L’Origine du Monde : Un Air Faux de Famille

C’est l’histoire d’un type qui n’arrive plus à jouir. Puis un jour, son cœur ne bat plus. Sur les conseils de sa femme plus âgée que lui, il consulte une coach à 500€ qui lui prescrit une photo pour régler ses problèmes, donc de reprendre contact avec sa mère.
Adaptation de la pièce de théâtre éponyme écrite par Sebastien Thiéry et mise en scène par Jean-Michel Ribes datant de 2013, Laurent Lafitte a longtemps mûri la transposition au cinéma. Par manque de temps d’abord, puis surtout pour trouver le bon angle, y insuffler ses propres intentions. 
Laurent Lafitte s’approprie L’Origine du Monde par un ton retrouvé de son seul One-Man-Show, Comme son Nom l’indique, datant de 2008. Il instaure d’emblée une causticité en traversant le périph’ après un coup raté avec sa femme, la diabolique Karin Viard de toutes les bonnes aventures. Le métrage peut au départ décontenancer, mais rapidement le film nous emporte, et nous ne sommes pas prêts pour ce qui nous attend.

L’Origine du Monde joue de ses faux-semblants de bonne comédie bourgeoise pour virer brusquement vers le drame d’un homme sans plus aucun repère faute d’un cœur en arrêt. Les réponses sont à chercher du côté de son passé, de sa mère, épicentre des maux d’un homme ayant coupé tout lien avec elle depuis quatre ans. Cette mère vivant dans ce petit appartement accueillant son fils avec une soupe. Mère ou les maux d’un homme qui a tout fait pour s’en détacher inexplicablement, épicentre de la cause de ce cœur sourd. Pourtant Jean-Louis a essayé de trouver un subrogé en qualité d’une femme plus âgée, plus conforme à son image recherchée. Mais rien n’y fait, tout le ramène vers elle.

L’Origine du Monde se définit par la posture de la mère et plus directement par ce qui nous fait naître. La sortie de toute vie qui doit être prise en photo pour réanimer ce cœur, cette vie qui refuse de s’exprimer. Le long-métrage reprend les gammes de la pièce originale pour s’enfermer dans ses décors clos d’appartements parisiens aux espaces efficacement utilisés. Lieux propices à un déchaînement hilarant de séquences incongrues pour tirer cette fameuse photo avec la collaboration de Michel. Le personnage est brillamment incarné par Vincent Macaigne qui retrouve un énième rôle de candide un peu lourd, et Laurent Lafitte après Tristesse Club. Il est la force comique de cette origine du monde, lequel Lafitte s’appuie pour faire avancer son récit. Sous ses airs de François Hollande dépassé par les situations cocasses, le personnage s’enfonce dans le grandiloquent, la gêne de situations prenant de court un spectateur se retrouvant hilare face à des actions brisant tous les tabous acceptables. Là est le style propre à un Laurent Lafitte qui ne lâche rien, notamment cette pauvre Hélène Vincent poussée dans ses retranchements pour la fameuse photo. Son personnage est constamment malmené par un trio féroce. Et l’actrice s’éclate attifée d’une mise en pli sous une capuche plastique de pluie surannée dont les grands mères avaient le soin dans les années 70/80. Son personnage de mère mortifère se trouve brutalisé sans crier gare par un Michel qui se donne à cœur joie de trouver la solution au problème de Jean-Louis. Ce dernier – incarné par Laurent Lafitte lui-même – se met un peu de côté dans la seconde partie du film laissant le champ libre à son ami d’enfance qui s’emploiera à être ce harceleur de la mère (Brigitte) pour capturer l’Origine du Monde.

En essayant de capturer L’Origine du Monde, Laurent Lafitte camoufle le drame qui se joue par une comédie de situations grinçantes dont l’épicentre est cette mère assommante. Drame d’une vie de mensonges et drame sociale d’une famille inadaptée et jalouse à cause d’un fils souhaitant s’élever. Alors les chevaux sont lâchés pour se retrouver hilare face aux révélations dingues d’une mère dans le déni depuis des lustres. Sa vie n’est que tromperie envers un fils trop naïf pour le comprendre, causes de son problème qui le dévore depuis des années. Dans le dernier tiers du film, on pense inévitablement à Francis Veber, notamment son Dîner de Cons où les casseroles s’entrechoquent révélant la face cachée de vile crapule. On rit de bon cœur, car on s’attache à ses petits personnages bien seuls ayant besoin pour certain de se consoler dans une bouche du Bois de Boulogne avant de prendre une vie mensongère dans la tronche. Laurent Lafitte réussit son pari de transcender la pièce au cinéma par son ton corrosif unique qui donne le LA d’un film singulier. On peut alors que de vous conseiller de foncer découvrir ce premier essai rigoureux d’un homme aguerrit, acteur devenu réalisateur sûr de ses intentions en totale possession de ses moyens. Un coup de maître.

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