Jumeaux : Mister Univers a un frère

Lorsqu’il s’agit de raviver des souvenirs cinéphiles aux enfants des années 80 et 90, Ivan Reitman est un nom qui revient sur énormément de lèvres. Cinéaste aux multiples succès commerciaux tels que SOS Fantômes et sa suite, Un Flic à la Maternelle ou encore Drôles de Pères (le remake des Compères de Francis Veber, avec Billy Crystal et Robin Williams), il est également producteur de multiples succès parmi lesquels Frissons de David Cronenberg, American College de John Landis ou encore Space Jam. Ivan Reitman est un nom qui a sacrément compté dans la comédie américaine des années 80 à fin 90 environ. Un cinéaste à qui Arnold Schwarzenegger doit énormément puisqu’il le fera tourner à 4 reprises (dont 3 fois en tête d’affiche) lui permettant d’asseoir une posture sérieuse d’acteur de comédie. Mais était-ce le résultat d’une bonne histoire et d’un bon metteur en scène ou une vraie aisance de la part de l’acteur autrichien à casser son image de star du film d’action ? La première collaboration entre les deux hommes, Jumeaux, en 1988, peut laisser dubitatif à la revoyure, même s’il n’en demeure pas moins que le plus gros succès commercial des années 80 pour Schwarzy. Retour sur une comédie qui aura bercé un sacré panel de spectateurs.

En 1953 est tentée l’expérience de donner naissance à un être exceptionnel, composé des gènes de six hommes aux multiples qualités physiques et intellectuelles. Malheureusement, la mère porteuse donne naissance à deux jumeaux très différents l’un de l’autre qui lui sont immédiatement enlevés et séparés. Le premier, Julius, possède tous les atouts de l’homme parfait : grand, musclé, athlétique, intelligent. Le second, Vincent, a récolté tous les génomes négatifs de l’expérience : prompt à commettre des larcins, petit et trapu, et dont l’intelligence n’a d’égale que ses vols de voitures de luxe. Julius, lorsqu’il apprend l’existence de son frère, se persuade que ce dernier est en danger et qu’il a besoin de son aide. Il quitte son île paradisiaque dans le but de se rendre aux États-Unis afin de rencontrer son frère et se mettre à la recherche de ses géniteurs et de sa mère portée-disparue.

De retour dans nos bacs vidéos sous la houlette d’Elephant Films, Jumeaux ravive de sacrés souvenirs lorsqu’on le revoit aujourd’hui. L’époque où le logo Universal Pictures suffisait à nous préparer psychologiquement à une sacré séance (pour peu qu’il soit suivit de celui d’Amblin, c’était le combo parfait). On se souvient évidemment de ces cassettes vidéos de la collection Universal aux jaquettes qui possèdent des saveurs particulières, nous ramenant directement dans nos corps d’enfant. La vidéo de Jumeaux trônait fièrement entre celle de Beethoven et Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles. Une vidéo dont le magnétoscope se rappelle encore les multiples rembobinages et les heures de fous rires passés devant notre télévision cathodique. Arnold Schwarzenegger, dès cette première comédie dans sa filmographie, devenait subitement le grand oncle de toute la famille. A la fois la star d’action adulée par papa qui vouait un culte à Conan le Barbare, le père de famille intrépide fantasmé par maman dans Commando et le grand frère caché du fiston qui rêvait d’avoir un Julius qui l’attendait quelque part dans le monde pour le protéger et découvrir les plaisirs de la vie sans jugement ni faux-semblant. Non content d’introniser Arnold Schwarzenegger dans un nouveau registre cinématographique, Ivan Reitman traite son sujet avec un premier degré infaillible. Dès l’introduction de Jumeaux, on y croit dur comme fer à cette naissance par manipulation génétique. On passera outre le surjeu consternant de Schwarzy, car, avouons-le, même si c’est dans la nature de son personnage d’être d’une extrême bonté et niais sur les bords, ce dernier ne semble pas vraiment à l’aise avec l’exercice. Coup d’essai qui sera, néanmoins, payant pour l’ex-gouvernator, puisqu’il corrigera son jeu outrancier deux ans après lorsqu’il récidivera avec Reitman pour Un Flic à la Maternelle. Julius est un personnage hors du temps, hors catégorie. Il s’émerveille de la moindre petite chose, comme de manger un hot-dog, avec une proportion décuplée égale à son impressionnante musculature. Si son air béat fait mouche sur quelques vannes (souvenez-vous de son sourire figé après sa première nuit d’amour), il prouve surtout qu’il a eu de la chance d’être dirigé par de bons réalisateurs, sans quoi, il n’aurait probablement pas eu la carrière qu’on lui connaît. Jumeaux était un pari risqué pour lui qui commençait à devenir un acteur incontournable du cinéma d’action. Casser radicalement son image (se permettant une vanne délicieuse envers Sylvester Stallone, son éternel concurrent) a été payant pour lui, pour la simple et bonne raison qu’il était parfaitement dirigé et entouré.

