Fragile : Un scénario fragile pour des acteurs qui ne le sont pas tant que ça

Fragile est le premier long-métrage de la réalisatrice Emma Benestan. On y retrouve Oulaya Amamra, vedette du film Divines qui l’a révélé au grand public, ainsi que Tiphaine Davot ayant déjà quelques beaux rôles à son actif. Mais également quelques acteurs encore peu connus du grand écran comme Yasin Houicha, Raphaël Quenard ou Bilel Chegrani. Fragile raconte l’histoire de Az, ostréiculteur expérimenté qui décide de demander sa petite amie en mariage d’une manière originale. La réponse n’est malheureusement pas celle escomptée et Az se retrouve alors dans un désespoir et un chagrin intarissables. Ses amis sont là pour l’aider, et une amie en particulier qui va lui faire bouger ses fesses pour récupérer la femme de sa vie.

Si le titre fait rire et rappelle à quel point ce terme est devenu une insulte chez les jeunes lorsqu’ils se charrient entre eux, il montre surtout à quel point le chagrin d’amour rend les gens fragiles émotionnellement. Le sous-texte n’est pas anodin de casser l’image de la virilité systématique, entre autres, dans les films, et de briser quelques codes sociaux quant à la féminité d’une romance. En vérité il s’agit moins là d’une pique sociale que d’un habile jeu avec le titre et sa signification dans le langage courant. Néanmoins, le personnage principal s’écarte au premier abord de l’homme parfait, insensible et sûr de lui en toute circonstance qu’on lui attribue trop souvent et trop facilement dans ce genre de scénario. Yasin Houicha réussi parfaitement à jouer de ça en restant continuellement en retrait des autres. Il est le personnage principal de cette histoire, incontestablement, et pourtant il réussit à s’effacer naturellement au profit de ses camarades de jeu chaque fois qu’il apparaît à l’écran. Et pourtant il ne disparaît ou ne s’arrête jamais d’exister. Au contraire, il parvient simplement à rendre son personnage chétif, attendrissant, en besoin de protection.

C’est d’ailleurs un peu la force d’Emma Benestan avec Fragile. Elle idéalise tellement ses acteurs pour leur talent qu’elle cherche surtout à les faire briller en toute circonstance. Et cela fonctionne. Ils sonnent si juste à chacune de leurs répliques, de leur actes et de leurs relations qu’il devient fascinant de les contempler. Même l’humoriste belge Guillermo Guiz dont le jeu et l’attitude reste assez décalée par rapport aux autres protagonistes devient une perle d’acting. Le plus délectable de tous reste Raphaël Quenard qui nous régale à chacune de ses interventions. Pour les aider, les acteurs ont quand même le droit à des dialogues assez juste. Les dialogues possèdent une certaine théâtralité bien trop classique pour être assez percutants dans une comédie romantique sur grand écran, mais tout de même dotés d’une harmonie intéressante à écouter au travers des intonations de nos protagonistes. Malheureusement, même s’ils sont justes, ils restent très limités dans leur originalité.

Le principal défaut de Fragile est son scénario. Il est d’un banal à en être désolant. Vu, revu, rerevu et vu encore une fois un 5 juin sur France Ô. Certes les histoires d’amour peinent à véritablement se renouveler avec le temps et finissent toutes par se ressembler de près ou de loin. Mais en général les scénarios incorporent des éléments lui permettant de briller et de se démarquer. Voire de proposer une nouvelle approche ou un autre angle de narration. Cette fois-ci, il n’y a strictement rien d’innovant. Plus surprenant encore, c’est parce qu’il n’y a rien de surprenant qu’on a le sentiment que ça l’est. Ce qui mériterait peut-être une analyse plus profonde sur le genre et sa pérennité. On devine rapidement tous les enjeux et tous les axes narratif de l’histoire avant même qu’ils se produisent. C’est un peu dommage, mais ça donne la sensation d’être omniscient, ce n’est pas si désagréable. Il y avait quand même certainement un coup à jouer pour rendre l’histoire moins monotone et attendue.

Au final, même si la réalisatrice démontre une grande qualité pour savoir filmer ses acteurs (croyez-le, il y en a plus d’un qui s’y sont cassés les dents), tout miser sur leur talent indéniable manque de véritable impact émotionnel et psychique. On ressort de la séance sur notre faim avec le sentiment d’avoir vu une belle histoire, bien racontée, mais de se rendre compte après coup que cette histoire, on l’a déjà vécue une trentaine de fois. On admet volontiers notre désarroi face à Fragile, nos attentes étaient certainement trop élevées pour un premier film qui, en réalité, est tout à fait sympathique.

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