
La collection Euro-Spy, initiée en 2015 par Artus Films, ne compte que trois petits titres. Débutée avec Opération Goldman signé par Antonio Margheriti, deux nouveaux titres viennent garnir la collection entre Des Fleurs pour un Espion et le titre qui nous intéresse ici, Opération Re-Mida. Réalisé par Jess Franco en 1967, Opération Re-Mida suit les aventures de l’agent LK pourchassant une organisation criminelle dirigée par Goldglasses qui inonde le monde de faux billets. Alors qu’il se trouve à une soirée costumée, l’agent Lucky Mulligan est contacté par la société secrète Archange qui lui demande de mener l’enquête. Épaulé par la plantureuse Michèle, Lucky va remonter la piste et se rendre en Albanie pour neutraliser le réseau.

Suite aux succès des différentes aventures menés par les espions français puis anglais dans le cinéma des années 1950/1960, le genre « Euro-Spy » a éclaté au cœur des années 1960. S’étalant sur une courte période entre 1965/1967, nombre de propositions ont pullulé sur les écrans. Ainsi sur la fin sort Lucky l’Intrépide ou Opération Re-Mida, quatorzième long-métrage de Jess Franco et troisième film d’espionnage pour le réalisateur après Carte sur Table en 1965 et ça barde chez les Mignonnes avec Eddie Constantine en 1966. Opération Re-Mida suivra l’année suivante avec un parti-pris de Franco assez accrocheur pour l’époque. Ainsi, le film est un hommage aux Fumetti (bande dessinée italienne) et autres comics espagnol mettant en avant un espion/aventurier un brin gaffeur. Dans ce film, ce sont plutôt les situations et le regard du metteur en scène qui plongent le spectateur au cœur d’une parodie du genre soulignant les situations ubuesques typiques et habituelles. Jess Franco prend un malin plaisir à tourner les péripéties au ridicule insérant des cases et des bulles produisant un véritable long-métrage de bande dessinée. Si parfois les intentions de Franco nous ont laissés circonspects sur d’autres films, ici le procédé choisi marche du feu de dieu pimentant une intrigue pataude. L’espion est un idiot fini, figé dans ses certitudes enchaînant les courses-poursuites et les fusillades, cabrioles dont s’amuse volontiers Jess Franco. Ce dernier est inspiré à ridiculiser un genre en fin de parcours qui s’avère être l’un de ses préférés dans sa (trop) longue filmographie.

Opération Re-Mida est une petite réussite d’esprit. Entre le Luxembourg, Londres et l’Albanie, l’espion subit l’aventure au lieu de la mener. Il suit au flair les indices récoltés sans la moindre réflexion comme cette séquence hilarante à Rome au marché des informations où tout se refile et se monnaye, tel un gag des ZAZ. Les ZAZ justement, auxquels on pense beaucoup par la mise en place comique de Franco, notamment toute la séquence dans le cabaret entre le jeu des baffes et le déguisement ridicule enfilé en un rien de temps par l’agent LK pour interroger un contact. Opération Re-Mida est une aventure bouffonne hilarante acoquinant son héros d’un jeune agent (le contact blanc sur le fameux marché à Rome) qui le suit et le soutient en compagnie d’une belle donzelle plantureuse qui se révélera double dans un twist final stupéfiant. Un sacrifice ultime appuyé par Franco qui, de façon explosive, dynamite les intentions de séquelle d’un genre initié par l’appât du gain de producteurs opportunistes, prodigues à étirer les aventures fumeuses d’un quelconque agent.

Porté par un énième acteur américain figé et transparent exporté en Europe, Opération Re-Mida est une drôle de réussite valant par les intentions inspirées de Jess Franco. Oeuvre pop au traitement phylactère, le long-métrage, dernier du genre réalisé par l’auteur de La Fille de Dracula, est une proposition méta préfigurant le style des ZAZ dans les années 1980/1990, mais surtout les intentions de revival comique avec OSS117 porté par Jean Dujardin sous le regard de Michel Hazanavicius. Opération Re-Mida est disponible en DVD chez Artus Films qui propose la version française rare du film, en plus de la version originale, projetée une seule fois lors de la rétrospective consacrée à Jess Franco à La Cinémathèque. Le long-métrage n’ayant pas connu un grand succès à sa sortie et une distribution chaotique en France, c’est une chance aujourd’hui d’avoir accès à une belle copie accompagnée de sa VF d’origine. Qui plus est un film de qualité extirpé de la vaste filmographie de Jess Franco qu’on ne finit pas de (re)découvrir grâce aux talents de nos éditeurs indépendants hexagonaux.
Soyez le premier à commenter