Snake Eyes : « Même le petit serpent a du venin »

Il y a de tragiques destinées qui se révèlent parfois être une sorte de bénédiction. Le cas de Snake Eyes n’est pas un cas isolé ces derniers temps. En effet, nous tentons, petit à petit, de revenir vers une vie normale et les studios sortent leurs mastodontes gardés fraîchement au placard durant la pandémie. L’inévitable embouteillage annoncé les obligeant à faire des sacrifices, certains films en paient le prix fort. Snake Eyes, mainte fois repoussé, s’est littéralement échoué au box-office américain. Ses très mauvais résultats ayant poussé Paramount France à ne pas le sortir dans nos salles, à peine une semaine avant sa mise en exploitation. Une décision qui a de quoi rendre furieux les exploitants de salles puisque toute une campagne d’affichage avait été mise en place, les bandes-annonces tournaient dans les salles et des avant-premières étaient programmées. On se souvient encore de l’exploitant mettant à sac une gigantesque affiche promotionnelle de Mulan qui, sur décision de Disney, avait été privé également de salle. Sur le plan marketing, priver des gros titres tels Mulan ou Snake Eyes de salles tue significativement les exploitants qui comptent sur ce genre de titres pour attirer le public. Qualitativement, nous n’avons pu que nous réjouir du retrait de Mulan puisqu’il a laissé place à d’autres films nettement plus intéressants. Si nous voudrions être cynique, nous dirions que la qualité semble être le credo actuel des maisons de production. Il s’est révélé, quasiment systématiquement, qu’un film relayé directement en VOD était assez décevant, voire atroce. L’équation s’applique-t-elle à Snake Eyes ?

Un jeune homme se retrouve orphelin après le meurtre de son père. Des années plus tard, il est devenu un combattant très doué en arts martiaux. Assoiffé de vengeance, il endosse l’identité de Snake Eyes, un nom qu’il se donne en rependant à l’assassin de son père. À Los Angeles, il est recruté par un boss yakuza nommé Kenta après avoir sauvé la vie de son héritier. Le clan lui promet de faire de lui un grand guerrier et lui offre ce dont il rêvait depuis longtemps : un foyer. Alors que certains secrets refont surface, son honneur et sa fidélité au clan vont être remis en question.

La franchise G.I. Joe au cinéma divise au sein de notre rédaction. Quand certains trouvent ces films inutiles et surfaits, d’autres tentent de défendre leur beefsteak sur quel opus était le plus intéressant. Nous concernant, le premier opus, G.I. Joe : le Réveil du Cobra, est un blockbuster d’une haute intensité, empreint de tous les talents artistiques de son réalisateur, Stephen Sommers ; là où le second est empreint de tout le néant artistique de son réalisateur, Jon Chu. Ce fut donc à demi-convaincu que nous nous sommes lancés dans Snake Eyes, tiraillés entre les souvenirs d’un premier épisode extrêmement divertissant et fun et ceux d’un second aussi douloureux qu’un lavement au verre pillé nu dans la neige. Annoncé comme une préquelle aux deux films G.I Joe, Snake Eyes n’est, ni plus, ni moins, que l’origin story d’un de ses personnages les plus emblématiques. Et, avant même de rentrer dans le vif du sujet, quelque chose coinçait déjà. Pourquoi revenir sur les origines d’un personnage dont nous connaissons déjà l’histoire ? Cette dernière étant un gros ressort scénaristique du premier film et un élément central de l’intrigue du second. Que raconter de plus ? Et cela n’ira jamais en s’améliorant. Êtes-vous vraiment sûr que vous avez besoin de nous pour savoir ce que vaut le bousin ? Vous ne préféreriez pas une recette de cuisine à la place ? Parce qu’en terme de daube, Snake Eyes en tient une sacré couche. Sauf que ce genre de daube, on ne prend pas vraiment plaisir à la manger…

Constat véritablement sans appel donc, Snake Eyes est un très mauvais film. Rien ne va. De son histoire qui ne raconte rien aux acteurs aussi flamboyants qu’un héroïnomane sous Subutex, c’est un énorme carnage. Plus les films s’enchaînent, moins le semblant de talent que nous avions repéré chez son réalisateur, Robert Schwentke, nous saute aux yeux. L’homme derrière Red, RIPD, Flight Plan ou The Captain n’existe plus. À croire que son passage sur la trilogie pour adolescents, Divergente, lui a définitivement cramé les neurones. Il ne subsiste plus rien d’intéressant dans sa mise en scène. Tout est lisse et terriblement fade. Que l’on soit bien d’accord, ce n’était pas non plus un prodige de création, mais il subsistait quelque chose qui méritait d’être creusé dans ses premiers films. Snake Eyes pue tellement le gros chèque opportuniste que ça en devient vomitif à souhait. Oubliez ce que vous saviez sur les origines du personnage, le film fait entièrement fi du passé pour tenter de se créer une nouvelle mythologie. Et c’est un capharnaüm monstrueux. Le film abuse des deus ex machina pour tenter de se maintenir la tête hors de l’eau. C’est le niveau zéro de la narration. Comment peut-on encore accepter autant de broderie ? Et ne parlons même pas des dernières minutes qui, subitement, tentent de rattacher son piteux wagon à la locomotive. C’est d’une indigence narrative exécrable. Il ne se passe rien. Le film n’est qu’une succession de scènes qui ne servent qu’à faire défiler péniblement les minutes. Une palpation prostatique ferait passer nettement plus d’émotion que l’entièreté de ce film, c’est dire ! Et puisqu’on parle de néant émotionnel, arrêtons-nous sur Henry Golding. Comment a-t-il pu en arriver là ? Lui qui nous avait tellement surpris aux côtés d’Emilia Clarke dans Last Christmas devient une caricature du héros tourmenté. Quand bien même il aurait donné du corps à ces poncifs, nous n’aurions rien dit, mais c’est loin d’être le cas. Il n’a pas l’air de comprendre lui-même ce qu’il vient faire dans cette galère. Il déambule de séquence en séquence avec un air de chien battu. Tout comme l’écriture, l’acting est au niveau zéro. On fronce les sourcils quand on n’est pas content. On crie quand on n’est vraiment pas content… Pour sûr qu’il y a plus d’émotions dans la sex-tape de Paris Hilton que dans ce film !

Snake Eyes n’est ni fait, ni à faire. C’est un désastre artistique à toute épreuve. Un immense trou sans fond duquel on en ressortira sans état d’âme, sans une quelconque émotion. Le film ne suscite rien. Snake Eyes équivaut à deux heures de rien. Sa relégation vers la case VOD est amplement justifiée. Circulez, il n’y a vraiment rien à voir !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*