Kull Le Conquérant : Il n’y pas que Conan dans la vie !

Chez Robert E. Howard, il n’y a pas que Conan le Cimmérien. L’auteur texan, mort en 1936, est le créateur de quelques personnages secondaires dans sa bibliographie tels Solomon Kane (également adapté au cinéma), Brak Man Morn ou Kull. Venant d’Atlantis, Kull apparaît pour la première en Août 1929 dans Weird Tales, magazine de nouvelles où Robert Ervin Howard faisait publier ses écrits. Vivant de multiples aventures comme le fera plus tard Conan, c’est ce dernier qui est privilégié par Howard pour développer son univers laissant inachevé le travail autour de Kull, Howard réadaptant même certains de ses scripts en faveur du Cimmérien. Conan est d’autant plus imaginé sur les spécificités de Kull, les deux personnages étant confondants de ressemblance dans les écrits d’Howard. Mais contrairement à Kull, le Cimmérien va connaître le succès, notamment dans les années 1960 grâce au comic book édité chez Marvel. De cette popularité soudaine et l’avènement de l’héroic fantasy dont Conan est aujourd’hui une icône, une adaptation au cinéma se développe dans le courant des années 1970 débouchant sur Conan Le Barbare de John Milius avec Arnold Schwarzenegger en 1982. 
Inspiré librement des écrits de Robert E.Howard, Conan Le Barbare est produit par Dino De Laurentiis, qui suite au succès du film entamera la production d’une suite intitulée Conan Le Destructeur en 1984. Succès public, mais déception critique, De Laurentiis continue l’exploration diégétique du Cimmérien en adaptant, toujours sous la houlette de Richard Fleischer responsable de Conan Le Destructeur, Sonia La Rousse, personnage du comics book Marvel avec Brigitte Nielsen et Arnold Schwarzenegger – toujours – incarnant cette fois Kalidor, contrefaçon de Conan pour des problèmes de droit. Mais échaudé par le flop de ce film, l’acteur autrichien abandonne l’idée d’un troisième film Conan au profit de Predator. Le scénario du film dort dans les tiroirs du bureau de Dino De Laurentiis pendant une quinzaine d’années avant que sa fille Rafaella ne l’exhume et l’adapte pour produire Kull Le Conquérant.

Kull Le Conquérant sort des tréfonds des oubliettes pour retrouver sa place originelle de héros guerrier dans un monde de fantasy. Faute des droits pour Conan, Raffaella De Laurentiis se sert de Kull pour recycler le vieux scénario du troisième opus des aventures de Conan pour tenter sa chance alors que la fantasy connaît de nouveau le succès à la télévision avec les différentes séries autour d’Hercule et de Xena la Guerrière. Rien de mieux d’embaucher ce cher Hercule incarné brillamment par Kevin Sorbo, un inconnu à la musculature fière et beau comme un (semi) dieu. Kull Le Conquérant surfe opportunément sur le succès de la série TV produite par Sam Raimi qui connaîtra un spin-off avec Xena puis un film d’animation réunissant les deux personnages. Kull ne connaîtra pas un destin similaire au programme Tv en carton ne permettant point l’essor de la carrière de Kevin Sorbo au cinéma et le destinant à une carrière à la télévision et dans quelques direct-to-vidéo, notamment dans les deux séquelles produites en 2006 & 2007 de Tolérance Zéro suite au remake avec Dwayne Johnson.
Kull le Conquérant reste LE premier rôle de l’acteur au cinéma, dont il s’acquitte modestement bien. Le problème n’est pas l’acteur, mais plutôt le film en lui-même.

Kull le Conquérant suit basiquement l’ascension du guerrier incarné par Kevin Sorbo devenant roi après avoir vaincu le roi Borna. Soulevant la jalousie de sa cour, Kull va devoir déjouer un complot et combattre une sorcière redoutable revenue du monde des morts.
Kull le Conquérant développe un pur récit d’héroïc fantasy suivant à la lettre les balises du genre. Recyclant les idées d’un Conan 3 avec Schwarzy, la trame rappelle franchement les deux opus avec la star autrichienne. Un pitch sentant bon les saveurs d’un cinéma des années 1980 complètement décomplexé et riche en action malgré la petitesse du budget. Cette aventure de Kull est plaisante à découvrir. Lâchant les basses pour des affrontements épiques, le film détonne dès les premières minutes par son ton rock anachronique à un genre préférant d’ordinaire l’épique selon Basil Poledouris. La leçon est pourtant respectée, le thème principal se montre entraînant et fort. Mais Joël Goldsmith, fils du maître Jerry Goldsmith, se lâche avec des échappées rocks lors des affrontements de Kull et de ses antagonistes. Une incongruité déconcertante plongeant certaines séquences dans le Z pur pas bien aidé par la mise en scène inepte de John Nicolella.

Réalisateur oeuvrant principalement pour la télévision, John Nicolella met en scène son seul et unique long-métrage pour le cinéma avec Kull le Conquérant, le réalisateur de 52 ans décédant juste après la sortie du film. Ayant débuté sa carrière en tant que Production Manager sur La Fièvre du Samedi Soir ou L’Héritier de la Panthère Rose, sa carrière prend ensuite un tournant au milieu des années 80 à la télévision où il assure la mise en scène pendant une quinzaine d’années de séries telles que Miami Vice, Mike Hammer ou Le Retour des Incorruptibles. Une mise en scène efficace sans la moindre personnalité qui n’assure jamais à Kull de s’élever pour être un produit décent. Limite téléfilmesque, Kull le Conquérant est une production Bis qui se consomme puis s’oublie. Distribué par Universal, aujourd’hui édité par Rimini Éditions dans un beau Combo DVD/Blu-Ray, le film trouve un écrin estimable pour être (re)découvert. Nous embarquant dans une aventure extraordinaire, Kull Le Conquérant assure l’essentiel, à savoir nous divertir avec générosité, peut-être trop. Si l’on passe le grotesque de la bande-son rock, le film est un produit des années 1990 excessif qui pique parfois les yeux par des SFX d’un autre temps, mais assure l’essentiel, ravir le fan d’Héroïc Fantasy. Certes, ce n’est pas Conan, mais son grand frère qui vit moult péripéties en lieu et place nous transportant aux confins du monde singulier crée par Robert E. Howard et à l’encontre d’une sorcière démoniaque incarnée avec sensualité par Tia Carrere, pas encore embarquée dans les aventures de Sydney Fox, version féminine d’Indiana Jones qui nous aura diablement charmés au début des années 2000. 

Sans lui reconnaître son aura de nanar décerné par certains cinéphiles, Kull Le Conquérant réussit le principal à savoir nous distraire pendant ses 95 minutes. Un produit efficace et divertissant dédié à tous les fans d’Héroïc Fantasy et surtout de Robert E.Howard qui seront ravis de retrouver les atouts d’une aventure à la Conan. Le long-métrage de John Nicolella ne brille jamais par son originalité, mais réussi le miracle de nous évader et de nous faire rire, l’essentiel pour une modeste et juste production.

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