé de viol sur mineure, humiliation…). Tout ce que l’Homme peut faire de plus cruel arrive à Bok-Nam. Nous attendons patiemment (et fermement) la libération, l’instant salvateur où elle décidera de ne plus être une victime et de se venger de ses détracteurs. Car, clairement, Blood Island ne laisse pas de place à la pitié. Il fait appel à la loi du Talion au sens strict de ses commandements et on ne pourra que soutenir Bok-Nam dans son déchaînement final. Ainsi, lorsque s’amorce le dernier acte du film, nous ne pouvons que laisser exploser notre colère à ses côtés. La dernière partie de Blood Island sonne comme un vrai moment salvateur, mais jamais gratuit pour autant. Magnifiquement interprétée par Seong-won Ji, Bok-Nam est un personnage qui porte en elle tous les traumatismes vécus par toutes les femmes bafouées au monde. Si, de prime abord, la vengeance devient légitime, il y a toute une part réflective derrière qui ne peut s’en détâcher et avec laquelle son réalisateur torture nos méninges.

Ce qui démarque Blood Island des nombreux rape and revenge lambda provient clairement de sa dimension sociale pertinente. L’horreur frontale du film, bien qu’abondante, est maigre comparée à la violence psychologique que le film provoque. Bien plus proche d’un Délivrance que de La Dernière Maison Sur la Gauche, Blood Island dresse un portrait âcre d’une petite population rurale qui ne subsiste que sous le joug d’un culte au machisme dirigé par un matriarcat à l’autorité castratrice. Le contraste entre la douceur candide de Bok-Nam et la beauté des paysages avec la noirceur de tous les autres personnages n’est que plus évident. D’ailleurs, on ne sera pas surpris de constater que Hae-won, que l’on pensait être l’héroïne, ne devient que l’élément déclencheur à l’émancipation de la véritable héroïne du film, Bok-Nam. Hae-won, en décidant de ne jamais prendre parti (dans sa vie de tous les jours à la ville comme en vacances auprès de son amie) constitue la dernière pièce du puzzle qui va faire dégringoler Bok-Nam. À travers les inactions de Hae-won, Cheol-soo Jang dresse une critique amère sur les notions de culpabilité et de non-assistance à personne en danger. Plus que pour sa seconde partie salvatrice et extrême, Blood Island remue les tripes par ses non-dits et ses injustices. Le film amène une réflexion intense sur la noirceur de l’âme humaine et ne quitte pas nos pensées, même plusieurs jours après l’avoir vu. De plus, on ne peut que saluer les qualités techniques de son réalisateur qui parfait sa mise en scène en alternant des séquences d’une poésie rare avec d’autres à la nervosité intense. Le mélange des tons se marie parfaitement et nous fait assister à la naissance d’un auteur aux grandes ambitions.

Blood Island est un film nerveux, extrême et d’une violence folle. Probablement l’un des meilleurs films de genre sud-coréen des années 2010, injustement oublié, qu’on vous invite à (re)découvrir de toute urgence sur Shadowz si vous avez l’estomac bien accroché. On vous aura prévenu…

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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