Milagro : Révolution en douceur

On ne cessera jamais de remercier Rimini Editions dont le travail est discret mais permet toujours de lever le voile sur des films inattendus. Choisissant ses titres avec éclectisme mais toujours avec passion, Rimini a édité depuis le 18 mai dernier Milagro, la deuxième réalisation de Robert Redford, méconnue dans sa carrière, mais qui mérite largement qu’on s’y attarde, le film célébrant la lutte collective d’une poignée d’individus d’un village du Nouveau-Mexique face à l’arrivée d’un promoteur immobilier décidé à construire des lotissements et quartiers chics sur ces terres remplies de promesses.

Evidemment Redford se place dès le début du côté des villageois luttant contre cet immense chantier qui pourrait remettre toute leur existence en question. Le village de Milagro est peut-être isolé et pauvre mais la plupart des personnages ne sont pas prêts de troquer cette existence paisible contre le capitalisme sauvage d’un projet leur promettant monts et merveilles sans pour autant garantir la qualité de leur vie derrière. Artiste engagé, Robert Redford regarde donc avec tendresse ce petit monde tandis qu’il dresse un portrait à charge des promoteurs et autres agents du gouvernement censés aider à faire avancer le chantier, prêts à toutes les combines pour parvenir à leurs fins.

Sans pour autant céder au manichéisme (et ce grâce à un aspect choral couvrant de nombreux personnages et donc tout le spectre de la problématique de ce chantier), Milagro évite également les lourdeurs grâce à une légèreté permanente. Le conflit entre le promoteur et les villageois se déclenche d’ailleurs par accident. Ne pouvant plus irriguer le champ de son père car l’eau est utilisée pour le chantier, Joe Mondragon donne un coup de pied dans une valve et le casse sans le vouloir. L’eau se répand alors dans son champ et, contre toute attente, il décide d’y planter des haricots, signe de protestation prenant une plus grosse ampleur que prévue. Rebelle par accident, symbole d’une révolte sans le vouloir, Joe va entraîner toute la communauté dans un conflit (The Milagro Beanfield War du titre original) duquel les gens simples aux valeurs authentiques ne peuvent que ressortir vainqueurs.

Dès le début, en plaçant du côté des villageois un ange facétieux que seul le vétéran du village peut voir (et parlant donc tout seul, passant pour un vieux fou), Milagro puise dans le réalisme magique, cette forme de fantastique rare dans le cinéma américain qui fait tout de suite basculer le film vers la fable, une fable dont nous n’avons que très peu de doutes quant à son issue tant la sympathie du scénario et du réalisateur est clairement dirigée vers les villageois. Ce n’est pas très grave puisque les enjeux sont ailleurs, Milagro trouvant toute sa saveur dans la description touchante de ses personnages, nombreux mais tous écrits avec justesse, avec leurs rêves, leurs causes à défendre et leurs ambitions. Dans ce film où irriguer un champ est le cri de révolte d’un homme qui craignait ne jamais rien faire de sa vie, où l’amitié entre un vieillard et un étudiant que tout oppose est possible et où un avocat planqué peut retrouver sa hargne, ce n’est pas tant le déroulement du récit qui compte que ces tranches de vies captées à un moment de tension, authentiques et profondément humaines, bouleversantes de simplicité. Un cri du cœur et une invitation à l’empathie, voilà ce qu’est Milagro, servi par un casting en or (Chick Vennera, Sonia Braga, Ruben Blades, John Heard, Julie Carmen, Daniel Stern, Christopher Walken, Carlos Riquelme) qu’il serait dommage de bouder tant le film, méconnu, rejoint parfaitement la filmographie cohérente de Robert Redford réalisateur.

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