Backtrack : Polar aux sorties de route passionnantes

On ne se lassera jamais de se régaler des sorties vidéos régulières effectuées par Carlotta Films qui n’obéissent à aucune règle autre que celle de célébrer la cinéphilie sous toutes ses coutures avec des films classiques, du cinéma d’exploitation et autres raretés. Depuis le 7 juillet dernier, l’éditeur a sorti en Blu-ray et DVD le méconnu Backtrack, polar arty réalisé par Dennis Hopper autrefois connu sous le nom de Catchfire ou Une trop belle cible. Carlotta poursuit donc son travail autour de la carrière de cinéaste de Dennis Hopper, eux qui avaient sorti The Last Movie en décembre 2018, sortie qui nous avait d’ailleurs poussé à revenir dans un dossier sur le travail de réalisateur de Dennis Hopper, cinéaste rare mais atypique qui avait su poser, en son temps, un regard lucide et désenchanté sur l’Amérique, regard qui aura énormément influencé la carrière de cinéaste de Sean Penn.

Backtrack fait cependant partie des films d’Hopper difficiles à analyser, notamment parce que même si Carlotta nous offre ici le film dans ses deux versions (et l’on vous conseille la director’s cut, plus longue de 16 minutes), aucune d’entre elle ne correspond vraiment à la vision de Hopper dont le premier montage faisait près de trois heures. Les coupes effectuées dans le film, bien que rattrapées en très légère partie sur le director’s cut, se ressentent fortement et ont un véritable impact sur le récit et notre appréciation du film.

Celui-ci raconte en effet comme Anne Benton, jeune artiste de Los Angeles, se retrouve témoin d’un meurtre commis par la mafia. Repérée par les gangsters et refusant l’aide des policiers, Anne s’enfuit sous une nouvelle identité. La mafia engage alors Milo, tueur à gages, pour retrouver et éliminer la jeune femme. Mais à force d’étudier sa vie pour la connaître et remonter sa piste, Milo tombe amoureux d’Anne. Quand il la retrouve, il lui propose un marché : soit il la tue, soit elle accepte de partir vivre avec lui pour mener une histoire d’amour…

Et c’est bien là que le bât blesse : de cette histoire résolument tordue et fascinante, le film ne parvient pas à en capter toutes les nuances nécessaires à la psychologie des personnages. C’est ainsi qu’en milieu de film, un basculement arrive sans trop que l’on ne sache pourquoi et que Anne, d’abord séquestrée contre son gré, échangeant son corps pour sauver sa vie, finit également par tomber sous le charme de ce tueur impitoyable un brin rustre mais amateur de saxophone. Le basculement est tellement brutal qu’il en est incompréhensible et l’on ne peut que fantasmer la teneur qu’il aurait eu dans un montage de trois heures. En l’état, Backtrack, désavoué par plusieurs de ses acteurs et par Hopper dans sa version cinéma, n’est cependant pas plus un mauvais film qu’il n’en est un bon. C’est une curiosité totalement passionnante à découvrir dans laquelle on ressent l’amour du cinéaste pour le film noir, genre auquel il rendra hommage avec beaucoup plus de réussite dans le torride Hot Spot. Ici, Hopper ne sait visiblement pas sur quel pied danser et il flirte à plusieurs reprises avec la parodie tout en se prenant au sérieux sur d’autres sujets, notamment l’art, cité et montré à de nombreuses reprises dans le film sous plusieurs formes, notamment ces panneaux lumineux créés par Anne et exposés dans une galerie.

Difficile dès lors de réellement être emballé par Backtrack même si l’on ne peut s’empêcher de le trouver furieusement attachant. Attachant dans ses défauts, attachant dans cette envie du cinéaste de rameuter autour de lui une belle brochette d’acteurs (Jodie Foster, Joe Pesci, Dean Stockwell, John Turturro, Fred Ward, Vincent Price et même Bob Dylan quand même !) et de se frotter à un genre sans trop se prendre la tête. L’alchimie ne prend pas toujours c’est vrai (non seulement l’écriture de la relation entre Anne et Milo est maladroite mais à l’écran rien ne transpire entre Jodie Foster et Dennis Hopper) mais l’ensemble n’en demeure pas moins intéressant jusque dans ses écarts et ses sorties de route, nous offrant au moins un film atypique ne ressemblant à aucun autre, véritable curiosité pour quiconque s’intéresse à la carrière de Dennis Hopper et pour tous les amoureux de Jodie Foster, l’actrice y étant plus sensuelle que jamais.

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