The King of New York : L’ange de la mort

Déjà un peu plus tôt dans l’année, Carlotta nous avait gratifié d’une belle édition blu-ray de The Addiction. Poursuivant son travail autour de l’œuvre d’Abel Ferrara, l’éditeur, qui avait déjà sorti The King of New York il y a plusieurs années, ressort le film dans une nouvelle restauration 4K et dans trois éditions différentes. Le 8 septembre, The King of New York viendra donc garnir la collection Edition Prestige Limitée de Carlotta avec un coffret limité à 1500 exemplaires et de nombreux memorabilia tandis qu’il sera également disponible en éditions single 4K et Blu-ray. Un choix assez vaste pour un film que l’on redécouvre totalement avec cette restauration de premier choix, rendant grâce à la photographie froide et bleutée de Bojan Bazelli.

Film charnière dans la carrière d’Abel Ferrara, The King of New York marque un tournant pour le cinéaste. D’un côté il s’agit de son premier chef-d’œuvre après des films passionnants mais perfectibles et de l’autre il lui permet d’accéder à une reconnaissance plus large auprès du public sans pour autant qu’il n’y sacrifie son intégrité artistique. Il s’agit en effet à l’époque de son film le plus épuré, débarrassé du superflu pour aller droit à l’essentiel mais cela ne l’a pas empêché d’être entouré par un parfum de scandale puisqu’il fut très mal reçu à l’époque de sa sortie, hué par le public qui y voyait là une apologie du trafic de drogue. Celui-ci aura sans doute mal digéré d’avoir devant ses yeux une œuvre refusant tout manichéisme, dans laquelle le personnage principal, Frank White, trafiquant de drogue n’ayant aucun scrupule à assassiner ses concurrents, était mis à pied d’égalité avec les personnages des policiers qui, censés représenter un repère moral, sont pourtant quasiment aussi pourris et rongés par la violence que Frank White.

C’est pourtant la grande force du film, d’avancer sans jugement, de ne jamais céder à la facilité d’opposer le bien et le mal. Ferrara et son complice scénariste Nicholas St. John nous montrent au contraire un monde pourri jusqu’à l’os de tous les côtés et en dépit de l’aversion que l’on peut avoir pour Frank White, le fait qu’il soit le seul à sembler lucide sur ce qu’il est et où ça le mènera crée une indéniable fascination pour lui. Fascination d’autant plus renforcée qu’il est incarné par Christopher Walken, monstre de charisme qui trouve là l’un de ses rôles les plus emblématiques, marquant le début d’une fructueuse collaboration avec Abel Ferrara. Walken traverse le film comme un fantôme, avançant sans fléchir et pourtant conscient du destin qui l’attend. Le temps, il en assez perdu en prison. Désormais il veut prendre ce qu’il désire et tant pis si cela veut dire qu’il doit refroidir tout un gang au passage et s’attirer une telle colère des policiers que ceux-ci sont prêts à passer de l’autre côté de la barrière pour s’en prendre à lui.

Filmé dans des teintes bleutées rappelant parfois le travail de Michael Mann sur Manhunter, The King of New York se déroule presque exclusivement de nuit, captant un monde pourri jusqu’à la moelle où l’innocence n’a pas l’air d’exister et où les valeurs morales s’écroulent face à l’argent et à la violence. Frank White y déambule avec détermination mais le moindre décor semble être là pour l’enfermer. Qu’il soit dans sa suite au Plaza, dans la rue ou dans le métro, tout rappelle la prison et sa liberté, bien que brutale, apparaît comme illusoire. White a beau se rêver roi de New York, la ville ne se laissera pas dominer comme ça, elle cache toujours dans ses recoins sombres quelqu’un ou quelque chose prêt à vous tomber dessus. Déconcertant dans sa façon de jouer avec nos attentes (la violence est présente et assourdissante mais pas forcément là où on l’attend, comme en témoigne sa fin, sans morceau de bravoure, sans éclats), The King of New York est décidément un grand film, servi par un fabuleux casting et par une atmosphère funèbre dont on savoure chaque instant, figés à jamais sur le visage impassible et fascinant de Christopher Walken.

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