Outre la présence de Schwarzenegger au casting, Jumeaux doit énormément au cabotinage de Danny DeVito. Éternel second couteau aimé de tous (on ne peut pas ne pas l’aimer) aux idées folles sachant faire preuve d’une palette de jeu immense tout comme envoyer des décharges d’inventivité folles lorsqu’il revêt la casquette de réalisateur (Balance Maman Hors du Train, La Guerre des Roses, Matilda). Il absorbe la niaiserie pas toujours subtile de son acolyte pour appuyer son tempo comique. Les deux acteurs font des merveilles ensemble. Voilà pourquoi Jumeaux perdure encore de nos jours, il y a une symbiose incroyable entre les deux têtes d’affiche. Rajoutons également à la recette, une musique entêtante et bienveillante de Georges Delerue et Randy Edelman, et l’on obtient le résultat idéal pour un film familial complet. Dès les premières notes du film, tous les souvenirs reviennent en tête. La musique, même si elle ne figure jamais parmi les listes citées, fait partie de ces partitions qui nous berceront à jamais et pour l’éternité. Pourquoi les parents d’aujourd’hui aiment passer le flambeau de ces films à leurs enfants ? Des films familiaux de ce calibre seraient jugés presque immoraux de nos jours. Le film parle de règlements de comptes avec des mafieux, de sexe et de manipulation avec une aisance ahurissante. Et pourtant, les enfants ne s’en retrouvent pas choqués pour autant, ils adorent. Loin du formatage de certaines productions familiales actuelles, pourquoi Jumeaux perdure-t-il encore aujourd’hui ? Tout simplement grâce à la morale insufflée par le scénario qui ne se prive jamais pour parler des réalités de la vie non sans une grosse dose de bienveillance. Jumeaux pourrait être le genre de film contre lequel certains illuminés crieraient au scandale et à la censure aujourd’hui malgré ses plus de 30 ans d’existence. Parce que la réalité de l’époque avilissante dans laquelle nous vivons est telle qu’on ne peut plus confronter les jeunes regards vers des sujets un peu plus rude sans qu’une association extrémiste ne vienne mettre son grain de sel (pour rappel, on vit tout de même dans une époque qui condamne Blanche-Neige et les Sept Nains prétextant que ce classique de l’animation encourage le viol). Mais la question du débat entre ce qui est moral et ce qui est amoral n’est pas d’actualité en ce qui concerne Jumeaux, et nous préférons en rester là de peur qu’un illuminé ne décide de s’y attaquer en lisant nos mots.

Jumeaux vient enfin remplacer la vieille VHS de nos étagères pour un combo Blu-Ray/DVD paru chez Elephant Films qui trouvera grâce aux yeux de tous ses adorateurs. Et même si la copie aurait mérité un travail de restauration un peu plus soigné (certaines séquences possèdent un grain très prononcé tout juste digne d’un format DVD), cela n’enlève rien à l’honnête travail d’Ivan Reitman qui, rappelons-le une dernière fois, faisait partie de ces réalisateurs qui proposaient des films familiaux qui ne prenaient pas les enfants pour des imbéciles. Rien que pour cette offre largement au-dessus du panier de beaucoup de productions actuelles, Jumeaux mérite sa place dans votre blu-raythèque.

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