Rouge : Red Waters

Depuis l’année dernière, l’époque est à la vigilance, à la scrutation attentive des maux de notre société, la réalité nous l’a prouvé avec cette épidémie de Covid-19 nous dépassant tous et la fiction nous le rappelle régulièrement. Après Dark Waters en 2020 qui revenait sur un scandale sanitaire majeur aux États-Unis, voilà que pour son deuxième long-métrage, le réalisateur Farid Bentoumi s’inspire d’une histoire vraie pour nous livrer Rouge, un drame social et écologique qui fait partie de la sélection cannoise de l’année 2020.

Après une expérience traumatisante aux urgences, Nour, infirmière, revient dans sa région natale pour prendre un poste dans l’usine chimique où travaille son père Slimane depuis toujours. Celui-ci, délégué syndical, est un pivot de l’entreprise et l’a toujours soutenue jusque dans ses combines pour dissimuler accidents du travail et autres incidents gênants. Alors que la société est en plein contrôle sanitaire et doit se faire renouveler le droit de rejet de ses déchets chimiques pour rester ouverte et maintenir l’économie locale en place, Nour découvre que les consignes sanitaires ne sont pas respectées et que les ouvriers travaillent en se ruinant la santé. La voilà tiraillée entre son devoir de dire la vérité et son amour pour son père, pour qui l’usine représente tout…

De ce sujet important et sur lequel il est plus que jamais nécessaire d’alerter, Farid Bentoumi en tire un film efficace et limpide, aussi bien sur sa narration que ses enjeux. Le cinéaste surprend ainsi par sa capacité à réaliser un film d’une sobriété et d’un sérieux aussi exemplaire après la légèreté de Good Luck Algeria. On regrettera alors que derrière cette efficacité narrative et ce cri d’alarme vibrant ne se cache pas plus de cinéma. Manque de chance, Rouge arrive après le Dark Waters de Todd Haynes qui offrait sur un sujet similaire un film à la mise en scène puissante et l’ampleur dramatique saisissante. Bentoumi joue la carte de la sobriété mais cela joue en sa défaveur, le film étant maîtrisé mais ne comportant que peu de véritables idées de cinéma en son sein.

Rouge va alors surtout trouver sa force dans l’interprétation de ses acteurs, à commencer par Zita Hanrot dont la justesse étonne une fois de plus, l’actrice s’imposant depuis plusieurs années comme l’une des valeurs montantes du cinéma français face à un Sami Bouajila toujours aussi impeccable. Le scénario aussi, sachant parfaitement illustrer le dilemme de Nour tout en expliquant en profondeur la problématique écologique de la situation (qui malheureusement n’est pas exceptionnelle, en France comme partout ailleurs) et son absurdité totale (ne rien dire pour permettre aux employés de garder leur travail tout en sachant qu’ils mourront certainement avant la retraite). Si le film aurait pu être plus puissant, Bentoumi se conformant trop sagement à son scénario, on ne peut cependant pas lui enlever son ambition narrative et sa rage, collant toujours à l’humain, pour dénoncer ce que beaucoup trop de gens considèrent comme normal. Un cri de rage nécessaire, qu’on encourage à découvrir, en salles le 11 août prochain.

1 Rétrolien / Ping

  1. Goliath : Est-ce que David peut encore gagner ? -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*