Trois heures, l’heure du crime : La folle journée de Jerry Mitchell

On ne saluera jamais assez le travail éditorial de Rimini Editions qui s’attaque décidément à tous les registres avec un seul critère de choix : la qualité du film, peu importe son genre ou sa réputation. C’est ainsi que depuis le 9 juin dernier, le méconnu Trois heures, l’heure du crime est disponible dans un combo Blu-ray + DVD permettant de découvrir avec enthousiasme ce film, réalisé par un Phil Joanou (Les Anges de la nuit, Sang chaud pour meurtre de sang-froid) dont c’était ici le premier long-métrage, soutenu à la production par Steven Spielberg avec qui il avait travaillé précédemment sur la série Histoires Fantastiques.

Spielberg demandera cependant à ce que son nom soit retiré du générique en voyant le résultat final, s’exclamant  »Qu’est-il arrivé à Karaté Kid ? Vous avez fait un film de Scorsese ! » Et pour cause, tout en étant un teen movie tout ce qu’il y a de plus honorable, en respectant les codes du genre à la lettre, Trois heures, l’heure du crime va effectivement plus chercher du côté de After Hours, relatant la journée infernale de Jerry Mitchell, lycéen sans histoires qui a le malheur de toucher Buddy Revell, nouveau venu dans l’école précédé par une réputation de brute et qui ne supporte pas qu’on le touche. Buddy provoque donc Jerry en duel et l’attendra à trois heures devant le lycée pour le battre. Sachant qu’il n’a aucune chance, Jerry va donc tout faire pour éviter le combat, quitte à s’enfoncer dans la mouise au fur et à mesure que l’heure fatidique se rapproche…

Sous la haute influence de Scorsese, Phil Joanou réalise donc un film bourré d’énergie, transpirant l’envie de cinéma à chacun de ses plans. Imposant dès sa première séquence un sens du rythme qu’il ne perdra plus par la suite, Joanou construit son récit sans temps mort, aidé par un savoureux scénario co-écrit par Richard Christian Matheson (le fils de Richard Matheson), par la présence de Barry Sonnenfeld à la photographie et par la bande-originale composée par Tangerine Dream. Qu’importe si les acteurs jouant les lycéens s’approchent de la trentaine (et d’ailleurs Casey Siemaszko, ayant alors déjà joué dans Retour vers le futur et Stand by me, a franchement une tête de trentenaire) puisque la suspension d’incrédulité fait admirablement bien son travail, Joanou ne nous laissant guère le temps de nous appesantir sur ce détail tant il emmène son film avec une belle vitalité et un sens de la mise en scène joliment travaillé, sachant aussi bien manier le tempo comique (le film est très drôle et parfaitement monté) que les scènes d’action.

On comprend aisément la réaction de Spielberg face au produit fini mais l’on regrette qu’il n’ait pas soutenu le film (qui se planta au box-office) alors qu’on tient là l’un des teen movie les plus originaux et les plus savoureux des années 80. Convoquant de nombreux genres en son sein (comédie, thriller et même western, le titre original Three O’Clock High renvoyant à High Noon, le titre original du Train sifflera trois fois), Trois heures, l’heure du crime est en permanence animé par une bonne humeur communicative et l’on sent que Joanou comme ses acteurs (tous excellents) ont pris beaucoup de plaisir à faire le film, osant jouer avec nos attentes (la scène de l’exposé de français, formidable) et les codes du genre. Animé d’un certain sadisme (voir tous les plans de Jerry pour s’en tirer foirer en beauté et l’enfoncer dans les problèmes provoque beaucoup de rires) et doté d’une inventivité à toute épreuve parvenant à casser nos attentes dans un genre ultra-codifié, Trois heures, l’heure du crime s’avère être une petite merveille et l’on peut grandement saluer le travail de Rimini qui a osé le sortir et nous le proposer dans un master de toute beauté, permettant de profiter au maximum du film dont on se réjouit de la découverte.

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