Une fois que tu sais : ça change pas grand chose

L’illusion Verte, Sugarland, Le Capital au XXIè siècle, ou encore Gorge coeur ventre ou prochainement Greta, et tant et plus de films documentaires traitant des vices de consommation de notre société. Voilà maintenant Une fois que tu sais qui apporte sa petite pierre à l’édifice. Mais au final, depuis tout ce temps, ne le savons-nous pas déjà ? Et puis, une fois que tu le sais, qu’est-ce que tu fais ? Cela fait déjà quelques années que ces questionnements sur notre mode de vie et de consommation sont au coeur de nos problématiques politiques et sociales. Les choses changent peu, voire pas du tout. Quand les mentalités évoluent dans un pays, elles régressent dans un autre et vice versa. On tourne en rond; mais des films et documentaires tels que celui-là continuent de voir le jour et d’alimenter nos débats avec de nouveaux arguments pour réussir à convaincre ceux qui persistent à ne pas croire à l’immédiateté de la situation. Et quand on finit d’en convaincre un, c’est un ancien convaincu qui se désillusionne parce qu’il est désormais trop tard. Bref, quelle situation de merde.

Mais cela ne rebute pas Emmanuel Cappelin qui prend conscience des problèmes climatiques et de l’épuisement des ressources. Il décide donc de partir à la rencontre d’experts et de scientifiques qui pourraient lui (et donc nous) apporter des réponses et des solutions. Malheureusement, on se rend très vite compte que les réponses et solutions ne se font qu’au sein d’une action collective. Si chacun de nous devons faire un effort, ce n’est que si nous le faisons tous ensemble. Une fois que tu sais dévoile bien vite l’étendue du problème, on ne peut convaincre les gens de changer leurs habitudes qu’à petite échelle. Et ce n’est qu’à grande échelle que l’impact écologique se fera ressentir. Le problème se poursuit lorsque l’on sait que ce sont des personnalités éparses qui tentent de faire bouger les choses. Alors qu’il faudrait de vrais investissements d’envergure, notamment de la part de gouvernements. Comme lors de la COP21 qui se transforme petit à petit en véritable échec. Les personnalités les plus influentes ne sont pas aussi nombreuses et un simple discours largement étouffé de Leonardo DiCaprio lors des Oscars n’aident pas la cause. On nous bassine chaque jour un peu plus qu’il est nécessaire de changer notre mode vie, mais on oublie de s’en prendre aux véritables responsables. Les lobbyistes, les pays consommateurs, ceux qui ne font pas d’efforts, ceux qui n’aident pas les pays les plus démunis, sans parler des pays qui se servent d’autres comme de véritables poubelles géantes. Ah il est beau le consommateur lambda qui arrête de consommer de la viande rouge. C’est vrai qu’on n’attendait plus que lui pour sauver la planète.

Ce qui est désagréable c’est qu’on ne peut jamais vraiment condamner une initiative qui souhaite le meilleur pour notre planète et notre mode de vie. L’intention est louable, on ne peut pas la contredire ou la remettre en cause. Mais certains des éléments qui la compose ne semblent pas aussi louables. Outre l’aspect narratif du documentaire bien trop vite agaçant, sa structure manque de forme. Emmanuel se contente d’interroger des personnalités du milieu et ce sont leurs témoignages qui deviennent intéressant. Malheureusement, Une fois que tu sais ne peut se contenter de retransmettre les prises de parole des différents protagonistes. Et encore moins de s’en approprier la légitimité. Pourtant, dès lors qu’Emmanuel Cappelin reprend la parole, ce qu’il dit n’apporte rien de plus concret que ce que l’intervenant a dit durant l’extrait. Son récit en mode journal de bord devient agaçant. Sans vouloir être méchant, on se fiche de son avis. Les propos de l’expert interrogé se suffisent à eux-mêmes sans qu’il en rajoute. Au contraire, il apporte parfois une nuance hypocrite nettement plus désagréable. Son ton, sa voix, sa manière de s’exprimer indiquent un avis inconscient et traduisent un point de vue de sa part qu’il ne dit pas clairement. Quelques fois il se justifie de ne pas appliquer à la lettre les recommandations des scientifiques tout en nous intimant de le faire. Par exemple, lorsque l’un des experts explique qu’il ne veut pas d’enfant à cause de la surpopulation, Emmanuel s’explique qu’il ne peut adhérer à cette vision. Or, personne ne peut interdire quiconque de faire des enfants (du moins en France), et jamais on ne pourra en vouloir à quelqu’un de ne pas renoncer au rêve d’être parent pour une question de surpopulation. Précisément parce que pour beaucoup c’est un rêve, un objectif de vie. Alors pourquoi chercher à se justifier de ne pas pouvoir suivre cette recommandation de la même manière qu’il se justifie de prendre l’avion pour un déplacement professionnel ? S’en dégage une sorte de double discours hypocrite insupportable à écouter. Cesse de justifier tes actes et agis. La morale de ce documentaire est précisément d’essayer de réfléchir sur soi, sur son rapport à la société et d’évoluer à son rythme. Alors pourquoi pousser autrui à la culpabilisation ? Ce que ne font justement pas les multiples intervenants du documentaire. Même le titre après coup renvoi à notre propre inaction, comme s’il on était fautif du dérèglement climatique alors que ce n’en est certainement pas le but.

In fine la seule chose vraiment intéressante que ce documentaire apporte est de proposer un panel d’intervenants important et tous plus passionnants à écouter les uns que les autres. Si l’on peut vous donner un conseil donc, c’est de voir Une fois que tu sais dans sa forme la plus brute. D’ignorer son message sous-jacent et de se renseigner sur les différents intervenants qui prennent la parole. Ceux-ci, bien que partageant certainement la vision du narrateur du documentaire, ont une manière de communiquer plus altruiste. L’exercice de narrateur n’est pas quelque chose d’aisé à faire et les personnalités mises en avant au sein du documentaire y sont certainement plus habituées. Les écouter sera donc plus productif que de regarder le documentaire dans son intégralité. D’autant que l’on sait parfaitement la complexité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. La plupart des gens font simplement mine de ne pas le voir ou se contrefichent totalement de l’impact qu’ils peuvent avoir en mal sur le monde. Partant de là, le martèlement médiatique n’aura que peu de répercussions. Mais s’avère indispensable si l’on souhaite quand même améliorer les choses du mieux qu’on le peut. Idem, il y a en vérité peu de solutions viables à échelles individuelles. Ce sont pourtant les seules qui fonctionnent sur le long terme puisque le citoyen lambda est le seul pour qui l’affect a plus d’impact que l’argent ou le pouvoir. Dur constat. Mais c’est seulement une fois que tous auront compris qu’ils ne font qu’un en tant que population que les puissants de ce monde auront genou à terre pour suivre le mouvement. Une réécriture du mythe de David contre Goliath.

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